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Comment vieillir en ayant le moins de restrictions possibles notamment grâce au numérique
©Reuters

Bonnes feuilles

Nicolas Menet publie "Le grand livre de la longévité : Le guide de référence pour vivre mieux, en meilleure santé et dans un environnement adapté", un ouvrage collectif disponible aux éditions Eyrolles. Vivre vieux et mieux est un challenge difficile. Extrait 2/2.

Nicolas Menet

Nicolas Menet

Nicolas Menet était sociologue, directeur général de Silver Valley, l'un des plus importants pôles d'innovation en Europe dédié à la longévité. Il nous a quittés en février 2023.

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Chapitre 7 – Le point de vue des séniors par Nicolas Menet

Paulette, 100 ans, livre ses petits secrets : « Avoir 100 ans, c’est écouter les enfants, et les amis. Parce que ça compte les amis, ça se compte aussi sur les doigts d’une main ! Sinon, j’aime la musique, Mozart, Beethoven. Et puis on fredonne, même si on n’a pas une voix extraordinaire. On a le cœur gai et on ne dit pas de mal du voisin. »  

Au-delà des petits secrets personnels, mes rencontres quasi quotidiennes avec des personnes qui ont entre une fois et demie et deux fois mon âge m’ont appris beaucoup1 ! Les seniors sont des trésors d’expérience et de sagesse. Leur longévité à eux est à la fois philosophique, psychologique et, dans tous les cas, elle est profonde et ne nous laisse pas indifférent !  

S’ils sont tout à fait au courant que la santé passe en premier, notamment grâce à l’exercice physique et à l’alimentation, ils parlent également de la nécessité de vivre connectés avec notre temps et surtout, ils ont conscience que la longévité est un travail et qu’être un vieux qui s’accepte, cela s’apprend !  

La question clé qu’ils se posent, c’est « comment vieillir en ayant le moins de restrictions possible ? ». Ils savent parfaitement qu’on « devient vieux parce que l’on se sent vieux ». Vieillir serait une simple question de ressenti ? Non, car le sentiment de fragilité est bien présent, encore faut-il pouvoir le signifier. Comme dit Josette, 81 ans, « j’ai besoin de pouvoir dire, je suis fragile ». Sauf que la société génère une certaine pression avec sa vitesse, son désir permanent de performance. Alors comme l’énonce Raymonde, 78 ans, il faut « savoir à un moment faire la part des choses, en soi. Se dire qu’il y a ce qu’on veut, ce que la société veut de nous et savoir ne pas s’en occuper. Vivre sa vie ». Et ce n’est pas si simple car comme le sait Philippe, 66 ans, « les seniors se sentent vieux à cause du regard extérieur, de la stigmatisation qu’ils vivent au quotidien », et d’ajouter « le senior lui-même a une responsabilité : celle de prendre en main son vieillissement, d’être positif et de tordre le cou aux clichés sur nous ! ». Mais cela ne veut pas dire pour autant comme le dit si bien Aline, 73 ans, « faire les 400 coups ou des sauts en parachute… il faut accepter cette fragilité qui vient malgré nous… pas simple, parfois déprimant. Quand j’ai compris ça je me suis sentie tellement plus légère ».  

« Rester en accord avec moi-même tout en acceptant qu’on n’est plus tout à fait le même » est sans doute le secret pour Jean, 82 ans. Pour Nicole, 76 ans, cette pression en moins va même encore plus loin : avoir sa liberté… jusqu’à sa propre mort ! Au risque de choquer, elle affirme haut et fort qu’elle « ne veut pas de la longévité à tout prix ! Je veux pouvoir choisir ma mort ! Il faut que l’on fasse changer la législation. Ça enlève un poids : le stress de la dépendance. On sait qu’on a une belle porte de sortie et, du coup, on peut vivre pleinement ». L’autonomie est donc ce Graal que tous veulent atteindre !  

Cette autonomie-là n’est pas celle qui nous empêche de marcher ou même de courir. C’est celle qui nous permet d’être pleinement inséré dans la société, de pouvoir toujours continuer à aller à la rencontre des autres, de tous les autres, de toutes les générations, de tous les milieux. Cette autonomie-là passe par l’acceptation du progrès, la compréhension que quand on est vieux, on vit simultanément dans plusieurs temporalités : le temps contemporain, le temps de son passé, le temps de son histoire, le temps universel… Robert, 89 ans, résume parfaitement cette idée. Pour lui est essentiel le fait « d’accepter le progrès et même de se forcer à l’accepter. Le progrès a un côté archipositif, cela me permet de continuer de vivre dans de bonnes conditions et avec d’excellentes capacités ! Il faut se forcer – et c’est difficile – à ne pas se dire : “j’ai vécu ma vie parce que j’ai une vie à construire” ». Et c’est vrai qu’avec 24 ans d’espérance de vie potentielle après l’âge de la retraite… c’est une vie en plus qui commence.  

Sans tomber dans le stéréotype de la vieillesse trop positive pour être vraie, Jean- Pierre, 87 ans, nous livre son secret : « Mon moteur, c’est d’apprendre, j’ai besoin d’alimenter mon moteur et mon énergie en apprenant. Apprendre, c’est un domaine qui n’est jamais fini et qui ne peut pas être fini. » Pour Jocelyne, 73 ans, se disant elle-même « mamie connectée », « sans Internet la longévité est réduite. Internet me permet tout : m’informer, communiquer, comprendre le monde dans lequel je suis en train de vieillir… 

 Tout cela sans jamais être fatiguée ou mise en échec. C’est une révolution pour nous les vieux ! ». Marie-Thérèse est également de cet avis, mais pour elle, c’est grâce à la vie associative qu’elle trouve ce sentiment de sécurité et d’accomplissement : « Être dans une association crée un environnement favorable pour vieillir. On est confrontée à d’autres personnes… on s’engueule encore pour des broutilles, comme des enfants qui se disputent pour leurs jouets… et ça, laissez-moi vous dire que ça vous flanque un sacré coup de jeune. » Être confronté à l’altérité est en effet un excellent sport pour dynamiser ses capacités cognitives d’adaptation. Mais surtout le sentiment d’appartenance à un groupe, la cohésion d’équipe sont d’excellents moyens d’abord de ressentir du plaisir, mais aussi de continuer à développer de nouvelles stratégies d’adaptation… rien de mieux pour le cerveau, organe toujours plastique, quel que soit son âge !  

Les vieux se plaignent tout le temps ! Voilà encore un stéréotype qui a la peau dure ! Pour Michel, 77 ans, c’est tout le contraire : « Je suis fasciné pas notre époque. Toutes ces innovations, ces technologies nous permettent de profiter à fond, quels que soient nos handicaps personnels. Surtout, et c’est très important, on peut bouger davantage, être plus mobile, voyager… c’est devenu plus accessible et ça va l’être de plus en plus. » Cela est d’autant plus vrai pour Henriette, 83 ans, qui adore se promener dans la ville, car « malgré tout ce qu’on dit, il y a beaucoup plus d’aménagements dans les lieux publics : rampes, ascenseurs, plans inclinés… on peut sortir plus, être plus actif en se souciant moins des contraintes de mobilité, ça c’est un progrès aussi par rapport à avant ». Elle, qui a accompagné son mari handicapé il y a une vingtaine d’années, sait bien de quoi elle parle.  

Du point de vue des seniors, la longévité va bien au-delà des comportements « prescrits » par presque un siècle de politiques en faveur de la santé et du vieillissement. Être en forme physiquement est à la portée de tous, mais on l’a vu, quand on vieillit, les inégalités se creusent car personne n’est égal face à la sénescence, ce processus naturel de vieillissement. Alors les seniors ont inventé leur propre longévité qui fait la part belle à l’activité intellectuelle, sociale, un peu de loisir et de divertissement, et beaucoup de philosophie et même une incursion dans leur propre intériorité, car la vieillesse est le moment idéal pour mieux se connaître et se comprendre. 

1 Les Open Lab organisés par Silver Valley, premier cluster européen d’innovation au service de la longévité, et les Silver Lab, organisés en partenariat avec le groupe de protection sociale AG2R et la caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV), permettent la rencontre avec plusieurs centaines de seniors par an qui s’expriment sur tous les sujets qui concernent leur vie quotidienne comme l’habitat, la famille, les finances, la maladie, la mort, le pouvoir d’achat, l’alimentation… Il s’agit d’un espace d’expression libre et convivial avec une prise en compte de la parole des seniors pour imaginer les innovations dédiées à la longévité de demain. Tous les éléments relatés ici sont issus de ces rencontres faites en 2019. 

