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Nouveau nuage sur la croissance : après la consommation et les exportations, le dernier moteur qui la boostait connaît des ratés
©JOEL SAGET / AFP

Atlantico Business

Alors que tout le monde espérait que l’investissement des entreprises allait tenir la croissance, le voilà qui a des ratés. Mauvaise nouvelle.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En juillet dernier, alors que la France était en plein trou d’air avec un ralentissement de la croissance, tout le monde se raccrochait aux branches de l’investissement pour pouvoir redresser le système économique et rebondir début 2019. En juillet, les industriels français déclaraient une prévision de hausse de leurs investissements de 4% cette année. Alors avec 4%, la France n’avait pas de quoi tomber dans l’euphorie, mais elle pouvait y trouver les moyens de compenser les mauvais chiffres de l’exportation et le ralentissement de la consommation. Or, à la fin du troisième trimestre, leur prévision d’investissement est désormais négative, à -1%. On passerait donc de +4 à -1%.

Bref, a priori, les industriels se sont mis aux abris.

L’investissement, c’est sans doute le moteur de croissance le plus important. Il commande un peu les autres, parce que l’investissement entraine un supplément d’offre, donc un supplément de créations d’emplois, donc des créations de richesses, donc des revenus, donc de la consommation. L’investissement, c’est aussi une promesse de compétitivité, donc d’exportations.

A contrario, moins d’investissement dans les entreprises, c’est évidemment moins de croissance, plus de déficit, plus de chômage...

Le signal n’est véritablement pas bon. Il signifie que les industriels qui avaient un moral d’acier sont en risque sérieux de sinistrose.

Alors pourquoi ?

Les taux  d’intérêt restent très favorables, la demande est triste, mais elle existe. Les carnets de commande ne sont pas saturés mais ils ne sont pas vides.

Il y a néanmoins plusieurs facteurs qu’on n’a sans doute pas voulu voir.

D’abord, le plus important facteur porte sur le secteur de l’automobile. Tous les constructeurs automobiles se sont mis un peu en jachère de projets depuis l’été. Le secteur automobile (constructeur et sous traitants) table sur un recul de leurs investissements de 10% cette année. C’est énorme. Alors la voiture se met en panne parce que :

- la conjoncture mondiale est incertaine et qu’elle est surtout suspendue aux évolutions des rapports de force politique. Il y a un effet Trump qui pèse très lourd sur l’automobile, liée à la météo très protectionniste qui envoie des flux assez froids sur le monde entier ; 

- le changement des normes d’homologation des véhicules depuis le mois de septembre en Europe a bousculé la production. Les industriels ne savent pas exactement dans quelle direction ils vont aller pour participer à la transition énergétique. L’euphorie sur l’électrique n’est guère sérieuse compte tenu des besoins en électricité qu‘on serait incapable de fournir. Sans parler des effets collatéraux sur le réchauffement climatique qu’on a du mal à mesurer et à anticiper. Qu‘on doive sauver la planète ne fait aucun doute mais les constructeurs automobiles veulent savoir la cohérence de toutes les décisions qu‘il faudra prendre.

Les constructeurs d’automobile n’ont actuellement aucune information sur ce qui sera autorisé ou pas dans les grandes villes. Des voitures ou des trottinettes ?

Ensuite, la plupart des chefs d’entreprise des autres secteurs se méfient de l’avenir. C’est nouveau. Les responsables industriels sont sans doute atteints eux aussi par un certain désenchantement politique, financier et social.

Cette prévision à la baisse est produite par l’Insee tous les trimestres, elle rejoint la plupart des autres enquêtes.

Deux remarques cependant :

D’une part, les prévisions sont pessimistes par rapport au climat des mois précédents, mais elles ne sont pas dépressives (y compris dans l’automobile). Les prévisions marquent peut-être simplement un retour à la normale (environ 4%) pour 2019.

D’autre part, la majorité des responsables des syndicats professionnels, la puissante UIMN au premier chef, ont reconnu que les investissments industriels avaient été orientés en priorité sur la digitalisation des entreprises.

Situation mise en lumière de façon très claire dans le dernier rapport d’étude de la Fabrique de l’Industrie.

Or, à Bercy comme dans beaucoup d’états-majors, on se demande s’il ne faudra pas revenir un peu plus vers l’investissement portant sur des actifs un peu moins immatériels. Bref, moins de logiciels et d’ordinateurs et un peu plus d’usines. Un peu moins de concepteurs et de développeurs, un peu plus d’ingénieurs et de mécaniciens. Cela dit, la restauration du potentiel industriel demandera du temps. Surtout chez des patrons qui préparaient ou qui rêvaient, il n’y a pas si longtemps, d’entreprises sans usine.

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