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Les milieux d’affaires britanniques lâchent Boris Johnson parce qu’il est devenu inaudible tant qu’il n’expliquera pas la réalité du deal qu’il souhaite
©DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Atlantico-Business

Les Anglais ont du mal à comprendre la réalité du projet de Boris Johnson. S’il veut sortir de l’Union européenne pour faire de l'Angleterre une immense zone affranchie des contraintes fiscales, sociales et environnementales, les Anglais vont le lâcher complètement.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Selon les milieux d’affaires britanniques, Boris Johnson est complètement embourbé politiquement parce que son projet est devenu inaudible. Le champion du Brexit est arrivé au pouvoir en promettant de sortir son pays de l’Union européenne au 31 octobre avec ou sans accord. Il continue de clamer sa détermination de préférer renégocier un deal, qu’il peut le faire, qu’il en aurait le temps si l'Union européenne l'acceptait. Il considère que c’est Bruxelles qui le pousse à sortir sans deal, et vient expliquer au peuple britannique que tous les ennuis lui viennent de l’Union européenne.

Le problème, c’est que l’argumentaire de Boris Johnson est devenu inaudible. Incompréhensible. Le Parlement n’y adhère pas, le peuple dont une majorité a souhaité un Brexit, s’inquiète maintenant des conséquences et les milieux d’affaires sont en train de le lâcher.

Le discours de Boris Johnson est devenu inaudible parce que, maintenant qu’il est en responsabilité, on ne comprend pas la réalité de son projet et notamment le deal qu’il souhaiterait. Il refuse l’accord qui a été établi au terme de 2 années de négociation, par Theresa May, mais il ne dit pas quel autre accord on pourrait mettre en place. Alors, il a focalisé le débat sur la question de l’Irlande mais il ne peut pas se résoudre à remettre en place une frontière physique entre les deux Irlande et retomber dans les affres d’une partition, personne n’en veut. Il prétend qu’il y aurait d’autres solutions mais personne n‘est capable de les présenter.

Cela dit, si les parlementaires ont repris la main sur l’agenda, si Boris Johnson a perdu sa majorité, si les milieux d’affaires ont eux aussi lâché l’affaire, c’est que la Grande-Bretagne commence à comprendre quel est le vrai projet des partisans d’un Brexit sans deal. Et qu‘il serait temps de le dire franchement, ce qui n’a jamais été fait jusqu'à maintenant.

Le vrai projet est d’installer un modèle britannique complètement dérégulé pour avoir les moyens d’assumer la compétition internationale. Retrouver cette liberté qui avait fait la force et la puissance de l’empire Britannique au 19e et 20ème siècle.

Déréguler le système britannique reviendrait à l’affranchir des règles et des normes qui, en matières fiscale et sociale, encadrent le commerce international et notamment le fonctionnement de l’Union européenne. Bref, créer en Grande-Bretagne un espace économique avec une fiscalité très light, très peu de normes en matière sociale.

Reproduire le modèle qui est un peu celui du Luxembourg ou surtout celui de Singapour. Alors, cette perspective avait trouvé quelques échos plutôt favorables dans les milieux conservateurs britanniques, sauf que concrètement un tel modèle est difficilement applicable dans un pays aussi grand que la Grande-Bretagne. Le Luxembourg est un pays minuscule très contrôlé par l'Union européenne. Quant à Singapour, le pays est protégé par le voisin chinois et surtout, il n’est pas sous contrainte de la démocratie.

Une Grande-Bretagne fonctionnant comme une immense zone franche et comme un paradis fiscal est quasiment impossible à installer.

D’abord parce que l’économie britannique est profondément inscrite dans les systèmes de production mondialisée. La Grande-Bretagne n’est pas comme Singapour, une immense salle de trading financier avec une main d’œuvre d’esclaves étrangers qui font les travaux d’entretien. La Grande-Bretagne est un vrai pays avec des ressources qu’elle doit vendre. Des échanges commerciaux extrêmement complexes.

Ensuite, parce que nous avons besoin de garanties sur les normes sociales, environnementales et de santé. L’Union européenne, en dépit de tous ses défauts, apportent aux consommateurs ce type de garanties. Les consommateurs britanniques ont eux-mêmes ce type d’exigences, les salariés britanniques ont besoin des minima sociaux. L’appareil de production britannique ne peut pas s’affranchir de toutes ces contraintes qui offrent des garanties de qualité, de sécurité et d’hygiène.

Enfin, l’Europe et le reste du monde ne peut pas tolérer l’organisation d’un paradis fiscal aussi important et à leurs portée. Les Anglais ne peuvent pas s’exonérer de payer des impôts parce que les Anglais ont besoin de services publics et sociaux, ils ont besoin d’investissement que ce soit sur le terrain des équipements collectifs, ou pour faire face aux besoins de la transition écologique. Alors le privé peut répondre à ce type de besoin, mais encore faut-il qu’il ait un minimum de règles à respecter, règles de protection sociale des plus démunis, règles d’équité fiscale. 

Pour toutes ces raisons, Boris Johnson aura du mal à faire passer son vrai projet. Il est revenu à la case départ.

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