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LREM : la tentation des tours de passe-passe ?
©Damien MEYER / POOL / AFP

Echéances électorales

Les membres de La République en marche s'opposent régulièrement à toute contestation démocratique. Le parti semble être en contradiction avec les revendications et les attentes des citoyens notamment sur les questions de démocratie participative.

Yves Michaud

Yves Michaud

Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.

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Atlantico.fr : La circulaire Castaner, la réforme des retraites, le discours anti-Brexit de l'euro-députée LREM Nathalie Loiseau dans la matinale de France Inter vendredi matin... LREM s'oppose régulièrement à toute contestation démocratique. Comment expliquer qu'un gouvernement élu sur des principes de démocratie participative, d'ouverture à la société civile, se positionne autant en opposition avec les revendications de ses citoyens?

Yves Michaud : Par définition, tous les élus, à quelque parti qu’ils appartiennent, sont élus dans le cadre d’une démocratie représentative. Macron représente donc par définition la France, tout comme les députés du parti majoritaire LREM représentent le peuple.

Maintenant, représenter veut dire bien des choses différentes. En termes de représentation symbolique, Macron, le fort en thème (dixit) narcissique, ne représente pas vraiment la France. Encore moins en termes sociologiques. 

De même pour les gens de LREM, qui représentent sociologiquement la France bobo-gagnante d’en haut : la France des DRH, des start-upers, de la com et de la mobilité.

Il faut dire à la décharge de LREM que ce nouveau parti a dû se constituer en urgence avec ce qu’il y avait de candidats. Dans ce cas on ne fait pas la fine bouche. On fait ses choux-gras des Ferrand, Griveaux, Castaner, de Rugy, Delevoye. Rappelons à ce propos que le président de la commission d’investiture  de LREM était….l’inénarrable Delevoye, dont Chirac disait que c’était un con et que je considère moi plutôt comme un Tartuffe madré.

Aux innombrables fractures de la pauvre France, il faut donc en ajouter aujourd’hui une de plus, celle entre le « peuple » et ses prétendues « élites ». 

Ces élites, comme le dit excellemment Emmanuel Todd dans son dernier livre Les luttes de classe en France au XXIème siècle, haïssent le peuple. 

Elles le haïssent parce qu’elles sont détentrices du savoir et que le peuple est grossier et ignorant – affreux, sales et méchants.… Pire, elles ont la conviction que ce peuple est un peuple de perdants dont on aura de moins en moins besoin compte tenu de l’évolution technique. Le gros capitaliste du XIXème siècle haïssait, lui aussi, le peuple mais il avait encore besoin d’ouvriers et ne pouvait donc pas souhaiter la disparition du prolétariat. Pour Mme Loiseau, le cacou Castaner et le jupitérien Macron, le peuple est de trop et c’est un empêcheur de danser….en rond. L’idéal serait de le dissoudre – ce que réalisait en mots la circulaire Castaner.

Comme dit l'adage républicain: vox populi, vox dei. Pourtant, l'Histoire l'a montrée, les choix de la majorité populaire n'ont pas toujours été les bons. Et le gouvernement d'Emmanuel Macron semble agir en prenant cet exemple comme axiome. Le peuple a-t-il besoin d'être protégé de lui-même?

C’est un des lieux communs les plus éculés de l’histoire des idées que cette critique de la démocratie au nom de ses dérapages. On critiquera tantôt la démagogie, tantôt l’ignorance du peuple pour mieux réclamer oligarchie, aristocratie et même tyrannie. Aujourd’hui nos prétendues élites triomphent : elles ont rétabli oligarchie et aristocratie. Un petit groupe de « meilleurs » règne. Dans ces conditions, la démocratie est un mal inévitable avec lequel on ruse à coups de communication (Macron et les rappeurs), de fausse concertation (Macron et le Grand débat), de fausse simplicité (Macron au théâtre) et si ça ne marche pas de matraques et de lance-grenades. La protection du peuple contre lui-même ? C’est une rengaine de l’oligarchie-aristocratie, rien d’autre.

Un gouvernement qui n'écoute pas ses citoyens engendre-t-il nécessairement la révolte? Que peut-il advenir de la République Française en 2020?

Comme on l’a vu avec les Gilets jaunes, comme on vient de le voir avec le mouvement anti-réforme des régimes de retraite, le feu prend, s’assoupit, couve et reprend ailleurs. Le temps des révolutions radicales est fini. Celui des révoltes à la manière des jacqueries paysannes ou des émeutes ouvrières du XIXème siècle aussi. 

Ou bien donc ce maudit peuple retourne dans ses réserves de grande banlieue, ses ghettos urbaines ou ses déserts neo-ruraux. Ou bien, naît une offre politique sérieuse en direction du populisme. Le RN ne peut pas fournir une offre de ce type à cause de sa « lepénisation » immémoriale – une affaire de famille. La France insoumise non plus à cause de Mélenchon, qui est l’équivalent à gauche de la famille Le Pen. Mais on pourrait voir arriver d’autres politiciens plus subtils comme Bardella ou Quatennens. Et une opération du type de celle de Boris Johnson à la tête des Conservateurs anglais reste possible – encore faudrait-il en finir avec « la caste » oligarchique/aristocratique et qu’apparaissent des personnalités charismatiques fortes. Une grande question est : comment se fait-il que nous n’ayons comme personnel politique que des nuls faisant leurs affaires ? Madame Loiseau qui fut directrice de l’ ENA, sans rien n’y faire que sa carrière, n’aurait-elle pas une réponse ?

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