Le plan de relance européen au bord du fiasco : la négociation de mise au point démarre dans les plus mauvaises conditions<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Angela Merkel Emmanuel Macron Europe plan de relance
Angela Merkel Emmanuel Macron Europe plan de relance
©STEPHANIE LECOCQ / POOL / AFP

Atlantico Business

Ce plan européen de 750 milliards d’euros décidé en juillet dernier faisait rêver tout le monde. Aujourd’hui, les discussions pour le mettre en place partent dans tous les sens. Résultat : l’Europe aura une fois de plus beaucoup de mal à tenir son calendrier et surtout ses engagements.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

C’était en juillet dernier, le 21 juillet, la première vague de l’épidémie de Covid 19 semblait se retirer doucement du continent européen en laissant des économies en partie ruinées par les procédures de confinement, et surtout par l’angoisse qui avait submergé toutes les opinions publiques et risquait de dévaster toutes les structures économiques, sociales et politiques. Du coup et pour la première fois depuis la crise de 2008, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont accordés sur un plan de soutien et de relance exceptionnel et historique, parce que même au lendemain de Lehman Brothers, alors qu’il s’agissait de sauver les banques, l’Europe n’était pas allée aussi loin.

Face au Covid et alors que chaque pays européen avait fait cavalier seul pendant toute la phase d’attaque du virus, une fois le pic de l’épidémie passé, les 27 chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé de mobiliser un plan de sauvegarde de 750 milliards d’euros et pour financer cet effort très important, les Etats membres ont décidé de s’endetter en commun. Cette décision est apparue historique à tous ceux qui connaissent bien les mécanismes communautaires et elle l’était, parce que jusqu'alors, on n’avait jamais réussi à émettre des eurobonds. En clair, on n’avait jamais réussi à mutualiser un emprunt.

L’idée était que l’emprunt européen était certes garanti par la puissance économique de tous et de chacun, mais cette mutualisation impliquait aussi qu’on allait redistribuer cet argent non pas en fonction de la capacité de remboursement mais en fonction des besoins. Les plus riches acceptaient de payer pour les plus pauvres.

Cette mutualisation est née sous l’impulsion de la France mais aussi de l’Allemagne. Et c’était très nouveau parce que jusqu’alors, les Allemands mais aussi les Hollandais et quelques autres, exigeaient une rigueur absolue dans la gestion de ses propres affaires. Pour pouvoir bénéficier des fonds européens il fallait être impeccable dans sa propre maison.

En juillet, on a compris que si les Allemands avaient changé d’avis, c’est qu’ils pensaient à juste titre que l’Europe était en difficulté grave mais que l’Allemagne avait besoin pour continuer de se développer, d’une Europe qui tienne debout d’où le changement de cap imprimé par Angela Merkel.

Le problème, c’est que cet accord qui a été signé sous les applaudissements de tous les Européens doit être finalisé pour entrer en application.

Le plan européen devait financer des programmes nationaux sous forme de subventions (400 milliards) et de prêts (390 milliards d’euros).

En gros, chaque pays pouvait compter sur une enveloppe prédéfinie en fonction de sa population et de son PIB avant la pandémie pour les 2/3 du total. Quant au dernier tiers, il dépendait plus directement des dégâts causés par le Covid 19 sur l’économie compte tenu du chômage notamment.

C’est ainsi que, globalement, la France a compris qu’elle allait recevoir 40 milliards d’euros qui seraient inscrits dans le plan de relance global français de 100 milliards, actuellement discuté dans le cadre de la loi de finances au Parlement. Ces 100 milliards (dont les 40 venant de l’Europe) serviront à financer des investissements industriels en faveur de la compétitivité, de la transition énergétique et de la réindustrialisation.

Chacun des pays membres devait faire le même travail et les 27 Etats membres doivent à partir du 15 octobre, c’est à dire cette semaine, présenter leur copie à Bruxelles.

Entre cette semaine et la fin de l’année, l’Europe va donc discuter des plans nationaux, les comparer et les accepter à l’unanimité et c’est très important, pour qu’enfin on puisse actionner le financement mutualisé de la Commission européenne. Il faudra notamment se mettre d’accord à l’unanimité sur le financement par emprunt mutualisé.

Si tout se passe bien, l’Europe pourra dès le 1er janvier, adopter un budget européen tenant compte de ce plan de relance européen.

Si tout se passe bien... Parce qu’avant même le démarrage des discussions du 15 octobre, les choses s’enveniment. Les représentants des 27 vont tenter de s’entendre mais ça n’est pas gagné.

Dès cette semaine, on voit bien que l’unanimité requise est loin d’être atteinte notamment sur l’autorisation qu’il faudra donner à la Commission de s’endetter pour financer le plan.

D’un côté, on sait déjà que l’obligation de respecter les valeurs de l’Etat de droit va poser problème à certains pays.

Par ailleurs, nous avons des pays dit frugaux, les pays du Nord de l’Europe, qui préfèrent attendre d’y voir plus clair avant de se prononcer. Notamment sur les dépenses de chacun. Pas question d’autoriser certains à bénéficier des fonds empruntés par tous, pour dépenser sans améliorer leurs comptes publics.

En fait, la négociation du 15 octobre n’a pas commencé qu’on sait que les 27 membres et les institutions devront au minimum clarifier deux points :

Premier point : la notion d’Etat de droit. La grande majorité des pays membres considèrent que certains pays, la Pologne et la Hongrie pour ne pas les nommer, ne respectent pas les valeurs de la démocratie et surtout le respect de l’Etat de droit. L’UE voudrait trouver un moyen contraignant de les faire plier. Ces pays n’auront donc pas le droit de puiser dans le budget européen sauf à stopper toutes les dérives" illibérales".

Deuxième point : le Parlement souhaiterait, avant de lancer des emprunts européens, que l’Union européenne s’engage à autoriser la collecte de recettes propres. En bref, des impôts européens.

Il est évident que la mutualisation des dettes ouvre la porte à un fédéralisme budgétaire. Et si fédéralisme il y a, on s’orientera lentement mais surement vers un budget autonome avec ses recettes propres. C’est un vœu très ancien formulé par les Européens convaincus, mais dont la presque majorité des Etats membres ne veulent pas entendre parler. Encore aujourd’hui, en dépit de l’euro approuvé par tous, en dépit de la crise qui appelle des mesures exceptionnellement fortes. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !