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Onfray, Bigard, Zemmour et compagnie… La folle peur des bien-pensants
©JOEL SAGET / AFP

Baudruche ?

Des candidatures atypiques sont évoquées pour les futures élections présidentielles de 2022. Les noms de Michel Onfray, Eric Zemmour ou de Jean-Marie Bigard sont évoqués dans les médias. Ces personnalités sont-elles une réelle menace pour Emmanuel Macron ou au contraire peuvent-elles lui profiter ? Comment expliquer cet emballement médiatique ?

Chloé Morin

Chloé Morin

Chloé Morin est ex-conseillère Opinion du Premier ministre de 2012 à 2017, et Experte-associée à la Fondation Jean Jaurès.

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Atlantico.fr : Michel Onfray, Éric Zemmour et depuis hier Jean-Marie Bigard... la liste des opposants désignés pour faire face à Emmanuel Macron lors des présidentielles 2022 ne cesse de se garnir de candidatures étonnantes. Ces candidatures atypiques sont-elles une réelle menace pour Emmanuel Macron ou au contraire peuvent-elles lui profiter ?

Chloé Morin : Vous citez des figures qui ont la particularité à la fois d'être très populaires auprès de certaines catégories de Français qui ne sont pas du socle "traditionnel" de macronistes, et qui ont tout pour incarner l'opposition à Macron - opposition idéologique, sociologique, mais aussi sur le plan de la posture ou du style "populaire" voire "vulgaire" s'agissant de Bigard. Jusqu'ici, Macron semble avoir déployé une stratégie de séduction, comme pour aller chercher en dehors du "système" qu'il incarnerait aux yeux des Français une forme de régénération, une "perfusion" de popularité. Il renoue ainsi avec une partie de son identité politique, perdue depuis 3 ans : la disruption, le côté "en dehors du sérail", atypique.

La réalité est que chacun sait que le dégagisme n’a nullement disparu avec l’élection d’Emmanuel Macron, et son principal risque se trouve de ce côté-là. Le dégagiste d'hier peut devenir le dégagé de demain. Il y a trois ans, des citoyens en attente de changement radical, souhaitant « renverser la table » en cassant un « système » qui fonctionne de plus en plus sans voire contre eux, étaient allés chercher un « outsider light » comme Emmanuel Macron. « Pas du sérail » politique, mais quand même énarque, intello, connaissant bien le monde de l’entreprise comme la haute administration… Trois ans plus tard, le poids des désillusions conduit bon nombre de citoyens à tourner leur regard vers des acteurs plus disruptifs, toujours plus éloignés du système… s’ils ne tournent pas le dos à la politique et aux élections. 

Comment expliquer l'emballement médiatique autour de ces candidatures ? Peuvent-elles influencer l'opinion ?

En décorant Houellebecq, en correspondant avec De Villiers, en appelant Bigard et en rendant visite à Raoult, il paraît ouvert, et les admirateurs de ces figures sont forcées de se dire "au moins, il n'est pas sectaire, il ne méprise pas tout ce qui n'est pas lui". En réalité, à ce stade, loin d'être de réels opposants, ces figures ont en quelques sortes été transformées en ambassadeurs d'Emmanuel Macron : ils relatent leurs conversations, certes en restant critiques, mais de manière assez flatteuse parfois, comme ce fut le cas des derniers propos de Bigard sur BFMTV. Le risque, à moyen et long terme, est la désillusion : que les conversations ne suffisent pas, que les actes du Président ne suivent pas ses mots, et que ces figures viennent grossir les rangs de ceux qui se disent déçus du Président... et ne deviennent alors vraiment ses opposants. Sans doute pas au service de leur propre candidature - encore que Bigard affiche des ambitions... - mais d'une autre, une candidature plus "populaire", "anti-système". Dès lors, on peut dire que Macron a habilement "désamorcé" ces potentiels opposants, mais qu'il va devoir constamment entretenir leur soutien dans les deux ans qui viennent, sauf à les voir se retourner violemment contre lui.

Quelle typologie de candidat pourrait séduire les Français en 2022, au regard de la situation actuelle ?

Parmi les nombreux clivages qui structurent notre vie politique, il y a un clivage qui s’impose de plus en plus, et est déjà structurant aux Etats Unis et dans bien d’autres pays comme l'Italie : celui qui distingue « outsiders » et « insiders ». D’autres diront « populistes » au lieu de outsiders, mais nous éviterons l’usage d’un terme qui recouvre trop de réalités différentes – idéologiques, communicationnelles, stratégiques… - et induit souvent une forme de jugement de valeur qui peut brouiller l’analyse. Les outsiders peuvent être « extrêmes », mais pas forcément. Ils se contentent de s’inscrire, par leur parcours, leur posture, leur langage, leur méthode (radicalité), ou les idées qu’ils revendiquent, en dehors d’un « système » de plus en plus rejeté par l’opinion. Un Boris Johnson, un Trump, un Sanders ou une Warren par rapport à un Biden, un Salvini ou un Grillo… tous sont très différents, mais ont en commun d’avoir réussi à incarner par leur style, la radicalité de leurs idées, leur posture ou leur parcours, une forme de « hors système ». 

Dès lors, le paysage politique peut être décrypté à l'aune de ce clivage : Macron est un insider, il s'est normalisé; Pécresse, Baroin, mais aussi Jadot, Faure, font figure d'insiders. On placerait parmi les outsiders évidemment Mélenchon et Le Pen, mais ils ont l'inconvénient d'être également situés aux "extrêmes" aux yeux de beaucoup d'électeurs (bien qu'ils emploient des trésors d'inventivité pour tenter de gommer cette étiquette). On peut également ajouter, au rang des "outsiders" par leur style, leurs idées, leur positionnement : Bertrand, peut être Royal par certains aspects de sa personnalité et de son style, mais aussi Montebourg... Il est fort probable que le duel de 2022 verra s'affronter une de ces figures "d'outsider" avec un "insider" - sans doute Macron, s'il est candidat et accède au second tour.

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