EPR / éoliennes : le match des dépenses incontrôlées entre la filière nucléaire et les énergies renouvelables<!-- --> | Atlantico.fr
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centrale nucléaire éoliennes
centrale nucléaire éoliennes
©JOHANNES EISELE / AFP

Gaspillages

La filière nucléaire est critiquée pour ses coûts importants, notamment sur le dossier de l’EPR de Flamanville. Est-ce que la filière nucléaire mobilise beaucoup plus de subventions que la filière éolienne ? Les éoliennes sont-elles réellement plus rentables du fait de leur source d’énergie renouvelable ?

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Julien  Aubert

Julien Aubert

Julien Aubert est ancien député de Vaucluse, vice-président des Républicains

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Atlantico.fr : La filière nucléaire est attaquée pour ses coûts importants, notamment du fait des dépassements de délais de l’EPR de Flamanville. Pour autant est-ce que la filière nucléaire mobilise beaucoup plus de subventions que la filière éolienne ?

Julien Aubert : Le financement n’est pas identique d’un côté comme de l’autre. Le soutien aux énergies renouvelable pour 2021 coûtera 1 milliard de plus que ce qui était prévus initialement. En cause : la récente baisse des prix sur le marché de l’électricité (voire des prix négatifs). C’est une actualité qui fait peu de bruit et classée dans les pertes et profits : manifestement les dépassements liés à d’autres énergies que le nucléaire, et surtout les renouvelables, sont considérés comme normaux.

Le vrai problème cependant est le financement à long terme de l’éolien. Si vous prenez l’ensemble des dépenses liées à l’entretien du parc, en comptant les dépenses payées, engagées et prévues : les coûts budgétaires totaux de soutien à la filière éolienne oscillent entre 70 et 90 milliards d’euros, comme prévu par la Programmation Pluriannuelle de l’Energie. Il y aurait de quoi renouveler tout le parc nucléaire français originel ou faire passer l’actuel à la 3ème génération. Le tout payé évidemment par la contribuable. Ce qui est très différent de la filière nucléaire dont l’essentiel des dépenses sont engagées par EdF avec l’Etat qui s’en porte garant.

Loïk Le Floch-Prigent : Pourquoi cette polémique maintenant sur l’EPR de Flamanville alors que les surcoûts sont connus et ont été amplement expliqués. La population vient de comprendre que la France venait de commettre une énorme bêtise en fermant sa centrale nucléaire de Fessenheim, beaucoup d’argent perdu, un territoire en Alsace décimé mais surtout un erreur climatique et écologique puisque l’arrêt définitif a conduit nos voisins allemands à ouvrir une centrale à charbon sur laquelle nos deux pays vont devoir compter pour compenser les 7 TWH par an ainsi abandonnés. Les écologistes anti-nucléaires se devaient de déclencher un contre-feu face à cette prise de conscience, c’est fait. 

La Centrale de Flamanville est un prototype et ses jumelles ont été construites en Chine, fonctionnent très bien, en ayant respecté les coûts et les délais, donc avec un prix de l’électricité tout à fait acceptable. Le prototype, déjà en construction, a subi les conséquences du désastre de Fukushima et il a fallu modifier le programme au cours de la construction par suite des changements de réglementation. C’est la cause essentielle des retards et des coûts, et il faut y rajouter la perte de compétences techniques due à l’arrêt pendant vingt ans des constructions dont on a pu observer les effets sur les soudures ! Pour rester dans le coup, il faut toujours construire. Mais la filière nucléaire est une des grandes réussites françaises, la société Framatome qui construit les éléments clés des investissements est une des meilleures du monde et depuis quelques années des programmes de formation accélérée permettent de disposer du personnel qualifié. C’est une véritable filière industrielle avec ses sociétés phares, EDF et Framatome et sa centaine de sociétés sous-traitantes regroupant plus de 100 000 personnes, et il ne reste plus qu’à récupérer les turbo-alternateurs « Arabelle » d’Alstom vendus stupidement à General Electric pour avoir une souveraineté et une indépendance électrique complètes. C’est un secteur industriel qui fonctionne naturellement, sans subventions, les clients paient l’électricité, moins chère que celle de nos voisins allemands, et ceci permet de faire marcher les Centrales et de financer leur maintenance ou leur remplacement.

