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Retraite : la grève va tuer le projet du gouvernement mais faire la fortune des plans d’épargne par capitalisation
©GAIZKA IROZ / AFP

Atlantico Business

Les Français sont majoritairement d’accord avec la nécessité de réformer le système de retraite, mais refusent le modèle que propose le gouvernement. Le résultat, c’est qu’ils vont se porter sur les PER proposés par les assureurs. Forcément.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Surréaliste. Après avoir encensé les systèmes de retraite par répartition, les Français vont finir par se ruer sur les systèmes de retraite individuelle par capitalisation. L’horreur du flou et du vide vont les faire tomber dans un paradoxe incroyable.

Le succès de la grève général va obliger le gouvernement à abandonner l‘essentiel de la réforme qui s’organisait,  pour sauver le système par répartition. Du coup, le succès de la grève va pousser les Français à souscrire des plans d’épargne retraite qui fonctionnent, qu’on le veuille ou non, selon les logiques de la capitalisation. Les produits d’épargne retraite disponibles sur le marché sont déjà nombreux. La loi Pacte qui vient d’être votée a d’ailleurs élargi l’offre. Comme si on avait anticipé l’échec de la réforme. 

C’est assez incroyable, il existe une opposition latente dans ce pays, contre le système capitaliste en général et qui se traduit sur le terrain politique par une grogne et une colère populaire contre le modèle incarné par Emmanuel Macron. Mais sur le fond, il existe des forces puissantes pour protéger et élargir le système de l’économie de marché et du capitalisme, puisqu’il n’existe aucun système alternatif crédible.

On est donc dans une situation bloquée.

1er point : les Français sont majoritairement favorables à une réforme des systèmes de retraite. Ils savent que les modèles sont fragiles, compte tenu des incertitudes économiques et surtout des projections démographiques. Ils savent que la durée de vie s’allonge, que le rapport entre le nombre d’actifs et le nombre d’inactifs se détériore.

2e point : Ils considèrent que l’existence de régimes spéciaux, à la SNCF ou ailleurs dans la fonction publique, est un facteur d’inégalités de moins en moins supportable, surtout quand ces régimes sont en déficit et doivent en appeler au contribuable pour se maintenir en équilibre.

Globalement donc, les Français sont plutôt d’accord avec le concept de l’universalité, avec la retraite par points et avec un report de l’âge de départ à la retraite ou un allongement de la durée de cotisation, ce qui dans la plupart des cas, revient au même.

3e point, et c’est là où ça bloque. Les négociations ont été tellement mal conduites, l’information a été tellement confuse et le gouvernement a été si maladroit dans l’exposé de son projet, que les inconvénients immédiats l’ont emporté sur les avantages à venir. Les perdants se sont coagulés alors qu‘il n’y a vraiment rien de commun entre un cheminot qui a peur de perdre l’avantage d’un départ à la retraite très favorable, un fonctionnaire de l’Education nationale qui a peur de perdre le bénéfice de calculer sa retraite sur la base de ses six derniers mois de salaire, alors que le régime universel prendrait en compte la totalité de sa carrière. Aucun rapport avec la profession d’avocat dont le régime est très bénéficiaire d’abord parce qu‘il est bien géré avec une situation démographique favorable.

La juxtaposition de toutes ces situations engendre une manifestation sociale assez hétéroclite mais suffisamment puissante pour menacer l’ordre public et conduire le gouvernement à reculer.

Il aurait été sans doute possible de négocier le rachat des particularismes, régime par régime. Il aurait sans doute été possible de procéder autrement, mais c’est assez facile à dire. On n‘oublie que cette réforme faisait partie du programme d’Emmanuel Macron et qu’il a été élu parce qu’il apportait un effort de modernité, mais là encore, c’est assez facile à rappeler sauf que ça n‘a aucune utilité pour redresser la situation.

Parce qu’il existe des solutions, évidemment, et parce que les Français refuseront le risque de la faillite du système, ils choisiront des solutions individuelles.

4e point, on en parle peu, mais les manifestations contre la réforme des retraites se sont accompagnées par une montée en puissance des souscriptions de plan d’épargne retraite. Ces PER sont proposés par les entreprises du privé ou public ou alors à titre individuel. Les sociétés d’assurance ont bien compris que l’échec de la réforme et les difficultés des régimes étatiques officiels leur ouvraient un potentiel de marché considérable. 

Les Français, qui sont si attachés au principe de la répartition et de la solidarité, vont se ruer sur les plans d’épargne retraite, exactement comme ils se sont rués sur l‘assurance vie.

L’épargne disponible est considérable. L’épargne potentielle est toute aussi importante. Elle servira à financer des compléments de retraites dans la mesure où les systèmes étatiques sont en risque de faillite.

C’est d’autant plus vrai que le produit des PER trouve sa rentabilité et sa solidité en s’investissant dans l’économie et pourquoi pas dans l’économie responsable (socialement et environnementale), ce qui n’est pas le cas avec l’assurance vie qui est fléchée vers le financement des déficits publics.

On va atterrir sur une situation très paradoxale. Les Français qui se déclarent extrêmement attachés au modèle socio-économique appuyé sur le principe de la solidarité et sur la technique de la répartition entre les actifs et les inactifs se préparent finalement à entrer tête baissée dans la logique de l’économie de marché, de capitalisme et des principes de l’assurance pour se protéger, eux et leur famille.

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