Les vieilles tambouilles d’EELV <!-- --> | Atlantico.fr
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Yannick Jadot EELV libéralisme technocratique LFI idéologie
Yannick Jadot EELV libéralisme technocratique LFI idéologie
©PASCAL GUYOT / AFP

Dévoiement des mots

Yannick Jadot, invité cette semaine sur BFMTV et RMC, s'est confié sur les perspectives politiques d'Europe Ecologie les Verts : "Je crois à la victoire de l'écologie en 2022. L'écologie peut battre le libéralisme technocratique qu'incarne Emmanuel Macron". La technocratie française est-elle vraiment libérale ? Le dévoiement des mots peut-il être dangereux pour les électeurs ? Cela peut-il être bénéfique pour EELV ?

Atlantico.fr : Dans une récente interview, Yannick Jadot a déclaré : "l'écologie peut battre le libéralisme technocratique". La technocratie française est libérale, vraiment ? 

Jospeh Macé-Scaron : Je crois que s'il y a quelque chose que nous ont appris les crises (sanitaire, économique, politique) c'est que le problème rencontré par les Français dans leur quotidien ce n'est pas la technocratie, ce n'est pas l'administration, c'est la bureaucratie. Ensuite, je me méfie toujours des personnes qui adjectivisent le terme "libéral", libéral social, ultralibéral, libéral national... à chaque fois, cela sert à masquer une forme d'anorexie conceptuelle, de néant de la pensée. Libéralisme technocratique ne veut rien dire. Si le problème est l'énarchie, cela fait des décennies que nous le savons en France. Si Yannick Jadot souhaite dire par là que le problème vient d'une forme d'élite, le problème de l'élitisme se rencontre d'abord dans les pays qui ne sont pas des pays libéraux, comme l'Union Soviétique hier ou la Chine aujourd'hui. On peut regretter que l'ascenseur social soit singulièrement en panne, et en effet, on le regrettera justement. Mais le libéralisme technocratique, je n'arrive pas à appréhender ce que veut dire par là Yannick Jadot. Et à mon avis, Yannick Jadot non plus. 

Ces derniers mois, Yannick Jadot et EELV sont omniprésents (plateaux, réseaux sociaux). Comment l'expliquer ? 

La nature politique a horreur du vide. Ce que je veux dire, c'est que l'effacement du parti socialiste a donné à gauche des ailes à la mouvance écologiste, à EELV. Ils ont aujourd'hui, et c'est leur discours qu'ils partagent, qu'ils soient proche des indigénistes, de Hulot ou d'autres, ils se disent aujourd'hui que le parti écologique va prendre la place du parti socialiste d'autrefois. Et va peut-être, être le noyau par lequel va se reconstituer une gauche plurielle. Parce que pour l'instant, on n'a plus de gauche plurielle, mais une gauche plus rien. Ça, c'est de la vieille tambouille politicienne. On sait bien que tous les journalistes politiques qui ont suivi les Verts, puis EELV, savent qu'ils adorent les petites tambouilles politiques. Aujourd'hui, ça marche, lorsque ça marche au niveau local. Parce que l'on peut faire des alliances à géométrie variable, en s'alliant avec LFI, avec les radicaux de gauche... C'est vrai qu'aujourd'hui, EELV se trouve dans une position où il est maître du jeu à gauche. Cela donne des ailes, surtout quand une personnalité comme Olivier Faure dit que finalement la présence d'un candidat qui porte les couleurs du PS à la prochaine présidentielle n'est pas évident. Bien sûr, cela donne aux Verts des ambitions pour dire c'est autour de nous que la gauche doit se reconstituer. L'ambition que manifeste Yannick Jadot est quelque chose de tout à fait normal. Il avait une petite boutique électorale, et cela se transforme en magasin par lequel tous les électeurs de gauche peuvent faire leur course. Évidemment, il est pris par une sorte d'ivresse politique, mais il faudrait quand même qu'il dessoûle. 

Le dévoiement des mots peut-il être dangereux pour les électeurs, une menace ? Cela peut-il être bénéfique pour EELV ? 

"Technocratie libérale" est incompréhensible, c'est évident. Je pense d'ailleurs qu'employer ce terme est une grande paresse intellectuelle. Il y a tellement de choses à dire aujourd'hui sur l'économie, sur la nécessité de trouver des modes de régulations internationales sur des questions essentielles (comme les ressources énergétiques par exemple). Ici, c'est une sorte d'encapsulage dans un élément qui est sans sens. Pour un grand nombre d'électeurs et pour beaucoup de gens qui ont voté aux élections locales pour les candidats écologistes car il y a un discours qui pouvait leur sembler cohérent sur le local, je ne vois pas comment la proposition de Yannick Jadot peut convaincre. C'est de nature à dérouter l'électeur. Mais je tiens à rappeler une vieille loi en politique : on préfère toujours l'original à la copie. Cela vaut pour toutes les élections. LFI a vraiment une longueur d'avance. Quand les écolos partent à l'assaut du libéralisme, c'est comme autrefois lorsque la droite employait les mêmes mots que le Front National. Je ne pense pas, en effet, qu'EELV puisse en bénéficier. En revanche, je suis très étonné parce que s'il y avait un terrain d'ouverture sur lequel Yannick Jadot peut travailler, ainsi que les autres composantes de la gauche (PS, LFI), c'est la notion de surconsommation. Les écologistes sont en difficulté, car parler de surconsommation alors que l'on va certainement vers une crise économique et sociale... c'est moyen. Une partie des Français se disent "de quoi notre quotidien va être fait demain ?", nous ne sommes plus vraiment dans une société où la surconsommation est une menace. C'est la perte de l'emploi, la peur de ne pas pouvoir joindre les deux bouts. Peut-être que je comprends mieux le fait qu'il essaie de s'échapper de ça. La lutte contre la surconsommation c'est une lutte de riches, la possibilité de choisir la bonne consommation nécessite d'avoir les moyens pour le faire. Yannick Jadot est donc en difficulté, et c'est peut-être pour cela qu'il essaie de trouver une échappatoire qu'il a monté à la va vite avec une personne de la communication à ses côtés. N'oublions pas que Yannick Jadot parlait aussi récemment de libéralisme technocrate au sujet de Donald Trump. La dernière élection aux États-Unis, le libéralisme technocratique était du côté d'Hillary Clinton, pas de celui de Donald Trump ! 

Joseph Macé-Scaron a publié "Eloge du Libéralisme" aux éditions de L'Observatoire

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