Le jour où le Tour de France est devenu un rendez-vous institutionnel pour le président de la République <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Sport
Le jour où le Tour de France est devenu un rendez-vous institutionnel pour le président de la République
©AFP

Bonnes feuilles

Béatrice Houchard publie "Le Tour de France et la France du Tour" aux éditions Calmann-Lévy. Le 19 juillet 2019, le Tour de France célèbre les 100 ans du maillot jaune, imaginé par Henri Desgrange. Les plus grands champions ont ramené plusieurs fois le maillot jaune à Paris. Mille histoires lient le Tour et la politique, les champions et les présidents. Extrait 1/2.

Béatrice Houchard

Béatrice Houchard

Journaliste à L’Opinion, Béatrice Houchard a couvert six campagnes présidentielles pour La Nouvelle République du Centre-Ouest, La Vie, Le Parisien et Le Figaro. Elle est notamment l’auteur de "Faut-il arrêter le Tour de France ?", "À quoi servent les députés ?", "Chambre S 10" et "Le tour de France et la France du tour" (Calmann Lévy, 2019).

Voir la bio »

La phrase, devenue célèbre, date des années 1960 et est signée Antoine Blondin : « Le général de Gaulle est le président de la France pendant onze mois. Mais en juillet, c’est Jacques Goddet. » Le propos est évidemment excessif. Jacques Goddet, directeur du Tour de 1936 à 1982 (avec Félix Lévitan à partir de 1962), n’a pas plus présidé la France que ses successeurs, Jean-François Carenco, Xavier Louy, JeanMarie Leblanc et actuellement Christian Prudhomme. Mais les présidents, eux, ont presque tous tenté de faire rejaillir sur leur mandat un peu de la lumière du Tour. 

Le 16 juillet 1960, rien n’est prémédité : le général de Gaulle prend place dans les rues de Colombey-les-Deux-Églises, comme beaucoup d’habitants de sa petite commune de Haute-Marne. L’information arrive aux oreilles de Jacques Goddet, qui la transmet au champion de France Henry Anglade, vieux briscard des pelotons et le plus représentatif des coureurs français cette année-là, puisque Jacques Anquetil n’était pas au départ et que Roger Rivière, son grand rival, a fait dans la descente du col du Perjuret une chute dramatique qui le privera à jamais de compétition. 

La direction du Tour décide que les coureurs marqueront une minute de « neutralisation » à Colombey. Le Tour ne s’est jamais arrêté pour quelque personnalité que ce soit, et ce fait exceptionnel ne se reproduira jamais. Mais c’est le général de Gaulle. Bien au-delà du président de la toute jeune Ve République, c’est l’homme du 18 Juin, un président en exercice entré dans les livres d’histoire bien avant de s’installer à  l’Élysée. Tout le monde s’arrête. Certains se découvrent. Des coureurs étrangers ne comprennent pas très bien ce qui se passe, certains croient même un instant que le président français est mort. « Le Tour salue affectueuse ment le général de Gaulle ! » lance Jacques Goddet dans son porte-voix. « Monsieur le directeur, il ne fallait pas », répond le général, selon le récit de Pierre Chany, qui y était. De Gaulle s’approche d’Henry Anglade ceint de son beau maillot bleu-blanc-rouge : « Monsieur Anglade, je vous reconnais et je vous félicite » ; puis du maillot jaune : « Monsieur Nencini, je connais vos exploits par la télévision. Bravo ! Maintenant vous avez gagné, Paris n’est pas loin ! » Gastone Nencini, d’émotion, a lui aussi retiré sa casquette. « Bonne route, messieurs ! » salue le général, alors qu’un petit malin, retardé à  l’arrière de la course par un incident mécanique, n’a pas marqué l’arrêt à Colombey : c’est Pierre Beuffeuil, un autre Français. Il va gagner l’étape !

Le général de Gaulle a-t-il vraiment été surpris par l’arrêt du peloton ? C’est ce que dit la légende. Pourtant, à observer de plus près les photos, il est permis de se poser la question. Sur une première série, le général, accompagné de son épouse Yvonne, est vêtu d’un imperméable. Sur les clichés où on le voit saluer ensuite les coureurs, il est en complet-veston. A-t-il retiré l’imper, le confiant à « tante Yvonne », pour être plus à son avantage sur la photo ? Qu’importe, il vient d’offrir au Tour une consécration – on n’ose dire une bénédiction, mais c’est tout comme – que rechercheront pour eux-mêmes presque tous ses successeurs.

Extrait du livre de Béatrice Houchard, "Le Tour de France et la France du Tour", publié aux éditions Calmann-Levy.

Lien vers la boutique Amazon : ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !