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Retraites : cette violence qui nous attend au fond de l’impasse politique
©GEORGES GOBET / AFP

Réforme

Le dossier des retraites pourrait devenir un des dossiers sensibles sur le plan social avec une importante mobilisation syndicale à partir du 5 décembre prochain. Selon un rapport du Conseil d'orientation des retraites, le système par répartition serait fragile et devrait afficher un déficit abyssal en 2025.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Les retraites ont toujours constitué un point sensible des réformes portées (ou non, par crainte de soulèvements populaires) par les gouvernements successifs. Emmanuel Macron et Edouard Philippe n’échapperont pas à cette fatalité. Le rapport du Conseil d’Orientation des Retraites, publié aujourd’hui, et rédigé à la demande du Premier Ministre, met en lumière la fragilité du système actuel par répartition. Sans réforme (c’est-à-dire sans allongement de la durée de cotisation), il devrait rapidement prendre l’eau et accuser un déficit d’environ 20 milliards en 2025. Le casse-tête commence.

Plus que jamais, le gouvernement est confronté à la quadrature du cercle… des retraites. Et, en l’état, on perçoit mal comment il va s’en sortir sans dommage majeur. Disons même que nous pronostiquons une crise de régime majeur dont le dossier des retraites sera le principal catalyseur.

Sans système par points, les retraites sont de toute façon en danger

Beaucoup de détracteurs de la réforme par points préconisée par Emmanuel Macron plaident pour un statut quo. Petit problème : le Conseil d’Orientation des Retraites vient d’examiner l’avenir à court terme du régime général sans modification des paramètres actuellement en vigueur.

Le déficit du système de retraite sera compris entre 7,9 milliards et 17,2 milliards d’euros en 2025, date envisagée pour l’entrée en vigueur du futur régime « universel », selon le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) qui devrait être remis jeudi à Matignon et qu’a pu consulter l’AFP lundi.

Compris « entre -0,3 % et -0,7 % du PIB », le « solde financier du système » serait ainsi dans un ordre de grandeur proche de la prévision évoquée en juin dans le rapport annuel du COR, qui tablait alors sur un déficit d’environ 10 milliards d’euros (0,4% du PIB) à l’horizon 2022.

Autrement dit, si le statu quo devait s’installer en France, le déficit se creuserait rapidement.

Un allongement de la durée de cotisation apparaît donc inévitable, et dans des délais brefs. En soi, cette information n’est pas nouvelle. Elle était même tout à fait anticipable.

L’impasse politique du gouvernement devient préoccupante

Pour le gouvernement, la situation devient donc particulièrement tendue. Dans tous les cas, il faudra réformer.

Soit la réforme s’opère par une diminution générale des pensions, grâce à un calcul de la rente sur l’ensemble de la carrière et non sur les seules 25 meilleures années. Mais on voit mal comment, en l’état, ce projet très impopulaire pourrait passer.

Soit le gouvernement repousse son projet de réforme par points, et il lui faudra « durcir » les paramètres actuels en allongeant la durée de cotisation pour équilibrer les régies. Et là encore, compte tenu du déficit de popularité enregistré par l’équipe au pouvoir, une campagne en faveur du  « il faut travailler plus longtemps » risque de susciter pas mal de remous.

Bref, de deux maux, il faudra choisir le moindre.

La convergence des luttes annoncée pour le 5 décembre

Dans cette affaire, Macron s’est mis tout seul dans sa seringue. En annonçant un dépôt de loi pour la réforme des retraites en fin d’année 2019, puis à l’été 2020, il choisit lui-même de se mettre sous une pression bien téméraire. Or on voit mal les bénéfices qu’il peut désormais escompter de cette théorie selon laquelle il faut « accélérer les réformes ».

La hâte du président à réformer a en effet nourri la colère des organisations syndicales qui se coalisent désormais pour bloquer le pays. Malgré les gesticulations du Président pour désamorcer la crise (notamment en invoquant l’improbable clause du grand-père), tout  indique que la colère, qui ne demande qu’à s’exprimer et à souffler, secouera fortement les rues et ébranlera fortement la stabilité gouvernementale.

Le phénomène risque d’être d’autant plus violent que la convergence des luttes pourrait s’opérer : Gilets Jaunes, soignants, étudiants, pourraient rejoindre les cheminots et les traminots. Sans compter les enseignants, qui découvrent que la réforme par points minorera leur retraite de 30%.

Une solution : faire payer les entreprises ?

Face à la montée des colères dont Macron perçoit intuitivement la violence à venir, la tentation se fait jour de faire payer les entrepreneurs. Des élus du MODEM et de l’UDI, pour sauver ce qui peut l’être encore, appellent à tenir une conférence sur les salaires. L’opération serait simple : on conserve des dépenses publiques exorbitantes, on ne réforme rien, et on demande aux entreprises de payer les pots cassés.

Là encore, la solution paraît invraisemblable. Depuis François Mitterrand, la négociation annuelle obligatoire (NAO) contraint les entreprises de plus de 11 salariés de négocier les salaries chaque année.

On voit mal comment des élus et des syndicalistes pourraient, au nom de la démocratie sociale, remplacer brutalement celle-ci.

Vers un inévitable épisode de violence verbale et physique ?

Sur le fond, on voit mal comment Emmanuel Macron pourra échapper à son destin : celui d’un Président vilipendé pour sa volonté trop « velléitaire » de réformes. Au lieu de s’être immédiatement attaqué au maillon faible du dispositif, la dépense publique, Macron a voulu ménager les fonctionnaires et réformer à la va-comme-je-te-pousse le secteur privé.

Il a semé le vent, et risque bien de récolter la tempête. Nous pronostiquons un rejet violent de ses projets de réforme en décembre.

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