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La crise du Covid-19 a fait ressortir les idées les plus simples qui sont aussi les plus toxiques
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Atlantico Business

Pour répondre à la crise économique et au risque du chômage de masse, les idées les plus simples ressortent des cartons politiques : la décroissance, les 35 heures, les augmentations d’impôts, le protectionnisme, l’arrêt des progrès technologiques, l’accroissement du rôle de l’Etat. Tout et n’importe quoi.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le président de la République a demandé des idées. Il doit intervenir à la fin du mois pour confirmer la sortie de crise sanitaire et surtout ouvrir des chantiers de réformes. Du coup, il croule sous les projets et les propositions. On peut craindre le pire.

 La crise du Covid 19 a provoqué d’immenses vide-greniers à idées miracles pour sortir du piège de la crise tendue par l’épidémie du coronavirus. De tous les coins de l’échiquier politique ressortent des projets les plus divers que les hommes politiques n’avaient pas pu caser avant la crise et qui considèrent que les difficultés actuelles leur donnent raison.

A droite comme à gauche, on recycle, chacun y va donc de sa proposition qui trouve un écho plus ou moins favorable dans le climat très pessimiste actuel.

Première idée, la décroissance. Un grand classique cher aux écolos et notamment à ceux qui ont les moyens de payer leur loyer.  La pandémie et la crise économique mondiale a été une formidable occasion pour beaucoup d’expliquer la gravité de la crise. Cette pandémie aurait été le résultat des excès de la mondialisation du capitalisme international et financier. Pour guérir, il faut donc changer le système et arrêter cette course effrénée à la consommation et à la croissance. Leur raisonnement est très simple. Si on fait moins de croissance, on fera moins de pollution, moins de réchauffement climatique, et mieux on préservera l’environnement. Si on fait moins de croissance, on fera moins d’échanges internationaux, il y aura donc moins de virus et il ne circulera plus.

Cette idée est formidable parce qu’elle résume tous les idéologues antisystèmes et réunit à la fois l’extrême gauche avec la droite extrême et les écologistes radicaux.  

Cette idée n’est évidemment ni responsable, ni réalisable dans la mesure où elle reviendrait à éteindre la vie doucement et éliminer toute chance de progrès d’améliorer le quotidien des habitants de la planète. Le retour à la nature rêvée par certains nous organiserait le retour à l’état sauvage. La décroissance est plus un poison qu’un remède. Ce qui ne nous empêche pas de trouver des réponses aux effets pervers de la mondialisation.

Deuxième idée complètement fausse, le protectionnisme nous protègerait des inégalités et des épidémies. L’idée du protectionnisme est une cousine germaine de la décroissance. Le développement des échanges internationaux s’est emparé de nos modèles quand on s’est aperçu qu’on avait sans doute intérêt à profiter des avantages relatifs. Alors les auteurs classiques comme Adam Smith ou Ricardo ont expliqué et conceptualisé les théories des échanges internationaux, mais les hommes ne les ont pas attendus pour échanger les richesses et les talents qui ont été semées sur la planète toute entière. Depuis une vingtaine d’années, la mondialisation a été le moteur de la croissance et notamment dans les pays émergents où plus d’un milliard d’êtres humains sont sortis de la misère.

Alors, depuis, les chaines de valeur sont devenues tellement interpénétrées qu’il paraît difficile de freiner les échanges pour relocaliser massivement les productions, sauf à accepter la décroissance justement et pénaliser grandement les consommateurs. Les échanges internationaux ne nous empêchent pas de réguler et d’éviter la dépendance en diversifiant les sources d’approvisionnement.

Troisième idée absurde, il faudrait travailler moins pour créer plus d’emplois et lutter contre le chômage. Cette idée est celle qui est à l’origine des 35 heures et de la fixation d’un âge de départ à la retraite relativement jeune.

Les 35 heures n’ont jamais créé d’emplois, au contraire. La mise à la retraite anticipée des seniors qui auraient voulu continuer de travailler n’a jamais facilité l’embauche des juniors. Le travail crée le travail, mais en plus. Puisque le travail crée de la richesse, il augmente la masse des revenus disponibles d’un côté, d’où la consommation et l’investissement. Et de l’autre, il augmente la masse des recettes du système social et facilite la redistribution au sein de modèle social (assurance maladie, assurance chômage, assurance retraites).

