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Coronavirus : les soignants ne veulent pas attendre la deuxième vague pour faire plier le gouvernement sur les salaires
©JOEL SAGET / AFP

Atlantico Business

Surtout pas de médaille. Après l’épidémie, il va falloir maintenant soigner la colère des soignants qui viennent rappeler qu’ils ont des revendications précises et immédiates. Le ministre de la Santé vient de répondre par un agenda de concertation avant l’été.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tout faire pour éviter que la revendication des personnels soignants ne dégénère en une épidémie de la colère sociale. Le ministre de la Santé a donc promis un « Ségur » de la santé, comme pour rappeler qu’autrefois en 1968, Georges Pompidou avait ramené le calme en proposant à la CGT d’alors un « Grenelle » du travail.

Il s’agit bien d’éviter un embrasement général du corps social et un réveil des gilets jaunes et surtout de ramener la confiance de façon à ce que la machine économique redémarre le plus vite possible.

Le problème, c’est qu’en 1968, il y avait du grain à moudre et la CGT le savait. Aujourd’hui, on est au bord de la catastrophe économique et financière et il faut tout faire pour l’amortir. A l’époque, il y avait l’ombre fatiguée du Général de Gaulle... Aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’Emmanuel Macron soit plus et mieux respecté.

Quand la semaine dernière, sentant le climat social chez les soignants se détériorer, il est venu à l’hôpital les féliciter et reconnaître les erreurs de son administration, il aurait pu être bien accueilli. Mais quand il a ajouté qu‘il allait leur distribuer une prime exceptionnelle et faire frapper des médailles, c’est plutôt mal passé. Les personnels soignants ne se sont pas gênés pour répondre que les médailles en chocolat n'étaient pas d’actualité. Des primes oui ! Pourquoi pas ? Mais on n’était pas à Noel. Les infirmières méritaient de ne pas être traitées comme des enfants un peu agités.

Au-delà de l’erreur de communication, tout le monde savait que la demande des personnels allait bien au delà d’une simple reconnaissance et portait sur une refonte du système de soins.

Olivier Véran, le ministre de la Santé, a donc promis ce qu'il appelle un « Ségur de la santé », une grande concertation avec les organisations syndicales pour mettre en place avant l‘été un nouveau plan santé dont l’objectif sera :

 1- D’améliorer les rémunérations

 2- De réaménager le temps de travail

 3- D’investir massivement dans des équipements hospitaliers.

Sauf que le plan santé ne peut pas se résumer à une question de moyens. Pour une raison simple, c’est que les moyens existent mais qu’ils sont très mal utilisés. L'opération va dont être très compliquée à gérer parce que le déploiement d’un budget fait toujours des mécontents et dans le climat actuel, c’est à haut risque socio-politique.

Il faudra certes traiter des moyens en effectifs et des rémunérations, parce que les personnels soignants ne vont pas se contenter de médailles. Fussent-elles en bronze !

Le sujet central est bien évidemment les conditions de travail, et la grille des salaires.

Les infirmières françaises sont celles qui en Europe sont les plus mal payées. Le personnel soignant en général est payé plus de 10% de moins que la moyenne de salaires versés en France. Une infirmière débute en France avec 1500 euros net par mois dans le public et termine sa carrière aux environs de 2500 euros. Si on prend la totalité des personnels soignants médecins compris, la moyenne est de 2400 euros alors que le salaire moyen en France est de 3200 euros. Donc il y a véritablement un problème.

Au niveau des effectifs, en nombre d’infirmiers et de médecins, la France aligne en gros 10 infirmières et 3 médecins pour 1000 habitants. On est très loin de la Norvège, de la Suisse, de l’Allemagne, des Etats-Unis, du Japon et de la Belgique. On arrive en 8ème position mondiale. Notre équipement n’est pas à la hauteur de la richesse d’où les problèmes d’efficacité.

On devrait faire beaucoup mieux parce que paradoxalement, on dépense beaucoup d’argent dans le système de santé. La France est le pays au monde qui dépense le plus d’argent pour le système de santé par rapport à son PIB. 11,3% du PIB comme en Allemagne où on dépense 26 % de plus par habitant que la moyenne européenne. Alors en espèces sonnantes et trébuchantes, ça représente des sommes inférieures à celle Outre- Rhin, (220 milliards d’euros en France contre 300 milliards en Allemagne), mais c’est parce que le PIB allemand est beaucoup plus gros. Ramené au nombre d’habitants, le Français dépense plus. Pour un résultat qui n’est pas meilleur.

Le problème français, c’est que nous dépensons très mal cet argent.  Notre système est trop centralisé, avec une bureaucratie administrative qui absorbe plus du tiers des moyens. Ce qui alourdit les circuits de décision et qui pénalise les soignants. D’où les problèmes de masques, par exemple, ou de tests dont on ne sait plus qui est responsable.  D’où les problèmes de gestion difficile du parc des lits, D’où la fuite des cerveaux et des médecins.  D’où les déserts médicaux. D'où la féminisation des personnels marqueurs d'une paupérisation relative.

 Le plan de réforme ne pourra donc pas se résumer à la revalorisation de l’enveloppe budgétaire.  Il faudra surtout revisiter son organisation et principalement sur trois axes.

Premier axe : une plus grande décentralisation des responsabilités des décisions au profit des soignants et du terrain. La gestion de l’épidémie a mis en lumière la lourdeur des décisions bureaucratiques et sans doute le rôle toxique des ARS, dont le grand public a découvert le pouvoir et l’importance, les agences régionales de santé qui ont la haute main sur le contrôle de la gestion des hôpitaux en région.

Deuxième axe : mettre le paquet sur la prévention. L’épidémie a prouvé que nous n’étions pas prêts, que nos prévisions n’étaient pas fiables, d’où le sous équipement en masque et en matériels de médecine, médicaments et principes actifs. Mais au delà, on a aussi découvert que l’épidémie touchait d’abord les personnes à risques et les personnes à risques, ce sont les patients qui souffrent de pathologies porteuses de comorbidité : les maladies cardiaques, les obésités, les diabètes, les cancers. Et les personnes à risques sont, disons-le, très brutalement les gros buveurs, les gros mangeurs et les gros fumeurs. Il y a beaucoup de responsabilités individuelles dans la présence des facteurs de risques, mais il y a aussi des responsabilités collectives dans la mesure où la collectivité, le pouvoir administratif et politique, le système d’assurance n’ont jamais privilégié la prévention, par l’éducation ou la contrainte.

Troisième axe : renforcer la coopération entre le public et le privé. Les personnels de l’hôpital public ont fait un travail extraordinaire, mais le privé a offert les lits et les matériels de réanimation et surtout, la médecine de ville a guéri beaucoup de malades du Covid sans qu‘ils soient dans les statistiques. L’épidémie a mis en lumière le débat qu’il pouvait y avoir sur le diagnostic et sur les traitements. Les personnes de l’hôpital public ont été héroïques à bien des égards, mais il y a eu aussi beaucoup de héros chez les généralistes de province dont on a peu parlé. On touche là à des questions politiques et syndicales très sensibles, surtout depuis le mouvement des gilets jaunes.

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