Pour l’éolien il en est tout autrement. Il n’y a aucune filière industrielle nationale, tout est acheté et fabriqué en Chine, en Allemagne et au Danemark. Les promoteurs organisent l’installation de ce matériel d’importation, et ils bénéficient d’un tarif préférentiel et d’une priorité sur le réseau. L’électricité éolienne est plus chère que toutes les autres, et lorsque qu’elle est produite elle exige la diminution de production de certaines centrales ou leur arrêt complet. L’énergie éolienne installée ne fonctionne à plein que 25% du temps et c’est aux autres sources de s’adapter. Les surcoûts pour les autres centrales sont énormes et les subventions pour les éoliennes existantes ont déjà été estimées par les instances gouvernementales à 125 Milliards d’Euro. On a transformé un programme expérimental d’utilisation rationnelle du vent en une nouvelle religion à la fois coûteuse et remplie d’illusions…  

Sur l’ensemble de leur cycle de vie, en prenant en compte leur densité énergétique, les éoliennes sont-elles réellement plus rentables du fait de leur source d’énergie renouvelable ?

Julien Aubert : La première confusion qui fait croire que l’éolien est plus rentable vient de la comparaison du coût en Mégawatt/heure produit. Or on oublie souvent derrière ce masque commode la complexité du calcul. Il y a de nombreux items qui ne sont pas pris en compte dont la prise en charge par le contribuable. Notamment dans le cas des opérations de raccordement de l’éolien offshore (en mer) dont les coûts sont assumés par RTE (Réseau de transport d'électricité) et qui vont se rabattre sur la facture. Le coût n’inclut pas non plus l’impact sur le patrimoine, la baisse du prix des habitations, la pêche etc. Il faut savoir que l’emprise au sol des éoliennes est très importante. Par rapport au nucléaire les capacités installées sont largement plus imposantes pour obtenir la même énergie produite. D’où tous ces effets néfastes par ruissellement. A long terme cela pose d’ailleurs un vrai problème d’artificialisation des sols devenus presque inutilisables via la bétonisation. On peut citer d’autres items non pris en compte comme les coûts d’indemnisations des fermetures des centrales nucléaires… 

En outre de nombreux coûts sont ignorés et sont en rapport direct avec la nature des éoliennes. Leur durée de vie est largement moins longue (20 ans) que pour une centrale (60 ans). Outre les coûts de recyclage, l’amortissement à long terme est moindre alors même qu’à capacités installées équivalentes les éoliennes coûtent autant qu’une centrale. Ce n’est pas le cas d’une centrale nucléaire qui certes engendre des coûts très important à sa construction mais sont amortis par sa durée de vie très longue et la forte densité énergétique induite par l’usage de l’uranium. Enfin, intermittentes et peu pilotables les éoliennes peuvent potentiellement provoquer des blackouts très coûteux ou impliquer l’utilisation de sources d’énergie plus pilotables pour combler les besoins (gaz, charbon…) comme c’est le cas en Allemagne… Inversement, difficilement contrôlables en cas de surproduction, elles contraignent à payer pour pouvoir vendre l’électricité produite car il n’existe pas de technologies de stockage suffisantes. A contrario une centrale nucléaire peut piloter sa production en une trentaine de minutes ce qui permet de s’adapter aux fluctuations de la demande et le cas échéant vendre de l’électricité à l’étranger en cas de besoin. Et tout cela n’est pas pris en compte par les calculs….

Loïk Le Floch-Prigent : Parler de rentabilité des éoliennes est un gag dont nous souffrons tous. La seule rentabilité c’est celle des investisseurs qui ont obtenu un revenu garanti, bien supérieur à celui que n’importe quel industriel peut obtenir en travaillant dur. Il y avait d’ailleurs une magnifique publicité dans les journaux au moment où chacun s’interrogeait sur l’avenir pendant le confinement disant d’une part que malgré la pandémie, les éoliennes tournaient (quand il y avait du vent) et d’autre part qu’elles continuaient à gagner beaucoup d’argent garanti par l’Etat. De quoi rendre fous tous les industriels français attachés à leur pays ! Une énergie intermittente peut voir ses coûts baisser, et c’est incontestablement le cas, mais pour parler de rentabilité il faut savoir le coût de la « doublure » et ses surcoûts qui sont très élevés et que personne n’a vraiment envie de calculer de peur de déplaire à la religion. Leur cycle de vie est d’une vingtaine d’années, contre 40 à 80 pour les centrales nucléaires, on n’en est qu’à une période expérimentale, et on a eu bien tort d’en construire autant en si peu de temps car l’obsolescence semble arriver plus vite, autour de dix ans avec des problèmes de maintenance qu’on essaie de taire, en particulier en mer. Il était nécessaire d’en réaliser, sans doute dans les endroits où le vent est le plus régulier et très loin des lieux d’habitation et des lieux de pêche. Mais le foisonnement a été ridicule, contre productif pour l’avenir de la filière et, en ce qui concerne la France, la première recherche de rentabilité aurait du être, comme pour le nucléaire une filière industrielle complète avant de commencer à installer la première éolienne. Maintenant que l’on reparle de souveraineté industrielle, (enfin !) il serait temps de se poser et de mesurer les conséquences des investissements réalisés. Les riverains se plaignent de troubles de santé, les vaches et leurs éleveurs aussi, les amoureux des oiseaux et du patrimoine aussi… Il y a une révolte dans tous les secteurs de la société qui devraient alerter les écologistes anti-nucléaires des métropoles qui votent pour les trottinettes et les vélos. Pour la population française les éoliennes ne sont pas écologiques et il se trouve qu’elle a raison. 