La réduction du temps de travail n’est envisageable qu’en contrepartie d’un gain de productivité. Tout comme les hausses de salaires. Alors, ce principe de bas étage n’empêche pas d’opérer des ajustements selon les secteurs, le type de travail et sa pénibilité etc etc.

Mais il n’y a pas de rapport entre une baisse des heures travaillées et l’emploi. 

Quatrième idée, le progrès technologique tue l’emploi et abime l’environnement. Rien de plus stupide. La mise en place de robots n’a pas révoqué une montée du chômage dans les pays qui sont les plus en avance. En revanche, l’arrivée des robots et des technologies digitales ont créé des nouveaux emplois qui ont plus que compensé ceux qui ont disparu. Les nouveaux emplois sont plus sophistiqués et nécessitent donc plus de formation. Quant à l’environnement, ça n’est pas les nouvelles technologies qui ont abimé la nature, mais souvent leur mauvaise utilisation sous la pression des contraintes de productivité.

Cinquième idée, l’impôt peut payer... La réponse est non. Parce que l’impôt tue l’impôt, les « haut taux tuent les totaux » selon Laffer. L‘utilité de l’impôt est de drainer des recettes pour faire fonctionner l’Etat et les administrations. Ce qui est important, ça n’est pas les taux d’impositions mais la masse globale de recettes fiscales. En règle générale, le rendement est d’autant plus grand que l‘assiette est large et l’assiette est d’autant plus large que les taux sont réduits. L’impôt sur le revenu a un des rendements les plus faibles alors que les taux marginaux sont supérieurs à 50%. L’explication est que peu de contribuables paient l’impôt. Plus de 50% en sont exonérés et 80 % du rendement fiscal est assuré par 20% des contribuables les plus riches. Une telle situation décourage le travail imposé dans la mesure où passées les dernières tranches, le contribuable n’a plus intérêt à créer de la richesse imposable mais plus plutôt à faire de l’optimisation fiscale. En gros, il cherchera les activités ou les investissements les moins imposés avec les législations les plus light.  Les impôts à la consommation, TVA ou la CSG qui sont appliqués à tous les contribuables dès le premiers euros, consommés pour la TVA ou reçus pour la CSG, ont des taux relativement modestes avec une assiette extrêmement large ; mais ce sont eux qui fournissent l’essentiel des recettes fiscales.

La fiscalité française est telle aujourd’hui, que son alourdissement aurait plus d’effets pervers sur le niveau d’activité que d’effets bénéfiques. Cette situation n’empêche pas de considérer que la fiscalité a un impact politique (parfois même symbolique comme pour l’ISF) qu’il convient d’étudier et de prendre en compte. Dans un sens comme dans l’autre. L’intérêt politique de l’ISF ne lui donne pas de vertu économique au profit du plus grand nombre. Au contraire.

Sixième idée, l’Etat peut tout ... C’est une idée bien française que de penser que l’Etat peut tout faire. Hérité de son histoire, l’Etat central a tendance en France à vouloir et pouvoir tout faire, tout régenter et tout gérer. Pour beaucoup d’observateurs, l’Etat a commis beaucoup d’erreurs dans la gestion de cette crise sanitaire. Sans doute. Mais ça n’est pas le manque d’Etat qui a provoqué les disfonctionnements, mais plutôt l’excès d’Etat. En voulant tout régler et tout gérer, l’Etat et son administration ont été convoqués pour des taches et des services qu’ils ne pouvaient pas assumer. Le scandale des masques et des tests en est l’exemple le plus spectaculaire mais d’une façon générale, à ne pas vouloir déléguer, l’Etat se retrouve débordé. Débordés dans les hôpitaux, dans les écoles, dans les équipements collectifs de transports etc.. Son rôle n’est pas de gérer, mais de mettre en place un écosystème pour que les acteurs privés puissent avoir la liberté de fonctionner. Les pays qui se sortent le mieux de cette crise épouvantable sont ceux qui ont décentralisé leurs services administratifs et responsabilisé les acteurs, en laissant au privé le maximum de taches, comme en Allemagne par exemple.

Le résultat de la situation française est que nous avons un Etat central et une administration obèse, où les circuits de décision sont affreusement longs avec des normes et des contraintes qui limitent les initiatives, avec enfin un fonctionnement budgétivore et des administrés assistés parce qu’infantilisés par le pouvoir politique. La seule liberté qu’il reste à l’opinion publique est de critiquer les gérants de l‘Etat central, de quémander sa protection et de payer ses impôts quand on n’a pas trouvé le moyen d’y échapper.

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