Chapitre 9 – L’inclusion numérique par Nicolas Menet 

Le numérique est une planche de salut inégalable pour un vieillissement réussi. L’accès au numérique permet actuellement et permettra plus encore dans un futur proche de résoudre une grande partie des difficultés induites par l’avancée en âge. Cela sera d’autant plus facile qu’au fur et à mesure du temps, les seniors auront bénéficié de la démocratisation d’Internet, de la micro-informatique et des smartphones, une grande partie de leur vie professionnelle. À l’exception des personnes atteintes de maladies neurodégénératives (environ un million de personnes sont à ce jour concernées par la maladie d’Alzheimer, de Parkinson et autres maladies apparentées), dont on ne peut certifier qu’elles seront toujours aussi à l’aise avec la technologie, en 2030 on comptera tout de même environ vingt millions de personnes de 60 ans digitalisées et en capacité d’avoir un usage quotidien du numérique.  On entend par « numérique » essentiellement l’accès à Internet et aux services associés comme les applications téléchargeables sur un smartphone. Sont exclues ici du champ toutes les innovations médicales intégrant de la très haute technologie – ce serait l’objet d’un livre à part entière. Par ailleurs, les mots « digital » ou « numérique » ont la même définition et on peut les utiliser dans les mêmes contextes. Le mot « digital » est un anglicisme, tandis que « numérique » est le mot français qui désigne tout ce qui se réfère à l’informatique, aux applications, à l’Internet et aux objets connectés.  Si les personnes qui s’approchent des 80 ans sont structurellement moins connectées que les plus jeunes, les Français restent néanmoins très à l’aise avec l’Internet, du moins ils sont fortement équipés. Eh oui, les seniors sont connectés ! 84 % des Français de plus de 55 ans ont accès à Internet depuis une box. 21 % d’entre eux sont également équipés d’une tablette qui, avec les seniors, a trouvé un marché très lucratif, car les ventes progressent de plus en plus sur ce segment de clients. Cela ne fait pas des seniors des geeks en puissance, mais en tout cas, l’usage des technologies de l’information et de la communication est bel est bien présent, et c’est une excellente nouvelle pour la longévité.  

Car le numérique est un palliatif à certains méfaits de la sénescence, qu’il était jusqu’alors impossible de compenser. Même si un ordinateur ou un téléphone portable ne remplaceront jamais les relations humaines et les interactions sociales complexes, certains réseaux sociaux, applications ou fonctionnalités, certains sites Internet d’information, de communication et même des « market place » (sites d’achat en ligne) sont de véritables « béquilles » pour accomplir des choses que l’on ne peut plus faire autant, ou aussi bien qu’auparavant. On trouve au moins quatre bienfaits au numérique et à son usage appliqué à une population qui avance en âge.

Extrait du "Grand livre de la longévité : le guide de référence pour vivre mieux, en meilleure santé et dans un environnement adapté", sous la direction de Nicolas Menet et publié aux éditions Eyrolles

Lien vers la boutique Amazon : ICI

Voici les différents auteurs et contributeurs du livre :

Nicolas Menet, Directeur Général de Silver Valley

Clément Boxebeld et Julia Mourri : co-fondateurs du projet Oldyssey.

Dr Anthony Mézière : gériatre AP-HP.

Ghislaine Bottero : coach sportive et posturologie de la personne âgée.

Raphaëlle de Foucauld : conseillère conjugale et familiale, synergologue, forma­trice, conférencière, podcasteuse et entrepreneure.

Marie de Hennezel : psychologue clinicienne, psychanalyste Jungienne et auteure.

Mélissa Petit : docteure en sociologie et fondatrice de Mixing Generation.

Catherine Marcadier-Saflix : fondatrice de l’agence de conseil En Mode Création(s). Economiste et prospectiviste.

Alexandre Faure : journaliste et conférencier. Fondateur du média Sweet Home.

Claudie Kulak : fondatrice de la Compagnie des Aidants.

Olivier Noel : co-fondateur de Masuccession.fr et Maretraite.fr

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