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La démocratie a toujours été une affaire d'intelligence collective
©FREDERICK FLORIN / AFP

Bonnes feuilles

Emile Servan-Schreiber vient de publier « Supercollectif, La nouvelle puissance de nos intelligences » (Fayard). Il révèle l’immense potentiel de nos intelligences groupées et organisées en s’appuyant sur les dernières découvertes scientifiques et une longue pratique de terrain. 2/2.

Emile Servan-Schreiber

Emile Servan-Schreiber

Emile Servan-Schreiber est un spécialiste mondialement reconnu des marché prédictifs : l'intelligence collective au service de la prévision. Avant la création de Lumenogic il a fondé et dirigé NewsFutures pendant 10 ans (2000-2010). Sous son leadership, NewsFutures puis Lumenogic ont développé nombre d'applications innovantes des marchés prédictifs pour une clientèle mondiale de grandes entreprises, médias et gouvernements.

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Pour l’instant, l’aversion de notre personnel politique pour les prévisions est telle que, quelques mois après le passage mémorable de Michel Sapin chez Jean-Jacques Bourdin, la ministre du Travail de l’époque, Myriam El Khomri, s’indignait sur France Inter d’être interrogée sur l’évolution future de la courbe du chômage : « Je ne suis ni la ministre des statistiques mensuelles, ni celle des pronostics », répliqua-t-elle sèchement. 

Sans s’en rendre compte, la ministre avait ce jour-là mis le doigt sur ce qui manque cruellement à notre démocratie : un ministère des pronostics ! Sa tâche serait d’organiser le grand marché prédictif citoyen où tous les Français seraient invités à parier sur les sujets qui relèvent de leur expertise de terrain. Avant de voter une loi ou de prendre une décision importante, le pronostic collectif sur l’efficacité de la mesure serait sollicité au travers des marchés de décision. Dans un premier temps, l’avis ne serait que consultatif, et les décideurs du gouvernement ou du Parlement continueraient de décider. Mais, une fois que le dispositif aurait fait ses preuves, les décisions pourraient être mécaniquement liées aux prévisions. 

Par souci d’égalité, et afin que seul le mérite puisse acheter l’influence, chaque citoyen se verrait attribuer, une fois et une seule, à sa majorité, un pécule lui permettant de participer au marché. Ce serait idéalement de l’argent réel –  quelques centaines d’euros –, mais cela pourrait aussi être des points virtuels échangeables contre quelques prestations ou avantages administratifs. 

Chacun pourrait investir dans les pronostics de son choix, selon ses intérêts et expertises. Ceux qui perdraient tout leur capital seraient éliminés. Ainsi les manipulateurs, les idéologues, les imprudents et ceux qui parlent sans savoir feraient long feu. Les opinions des bons pronostiqueurs pèseraient en  revanche de plus en plus lourd. Se constituerait au fur et à mesure une légion de pronostiqueurs d’élite entièrement vouée au service de l’intérêt national. Une légion d’honneur de l’anticipation. 

En plus de fournir aux responsables politiques les meilleures prévisions possibles, le ministère des pronostics aurait aussi la vertu de responsabiliser les citoyens vis-à-vis des décisions politiques prises en leurs noms par leurs élus : 

1)  En récompensant ceux dont les prévisions ont encouragé les décideurs à prendre les bonnes décisions. 

2)  En dédommageant ceux dont les prévisions justes ont été ignorées par les décideurs au profit de mauvaises décisions.

3)  En pénalisant ceux dont les prévisions ont découragé les décideurs de prendre les bonnes décisions, ainsi que ceux dont les prévisions ont encouragé les décideurs à prendre les mauvaises décisions.

Le destin du monde

La démocratie a toujours été une affaire d’intelligence collective : comment faire, ensemble, les meilleurs choix pour notre société. Mais nos modes de représentation, de vote et de décision, hérités d’un autre âge, sont devenus obsolètes. Pire, ils sont en tel décalage avec le quotidien personnel et professionnel des citoyens ultra-connectés qu’ils créent une frustration croissante. N’est-ce pas aussi pour cela que la démocratie recule presque partout ? 

Le numérique, l’intelligence artificielle, les big data et les réseaux permettent aux nouveaux autocrates de modeler et de contrôler les cerveaux des peuples de façon beaucoup plus efficace et insidieuse que les dictateurs d’antan. Les plus grandes autocraties, comme la Russie et la Chine, se targuent ouvertement de proposer un modèle alternatif de bonne gouvernance, un « nouveau chemin » selon le président Xi Jinping. La Chine investit massivement dans l’intelligence artificielle avec l’objectif déclaré de tenter de faire fonctionner l’utopie d’une économie ultra-planifiée grâce aux algorithmes et à une puissance de calcul supérieure, reléguant ainsi le capitalisme de marché et sa « main invisible » aux poubelles de l’Histoire. 

Mais, dans le combat épique qui s’engage contre les nouvelles dictatures, les démocraties disposent d’une arme puissante et exclusive que l’adversaire n’osera jamais utiliser : l’intelligence supercollective, rendue possible par ces mêmes technologies numériques. C’est elle qui peut permettre à nos démocraties de vaincre par une intelligence supérieure. Nos responsables politiques doivent accepter de jouer plus collectif avec les citoyens. Comme dirait le Général, « le destin du monde est là ».

Extrait de "Supercollectif, La nouvelle puissance de nos intelligences", d'Emile Servan-Schreiber, publié aux éditions Fayard.

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