Pour prendre un exemple comment peut-on parler de rentabilité au Cap Fréhel et au Cap d’Erquy où on projette 62 éoliennes à 210 mètres de haut, ancrées à 71 mètres à 16 Kms de la plage fournissant un courant 5 fois plus cher qu’une centrale nucléaire (ou à gaz !), interdisant la pêche et les pêcheurs ! Le mot lui-même de rentabilité est indécent. 

Pourquoi alors une telle différence de traitement aussi bien médiatique que politique entre les deux filières ?

Julien Aubert : D’abord parce que l’on refuse d’avoir un débat scientifique et qu’il demeure de nombreux non-dits. Le non-recours au nucléaire coûte environ 10 milliards d’euros à l’Allemagne. Si on raisonne en pure analyse financière la substituion du nucléaire par les renouvelables serait rentable, en termes de coût/gestion du risque, à partir du moment où un risque nucléaire de type Fukushima serait de 33%...

En vérité les écologistes français, comme allemands ont fondé leur idéologie avant qu’apparaisse la notion de réchauffement climatique. Dans les années 70, on parlait d’ailleurs de risques de refroidissement de la planète. Et Greenpeace existait déjà ! Seulement cette mouvance écologiste s’est construite ontologiquement contre le nucléaire. Fukushima fût une aubaine pour eux. Ils ont pu faire se télescoper à profit le danger du réchauffement climatique et le danger nucléaire en tant que tel : ce qui est une manipulation grossière.

Aujourd’hui, les thèses anti-nucléaires sont promues en France au mépris du GIEC qui emploie l’atome dans 80% de ses scénarii. Même les propres relais de l’organisation en France sont tenus par des personnes issues de la gauche et de l’extrême gauche. Pour bien comprendre l’emprise de plusieurs organisations d’une certaine tendance politique dans l’écologie française il suffit de voir les membres qui encadrent la Convention citoyenne pour le climat : là un ancien de la Ligue Communiste Révolutionnaire, là un ancien conseiller de Benoit Hamon ou de Ségolène Royal ou bien de Cambadélis…. Ils ont évidemment parlé de transition énergétique mais pourtant à aucun moment le nucléaire n’a été mentionné….

Loïk Le Floch-Prigent : L’économie et l’industrie ne sont plus étudiées dans nos collèges et lycées, on a manipulé des générations de Français en leur disant que le vent et le soleil étant gratuits, il suffisait de s’en servir pour ne pas avoir de l’énergie et de l’industrie "sales". C’est la religion « verte » qui a imprégné les salles de classes puis le monde du marketing. Un enfant dort dans une voiture électrique bercé par le vent d’une éolienne au bruit inexistant : telle est l’image assénée quotidiennement à toute la population. En fait l’éolien est hors de prix, destructeur de l’environnement et les riverains proches en sont très souvent malades pour des raisons qu’il serait bon de connaître et qui seront sans doute demain l’objet d’études passionnantes. En attendant il faudrait un moratoire éolien, regardons ce que nous avons fait, combien cela nous a coûté et considérons les conséquences sociales et sanitaires. On comprend que les Français des métropoles soient fascinés par ces grands mats blancs qui meublent nos campagnes, mais s’ils étaient conscients de leur coût réel ils seraient moins satisfaits. Les  grands médias sont urbains, les politiciens ont vu dans les dernières élections une vague « verte », c’était écrit et largement diffusé, ils croient donc récupérer les électeurs du futur en favorisant les éoliennes. Les écologistes antinucléaires ont, pour un temps confisqué l’écologie, mais l’ânerie commise avec la fermeture de Fessenheim va leur coller au corps, cet acte était d’abord anti écologique car anti climatique, il coûtait au minimum 5 milliards et les soignants défilaient dans la rue pour réclamer la même somme. C’est encore 5 milliards qui vont être dépensés par le pays avec les surcoûts des éoliennes en mer programmées près de la plage du Cap Fréhel en Baie de Saint-Brieuc, dans ces moments où le pays souffre d’une crise économique incontestable, est-ce le moment de gaspiller ainsi stupidement l’argent des Français ? 

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