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Grand débat : Les Français font moins d’enfants, mais se mettent à créer des entreprises. Le parallèle est bizarre, mais ça peut s’expliquer !
©Reuters

Atlantico Business

La baisse de la fécondité est engagée alors que la création d’entreprises bat des records. Curieux ! Il y a des informations comme celles-là dont le seul rapprochement fait question.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L’actualité nous livre parfois des informations qui sont sans rapport au premier abord mais qui, mises côte-à-côte, nous éclairent un peu sur notre façon de vivre et d’évoluer. Intéressant dans le cadre du grand débat où nous dit-on, aucune question ne sera taboue, mais où la cohérence des réponses ne nous est pas interdite.

L’année 2018 restera très particulière. C’est l’année où le taux de fécondité a baissé, donc moins d’enfants, alors que, depuis un demi-siècle, la démographie a été notre principale force.

A coté de cette baisse, 2018 a été une année de record historique pour la création d’entreprise, ce qui prouve le dynamisme entrepreneurial du pays.   

Alors, on peut imaginer toutes les exégèses possibles, sur le rapport entre les deux phénomènes. Mais ce qui est plus intéressant, c’est de voir dans les deux cas, pourquoi et pour quels effets ? Pourquoi moins d’enfants et pourquoi plus d’entreprises? Avec quelles conséquences?

La baisse de la population est désormais analysée à la loupe par tous les démographes et les économistes. Parce que la démographie a toujours été, avec la technologie, le nerf de la guerre économique. On savait déjà que depuis trois ans, le taux de fécondité était tombé dans le bas de la fourchette prévisionnelle établie par l’INSEE, soit environ 1,8 enfant par femme. Nous sommes effectivement tombés à 1,87 enfant par femme. D’où un nombre de naissances à 750 000 en 2018 contre 789 000 naissances prévues et attendues.

La force de ce pays a été jusqu’à maintenant d’assurer l’équilibre de sa population avec un taux de fécondité proche de 2 enfants par femme.

Alors la baisse du taux de fécondité, et mécaniquement de la natalité, n’a pas que des inconvénients. A très court terme, la baisse du nombre d’enfants allège les comptes publics. Moins d’enfants, c’est moins de crèches, moins d’écoles. Sait-on que le nombre d’enfants scolarisés a   diminué de 33 000 enfants en 2018. 33 000, ce n’est pas rien.

Mais à moyen et long terme, les enfants vieillissent. Et moins d’enfants, c’est moins d’actifs, donc moins de travail, moins de richesses créées, donc moins de croissance, moins de recettes fiscales et sociales, mais plus de dépenses parce que le budget social augmente parce que le coût des retraites augmente. C’est d’ailleurs le conseil d’orientation des retraites qui, dans son rapport 2018, a tiré la sonnette d’alarme destinée à ceux qui préparent la réforme du système de retraite.

C’est un phénomène que connaît bien l’Allemagne où la baisse démographique apparaît véritablement comme son point de faiblesse. Avec l’approche d’une période qui sera difficile à gérer, puisque les experts considèrent que l'Allemagne rencontrera de vrais problèmes financiers à partir de 2030.

Alors pourquoi cette baisse en France ?  Difficile de répondre à la question, parce que la politique familiale particulièrement généreuse n’a pas été hypothéquée. Il faut surtout voir les raisons dans le climat général d’inquiétude qui règne sur le pays depuis dix ans environ. La baisse du taux de fécondité ne serait donc que l’application du principe de précaution. Si l’avenir n’est pas sur, si le chômage n’est pas réductible, inutile de faire des enfants si c’est pour qu'ils vivent dans une situation aussi incertaine.

Alors, l'explication se tient sauf que si elle était évidente, les Français ne battraient pas des records de créations d’entreprises, ce qui est quand même un sport et un statut très risqué.

L’année 2018 restera dans les annales de l’économie comme une année de tous les records pour la création d’entreprises.

Plus de 700 000 entreprises ont été créées, 691 283 nouvelles entreprises exactement, soit 100 000 de plus qu’en 2017. Le précédent record date de 2010, l’année où l’on a inventé le statut d’auto-entrepreneur.

Alors l’autoentreprise a toujours autant de succès puisque le nombre de micro- entreprises a progressé de 25%, contre 8,7% en 2017, le nombre d’entreprises individuelles de 20% et le nombre de sociétés de 1,6%. C’est donc bien une vague de naissance à laquelle on assiste et notamment des microentreprises ; à noter que ce mouvement a été favorisé par le doublement des seuils de chiffres d’affaires en deçà duquel on a le droit d’opter pour un statut très simplifié.

Alors, cette évolution est très intéressante parce qu’elle peut marquer un intérêt pour la prise de risque et l’entreprenariat, mais encore faudrait-il que ces microentreprises puissent grossir, ce qui n’est pas le cas, avec en plus une mortalité beaucoup trop forte dans les premières années. La question est de savoir si cet afflux de créations d’entreprises n’est pas plutôt le contrecoup du chômage de masse. Qu’il y ait un changement culturel, sans doute, mais qu'il y ait des choix par défaut, aussi. C’est parce que le travail manque comme salariés que beaucoup se sont résolu à créer leur propre emploi. C’est aussi parce que le salaire est excessivement chargé (en cotisations) que beaucoup préfèrent un travail individuel. D’autant que la digitalisation et l'uberisation des rapports commerciaux favorisent cette évolution.

Dans ce cas-là, il y a un rapport entre la chute du taux de fécondité et l’explosion des créations d’entreprises. Si les Français font moins d’enfants parce que l’évolution économique est trop incertaine, c’est aussi parce qu’il y a moins de travail qu‘ils créent leur propre emploi.

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