L‘agriculture cherche 200 000 saisonniers pour éviter une pénurie alimentaire et surtout une rupture de Vitamine C. Et ça n’est pas à l’Etat de trouver une solution .. <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
L‘agriculture cherche 200 000 saisonniers pour éviter une pénurie alimentaire et surtout une rupture de Vitamine C. Et ça n’est pas à l’Etat de trouver une solution ..
©Reuters

Vers une pénurie?

La France ne sera pas sortie du confinement, qu‘elle risque de plonger dans une crise alimentaire liée à la pénurie de main d’œuvre pour assurer les récoltes et le ramassage des fruits et légumes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

Voir la bio »

Ça n’est pas au ministre de l’Agriculture de lancer un appel à plus de main d’œuvre pour l’agriculture, ça n‘est même pas au ministre de l‘Economie de demander à la grande distribution d’acheter français. Tout ce que les membres du gouvernement ou les responsables politiques pourront faire pour se plaindre et réclamer des aides et des impulsions va s’inscrire dans la petite politique politicienne et sera rangé dans le placard aux polémiques inutiles et parfois indécentes. Plus grave, en réclamant de la main d’œuvre pour un secteur en tension, n’importe quel ministre se met en contradiction avec les règles du confinement. Le confinement, c’est : « on reste à la maison ». La règle d’or.

Ça n’est donc pas au ministre d’organiser pour tel ou tel secteur une remise au travail de gens qu’on a invité au chômage partiel... C’est aux salariés eux-mêmes et aux entreprises de trouver des solutions pour assurer du travail dans des conditions sanitaires optimales. Sachant que le travail agricole peut difficilement passer par le télétravail, certaines entreprises ont réussi à trouver des solutions pour maintenir une activité. Dans la distribution par exemple. Mais aussi dans l’industrie agro-alimentaire. Il faudra par exemple regarder à la loupe l’organisation mise en place par Danone pour maintenir l’emploi dans le monde entier ( plus de 100 000 salariés ), pour sécuriser la distribution et pour sécuriser les approvisionnements en amont. Tout cela sans hypothéquer les conditions de santé. C’est donc aux chefs d’entreprise d’être à la manœuvre. L’Etat ne leur doit pas tout.

Et dans des secteurs plus éclatés comme l’agriculture ou dans des secteurs qui ont une culture de la RSE très forte, c’est évidemment aux organisations professionnelles de le faire.

C’est donc à Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA et à tous ses autres collègues des syndicats agricoles de monter au créneau et surtout de s’organiser.

Le problème est très simple, vous en connaissez tous les détails et les enjeux.

La France agricole est entrée dans la période des récoltes, et surtout des ramassages de fruits et légumes: des fraises aux melons, en passant par autres cerises, prunes et tous les légumes que nous consommons à partir du printemps.

Pour effectuer tous ces travaux, les agriculteurs, cultivateurs, éleveurs, et tous les maraichers notamment ont besoin de bras. Comme chaque année à la même époque.

Normalement, à cette époque, le secteur recrute entre 200 000 et 300 000 saisonniers. Ils viennent de Turquie, du Maroc, et de beaucoup de pays d’Europe de l’Est dont la Pologne. Normalement, ils font toute la saison en Europe et notamment en France en terminant par les vendanges de septembre.

Or, en pleine crise du coronavirus, personne n’est venu. Les habitués de ce travail saisonnier, les ramasseurs de fraises, de cerises ou d’asperges sont restés à l’abri chez eux plutôt que de venir dans le sud de la France, le sud-ouest, la Bretagne ou la vallée de la Loire.

Il n’y a donc personne en vue pour ramasser les fraises, ou les asperges, et il n’y aura personne pour semer et planter les tomates ou les melons.

Tout cela signifie que la chaine de valeur, qui va du maraicher du Vaucluse à l’hypermarché parisien, du producteur au consommateur en passant par le grossiste de Rungis et le marchand de primeurs à qui on achète les fruits et légumes. Cette chaine de valeur va être cassée dès le départ avec des récoltes qui vont se perdre.

Parallèlement, les ministres ont sans doute raison de forcer la main à la grande distribution pour qu’elle vende du made in France... Cela dit, elle ne trouvera pas mieux à s’approvisionner hors de nos frontières. L’Espagne, l’Italie vont ressembler à un champ de ruine.

Quant à aller au delà de l’Europe, ça va être compliqué, parce que cette crise du coronavirus génère une pénurie alimentaire dans le monde entier à cause du dérèglement de la logistique, des hausses de consommation et de stocks que chaque Etat constitue.

Dans tous les Etats, y compris les plus responsables, les achats de biens alimentaires sont devenus frénétiques.

Dans tous les Etats européens, on fait appel à des travailleurs saisonniers qui ne veulent pas venir. Pas plus en Allemagne qu‘en France.

Cette situation va donc aboutir à une pénurie alimentaire des produits qui contiennent notamment de la vitamine C et dont les consommateurs seront privés pour aborder l’hiver prochain.

Pour l’instant, les syndicats agricoles ont un discours purement corporatiste. Ils s’inquiètent de la disparition des marchés et de la pénurie d’acheteurs.

La véritable inquiétude qu’ils devraient avoir devrait reposer sur le manque de main d‘œuvre qui va les amener à jeter leur récolte. Leur énergie revendicative ets intéressante, mais leur imagination pour convaincre des salariés de l’industrie à revenir pour un ou deux mois à la terre serait sans doute plus utile.

Plutôt que de se tourner vers l’Etat, Christiane Lambert pourrait essayer de se tourner vers l’Unedic et les agences d’intérim, ou même aborder et séduire les syndicats d‘étudiants.  Du travail, il y en a. Encore faut il séduire cette main d’œuvre... c’est possible. Non ? Encore faut-il qu’elle ait le droit de venir travailler.

Il ne s’agit pas de faire plaisir aux agriculteurs, il s’agit de garantir aux Français leur ratio de vitamine C.  Au passage de trouver un peu de revenus.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !