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"Mon signore, il est l'or !". L'or bat son record historique et hystérise la spéculation
©Paul J. RICHARDS / AFP

Atlantico Business

Le métal jaune a coté hier 1930,48 dollars l’once, c’est à dire plus que son record historique de septembre 2011. La banque UBS voit l’once d’or à plus de 2000 dollars tandis que Bank of America parie sur 3000 dollars l’année prochaine.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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« Mon signore, il est l’or, l’or de se réveiller ». Personne n’a oublié la réplique culte de Yves Montand à l’adresse de Louis de Funès dans La Folie des grandeurs. Les souvenirs de Louis de Funès refont l’actualité alors que l’or pulvérise ses records historiques et déchaine les traders sur tous les marchés du monde.

Depuis le début de l‘année 2020, l’arrivée du Covid-19 a propulsé les cours de l’or qui a battu ses records historiques. L’or a progressé de 25 %, devenant ainsi l’investissement le plus rentable sur le court terme. Mieux que les stars du Nasdaq, mieux que Tesla. Plus fort qu’en pleine crise financière de 2011.

Comme souvent les explications sont limpides. Entre l’angoisse alimentée par la pandémie, l’arrêt de l’économie mondiale provoquée par le confinement et les montagnes de titres obligataires à taux négatifs, tous les ingrédients sont réunis pour faire de l‘or la valeur refuge par excellence. Ajoutons à ces explications banales, un dollar plutôt affaibli par le coût de la pandémie aux Etats-Unis et surtout par les perspectives très incertaines. Personne ne sait quand et comment l’économie va rebondir. Personne ne sait quand et comment le virus va disparaître ou même si on aura un vaccin pour s’en protéger.

Depuis une semaine, les nouvelles qui viennent des États-Unis sont alarmantes. Donald Trump a d’ailleurs changé de discours, les nouvelles en provenance de Chine ne sont pas meilleures. Si le virus est sous contrôle en Asie (ce qui reste à prouver), la machine économique ne redémarre pas. Enfin, on voit bien qu’en Europe, si le confinement a réussi à freiner la circulation du coronavirus, la menace d’une reprise des feux épidémiques est très présente et très stressante.

Bref, la semaine qui s’ouvre va être déterminante pour savoir si on ne sera pas obligé de prendre de nouvelles mesures de confinement partout dans le monde.

L‘or a toujours été, dans l’histoire de l’humanité, une monnaie d’échange, de placement et surtout une valeur refuge. Sa rareté sur la planète, le coût de son extraction et son caractère inaltérable en a fait une des composantes incontournables de la richesse. La confiance dans l’or est partagée dans le monde entier, quels que soient la géographie, le climat, l’histoire religieuse ou le système politique. On sait que Staline par exemple, le petit père des peuples, voulait de l’or partout y compris dans les WC.

L’or est assez peu utilisé dans l’industrie. Le secteur informatique en a beaucoup consommé au niveau des microprocesseurs mais il aurait désormais trouvé des matériaux de substitution un peu moins cher. Le secteur commercial le plus gourmand est la bijouterie, mais la demande est tombée complètement depuis le début de l’année. Les particuliers n’achètent plus de bijoux, notamment en Chine et en Inde où les populations étaient les plus gros acheteurs.

L’or est principalement utilisé désormais pour thésauriser de la valeur et protéger une épargne de précaution. Cela dit, la conservation de l’or n’est pas très pratique. Il faut le mettre en sécurité. Ce qui n’est pas évident.

L’or se présente sous forme de pièces (des Napoléons ou des Louis d’or qui servaient jadis aux monarques à garantir les dettes de l’Etat) ou de lingots. L’once d’or, qui sert à coter son prix, est une unité de poids très ancienne utilisée dans les pays anglophones. Elle est aussi appelée once Troy, en référence à la ville de Troyes (la ville de François Baroin) où cette unité de mesure a été utilisée pour la première fois au Moyen-Âge. Une once d’or pèse très précisément 31,1034768 grammes.

On trouve donc des petits lingots d’une once. Mais les plus courants des lingots pèsent 1 kg. Ce qui, au cours actuel, met le lingot à 50 000 euros.

Par conséquent, l’or physique qu‘entasse Louis de Funès n’est, non seulement pas pratique à conserver, mais il n’est pas facile à utiliser pour gérer son patrimoine. On ne peut pas le couper en deux, par exemple, pour diversifier son placement.

C’est la raison pour laquelle se sont développées des formes d’or papier pour attirer les investisseurs vers des produits financiers dont la valeur repose sur l’or. Des “Exchange Traded Fund” ou “Fonds Coté en Bourse », ce sont des trackers qui vont suivre des entreprises en rapport avec l’or. Mais pour investir véritablement dans le métal jaune, ce n’est pas via un ETF, mais un ETC (pour Exchange Traded Commodities).  Quand investit dans un fonds, on en devient actionnaire. Mais dans les fonds en or, les ETC, il s’agit d’un titre de dettes. On prête de l’argent. La garantie de l’ETC est le stock d’or possédé. On appelle ça “Gold Backed”. Au mois de juin, il faut savoir que l’encours total des produits indiciels cotés et adossés à de l’or représentait plus de 3000 tonnes d’or.

Depuis le début de juillet, 600 tonnes d’or ont encore été achetées. La Suisse, qui possède sans doute les plus gros stocks d’or dans le monde, en vend des tonnes considérables aux États-Unis depuis trois mois.

Parallèlement à ces investissements en or-papier gagé sur des stocks, le marché des titres de mines d’or et lui aussi devenu très actif. Et là, c’est à Johannesburg que ça se passe et où sont cotés les 5 plus gros groupes du monde. Alors que la bourse d’Afrique du Sud patine dans l’épidémie et perd 2% , la valeur de ces 5 groupes a gagné 100 % depuis deux mois.

Est-ce que cette frénésie est durable ? Personne ne le sait. Le phénomène est intéressant parce qu‘il n’y a pas de frénésie d’achat d’or physique de la part des particuliers. Le confinement a figé le commerce, y compris celui de la bijouterie. En revanche, il existe une demande exceptionnellement forte sur l’or papier, parce qu‘il y a beaucoup de liquidité et d’épargne. Et que ces liquidités recherchent des rendements que la bourse ou la dette obligataire ne génèrent plus. Donc on chasse les plus-values sur l’or.

Une des conséquences de ce phénomène est qu’on commencerait à voir de « l’or sale » sortir. Pour garantir l’or papier, les établissements financiers ont besoin d’or physique qu‘ils achètent en Suisse.

La Suisse possède des raffineries pour purifier l’or métal. Ces raffineries sont désormais soupçonnées de s’approvisionner en or sur le marché de Dubaï. Or, l’or de Dubaï provient d’Afrique et des zones de guerre, notamment du Darfour. Des enquêtes sont en cours. Ça n’est pas la première fois que l’attrait de l’or permettrait de blanchir des revenus illicites pour indirectement financer le terrorisme.

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