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Laurent Fignon - Greg LeMond : le tournant de l’été 1989
©AFP

Bonnes feuilles

Béatrice Houchard publie "Le Tour de France et la France du Tour" aux éditions Calmann-Lévy. Le 19 juillet 2019, le Tour de France célèbre les 100 ans du maillot jaune, imaginé par Henri Desgrange. Les plus grands champions ont ramené plusieurs fois le maillot jaune à Paris. Mille histoires lient le Tour et la politique, les champions et les présidents. Extrait 2/2.

Béatrice Houchard

Béatrice Houchard

Journaliste à L’Opinion, Béatrice Houchard a couvert six campagnes présidentielles pour La Nouvelle République du Centre-Ouest, La Vie, Le Parisien et Le Figaro. Elle est notamment l’auteur de "Faut-il arrêter le Tour de France ?", "À quoi servent les députés ?", "Chambre S 10" et "Le tour de France et la France du tour" (Calmann Lévy, 2019).

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Ah ! cette dernière étape, ce contre-la-montre de 24,5 kilomètres entre Versailles et Paris ! Peut-être le suspense le plus fabuleux de l’histoire du Tour. Presque mieux que le puy de Dôme entre Anquetil et Poulidor en 1964. Mieux que Robic en 1947. Mieux que Jan Janssen triomphant d’Herman Van Springel le dernier jour en 1968 après un autre contre-la-montre. Pour huit secondes, Greg LeMond bat Laurent Fignon. On pourra gloser encore pendant des années sur le guidon de triathlonien utilisé par le premier Américain à avoir gagné le Tour (en 1986) ; sur un Fignon  affaibli par une blessure. Sur ce que valent huit secondes dans une vie de champion, dans la vie d’un homme. Dans son livre de souvenirs, Laurent Fignon écrit sobrement : « Jour de tristesse insensée. Jour de défaite monstrueuse, inacceptable […] Pendant un long moment, la défaite resta en dehors de mon être. Elle ne pénétra pas mon monde intérieur. J’étais entré en commotion. Je marchais comme un boxeur sonné, dans un univers improbable de fureurs et de bruits. Je ne savais pas où j’allais et qui me forçait à y aller. » 

On garde le souvenir de Fignon, restant allongé sur le bitume des Champs-Élysées alors que LeMond, qui semble ne pas y croire lui-même, exulte. Mais les deux champions ont surtout fait vivre au Tour trois semaines de suspense total. On sort des célébrations du bicentenaire de la Révolution française. François Mitterrand, plus roi que révolutionnaire, a reçu les grands de ce monde et leur en a mis plein la vue avec ses grands travaux : soirée à l’opéra Bastille, inauguré pour l’occasion, sommet à la Grande Arche, dîner place de la Concorde avec vue sur le défilé orchestré par Jean-Paul Goude et la chanteuse Jessye Norman en bleu-blanc-rouge pour chanter La Marseillaise. Le Grand Louvre vient d’ouvrir ses portes, avec la Pyramide de l’architecte Pei qui vaut au pays son lot habituel de polémiques. Le président de la République annonce la création d’une grande bibliothèque. Le pouvoir de gauche, un an après la réélection facile de François Mitterrand, cet éternel moribond toujours ressuscité, a conquis plusieurs villes aux élections municipales. Si la droite et le centre, avec Valéry Giscard d’Estaing, ont dominé les élections européennes, le temps de l’alternance n’est pas revenu pour autant.

L’alternance, c’est en jaune qu’elle se déroule sur les routes du Tour. Entre Laurent Fignon et Greg LeMond, la bagarre ne cesse pas pendant trois semaines. Greg LeMond est en jaune de Rennes à Cauterets, Fignon de Superbagnères à Gap, LeMond de Gap à Briançon et Fignon de Briançon à L’Isle-d’Abeau, avant le transfert vers l’Île-de-France. L’Américain a gagné deux étapes, le Français en remporte une et un jeune Espagnol dont on reparlera pointe le nez en gagnant l’étape Pau-Cauterets : Miguel Indurain. Le 14 juillet, c’est à Marseille qu’un autre Français, Vincent Barteau, commémore à sa façon le bicentenaire. La France est ravie, le spectacle est superbe. Mais Laurent Fignon perd le Tour. Les spécialistes ont calculé que les 8 secondes séparant pour l’histoire LeMond de Fignon équivalaient à 82,225 mètres de ces Champs-Élysées sur lesquels Fignon, qui devait mourir prématurément d’un cancer en 2010, à 50 ans, était resté longtemps allongé, K.-O. et incrédule. 

La France va s’en remettre. La France va bien ou fait mine de le croire. En Eure-et-Loir, lors d’une élection partielle, le Front national va faire élire pour la première fois une députée, Marie-France Stirbois, au scrutin majoritaire. Le FN a déjà eu 35 députés en 1986, mais c’était au scrutin proportionnel. Les sujets de l’insécurité et de l’immigration commencent à infuser tout le discours politique français. À Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, on assiste à une polémique sur le port du foulard islamique. Ce n’est que la première d’une longue série.

Extrait du livre de Béatrice Houchard, "Le Tour de France et la France du Tour", publié aux éditions Calmann-Levy.

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