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Pierre Hurmic Bordeaux maire EELV
Pierre Hurmic Bordeaux maire EELV
©MEHDI FEDOUACH / AFP

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Pour beaucoup de chefs d’entreprises, le président de la République va se retrouver confronté à la pression des écologistes qui peuvent faire capoter son plan de relance.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Le nouveau Premier ministre Jean Castex va se retrouver confronté à une équation difficile à résoudre : préparer et gérer un plan de relance pour les entreprises qui, à la rentrée, risquent de tomber comme des mouches après plusieurs mois de coma artificiel.  Il faudra limiter la casse sociale où on attend plus d’un million de chômeurs supplémentaires.

Chacun de ces deux chantiers ne sont pas très difficiles à ouvrir.

Le premier passe par des mécanismes d’offre sur lesquels le ministre de l’Economie a déjà commencé à plancher et qui reviennent à donner plus de liberté et de moyens aux entreprises françaises (en priorité) pour qu’elles investissent, s’engagent et créent des emplois : ça passe par des baisses d’impôts et il faudra bien un jour accepter de supprimer les impôts de production qui mangent plus de 3% de la valeur ajoutée. Ça passe par des simplifications administratives et notamment des normes et des procédures, ça passe par quelques gros investissements dans le domaine de l’environnement.

Le deuxième chantier plus social revient surtout à réduire les plans sociaux annoncés par les grandes entreprises pour éviter d’enflammer les territoires : ça passe par un traitement social des départs volontaires ou provoqués (donc indemnités chômages) et par de la formation.

Ces deux chantiers font appel à des techniques très classiques et connues par toute l’administration. Le problème, c’est évidemment la gestion politique.

Après le mouvement des gilets jaunes, les grèves contre la réforme des retraites, l‘épidémie du coronavirus, le pays est désormais balayé par une vague écologique où certains ont vu un véritable tsunami quand la plupart des grandes métropoles sont passées au vert.

La réalité est un peu différente. Si la vague écologique est une vague de fond partie depuis longtemps, elle est moins profonde qu‘elle n’y paraît. D’abord, elle a été poussée par très peu de votants (record d’absentéisme). Ensuite, elle a bouleversé le centre des grandes métropoles, sociologiquement très bourgeois et embarqué de bobos, enfants éduqués et professionnellement casés de la gauche sociale démocrate.

Et enfin, cette vague d’écologistes n’est pas homogène. Beaucoup de leurs leaders sont assez radicaux et considèrent que la protection de l’environnement ne peut s’opérer que par un changement radical de système économique : moins de capitalisme, moins de mondialisation, moins de consommation, moins de production, moins de croissance. Derrière ces leaders, d’ailleurs très peu sont charismatiques, le gros des troupes se composent de militants plus pragmatiques, la protection de l’environnement oui, mais à condition de générer des richesses, de la croissance et des emplois.

Quand le gouvernement reprend ses chantiers prioritaires : relancer l’économie des entreprises et amortir le choc social, il se rend bien compte que ces deux priorités ont du mal à s’accompagner d’une action violente et rapide en faveur de la transition écologique.

Il se retrouve face à un sac de nœuds de contradictions. Il lui faut marier l’économie et l’écologie. Sur le seul dossier de l‘énergie par exemple, tous les pays occidentaux sont coincés parce qu’il n’y a pas d’autre solution pour faire face aux besoins, que de passer par l’énergie nucléaire si on veut une énergie décarbonée. Comme le nucléaire est le tabou non négociable par les écolos, il faut imaginer réveiller des centrales au charbon comme en Allemagne, ce qui est une aberration en termes de pollution, ou alors promouvoir un système de décroissance relative au système, ce qui est inimaginable pour la grande majorité de l’opinion qui aspire au progrès, et donc à l’emploi.

Pour la mobilité, nous sommes devant des contradictions identiques et ne parlons pas des systèmes de valeurs. La protection de l’environnement passe forcément par des mesures liberticides, inenvisageables dans des pays occidentaux élevés dans le cœur des valeurs de la république.

On peut imaginer, dans la mise en œuvre de l’action politique quotidienne, des chantiers de relance de l’économie et d’amortissement social qui prennent en compte certaines préoccupations environnementales, notamment par le biais d’incitations fiscales, si elles n’hypothèquent pas trop les objectifs budgétaires, ou alors par le biais des investissements. Les chefs d’entreprise ont parfaitement compris la nécessité d’introduire dans la recherche l’optimisation financière, les responsabilités environnementales et sociales qu‘elles doivent assumer. Ça fait partie de leur mission que de prouver tous les jours qu’il leur faut satisfaire d’abord leurs clients, ensuite leurs salariés et leurs actionnaires.

Mais ce qui est beaucoup plus compliqué à réaliser, c’est évidemment de composer un gouvernement dont l’incarnation correspondrait à ces différentes composantes. Impossible de décider un grand leader de l’écologie qui viendrait négocier ces compromis avec le ministre de l’Economie ou du travail. Nicolas Hulot en avait fait l’amère expérience et il avait préféré démissionner plutôt que d’entamer sa notoriété. Une retraite un peu honteuse, plutôt que le risque de passer outre certaines de ses convictions.

« Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne» disait Jean-Pierre Chevènement. C’est vrai pour tous les ministres, y compris le premier d’entre eux... Mais c’est encore plus vrai, pour le ministre qui sera chargé de l’environnement.

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