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Les industriels de l’agroalimentaire, plus efficaces que les vegans pour convertir les Français à l’alimentation végétale
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Atlantico Business

Sortons les couteaux et les fourchettes, la mutation dans le secteur agroalimentaire est engagée. Le SIAL, qui vient de fermer ses portes, a marqué l’avènement d’un Vegan grand public.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le tout électrique avait marqué le mondial de l’automobile. Au SIAL de Paris, le Salon International de l'Alimentation, c’est le tout végétal qui est entré sur le devant de la scène, révélant les toutes nouvelles tendances alimentaires. Après la transition électrique, il va donc falloir se préparer à la transition alimentaire. Ça risque d’être encore un peu plus compliqué. Mais comme dans l’automobile, les industriels se sont préparés au changement. 

Les faits sont têtus et leur accumulation dessine une véritable révolution. Quand la demande de bio explose, quand la composition des plats cuisinés provoque des accidents alimentaires qui tournent au scandale national, quand on met en place le nutriscore et que les applis digitales se multiplient pour aider la ménagère à faire son choix dans son hypermarché, parce qu’elle exige toujours plus de transparence... Tout cela traduit une véritable révolution qui vise à mieux manger et surtout à redonner du sens à sa consommation. Les consommateurs sont devenus hyper exigeants. Pas seulement sur le prix, mais sur la qualité, l’origine, l'empreinte carbone. 
Comme l'automobiliste, comme le chef d'entreprise, le consommateur a compris que son comportement avait un impact sur l'environnement ou sur sa santé. Même le politique s'est emparé du sujet puisque les repas végétariens devraient faire leur entrée dans les écoles, au moins une fois par semaine et à titre expérimental, après le vote de la loi Agriculture et Alimentation au début du mois.
Le seul problème dans la mutation alimentaire, c’est qu’elle est parfois boostée par des idéologies assez radicales. Il existe un noyau dur de militants « Vegan » qui n’hésitent pas à engager parfois des actions de violence pour faire connaitre leurs convictions. Attaquer des boucheries, par exemple, leur permet de faire du buzz mais ne leur permet pas de faire avancer leur cause. Au contraire, le consommateur est assez indifférent à ces manifestations excessives et extrémistes. Pour lui, l’évolution dans ce domaine s’opère de façon très pacifique et très pédagogique. C’est un mouvement profond qui n’a pas de ramification idéologique ou religieuse et qui classe les habitudes alimentaires en fonction de deux critères. D’un côté, les questions de santé individuelle. De l’autre, les questions de ressources alimentaires et de protection et d’équilibre de la planète
En bref, le consommateur s’inquiète de savoir si ce que nous mangeons est bon pour notre santé et si ce que nous produisons pour manger est bon pour l‘environnement du futur.  
Le monde de l'agroalimentaire a compris qu‘il y avait là des leviers de croissance, il a donc commencé une profonde mutation. Au SIAL, on s'est bien rendus compte que tous les acteurs du secteur s'étaient emparés de la tendance. Il y a le bio bien sûr, dont le chiffre d'affaires augmente de 10% chaque année. L'agriculture biologique, si elle signifie un mode de production plus naturel - sans OGM, engrais ou produits de synthèses, avec un respect des équilibres de la terre et du bien-être animal - ne signifie pas pour autant sans viande. Les nouvelles tendances alimentaires vont au delà du bio, puisque dans beaucoup de nouveaux produits, les protéines animales sont remplacées par les protéines végétales. On appelle ça l'alimentation végétale.
Et là, ça explose encore plus que le bio. "Une inversion de tendance historique" souligne l'étude Xerfi qui analyse le marché des protéines végétales. Il faut dire que cette offre était encore quasi-inexistante il y a cinq ans, et qu'elle surfe sur les nouvelles tendances alimentaires. Comme la mode du "sans gluten", le mouvement Vegan, qui consiste à abolir tout aliment provenant d'un animal (viande, poisson mais aussi lait et œufs) réunit beaucoup d'adeptes. Entre les deux, il y a les flexitariens, qui cherchent à diminuer leur consommation de viande, sans se l'interdire, au profit de protéines végétales et qui concernent près de 34% des Français, selon une étude Kantar. Ces produits, les consommateurs sont d'accords pour les payer plus cher, en échange de la qualité bien sûr, et d'une information claire. Face à beaucoup de marketing et de com, le consommateur adhère et se laisse convaincre. La mécanique de transition alimentaire est parfaitement huilée. Les industriels et les innovateurs l’ont prise en main : 
Premier point, le secteur industriel cherche à répliquer ce qui existe dans l'alimentation traditionnelle. Dans les yaourts, on remplace le lait de vache par du lait de soja, de riz ou d'amande chez June (la marque végétale du breton Sill Entreprises), des algues s'invitent dans les pâtes ou les céréales et on favorise les légumineuses en utilisant des pois chiches en substitut de la viande ou on utilise des haricots blancs à la place des œufs. "L'offre ne va aller qu'en grandissant, à la fois en grande distribution où l'on travaille sur les plats cuisinés, mais aussi dans la restauration où nous proposons déjà un burger végétal" explique Frederick Bourget, directeur marketing de Sill Entreprises. Il y a donc tout un marché alternatif qui s'offre aux industriels, celui de dupliquer les recettes traditionnelles aux aliments d'origine animale en recettes végétales. C’est un formidable relais de croissance pour les industriels.
Deuxième point : le végétal laisse la place à des acteurs de toute taille, des grands groupes aux startups en passant par les PME familiales qui veulent tous imposer leur marque. Avec plus de 4200 références de produits à base de protéines végétales présentes dans les rayons aujourd'hui, il y a d’ailleurs comme une révolution dans l'air : "Le dogme des méga-marques perd de l'importance, on voit une émergence de beaucoup de petites marques pointues, portées par une Food tech très active en France" observe Nicolas Tréteaux, organisateur du SIAL. Que ce soient les startups (les boissons Feed, Algama), les marques de distributeurs, les acteurs historiques du bio (Bjorg, Sojasun, Grandeur Nature), le secteur est donc encore très émietté mais il se consolide à vitesse grand V. Danone en est une parfaite illustration. Leader mondial des produits frais (dont les produits laitiers traditionnels), Danone a compris qu’il lui fallait répondre à cette nouvelle demande. D’où l’acquisition du leader mondial de la protéine végétale aux Etats-Unis avec Whitewave (Alpro en Europe). Et aujourd’hui, un plan de développement international très ambitieux, faisant devenir le groupe français numéro un du yaourt végétal en Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie pourraient rapidement suivre. Coût global de l’investissement Danone :12,5 milliards de dollars. C’est sans doute la plus grosse opération dans le secteur de l’agroalimentaire depuis 20 ans et elle a lieu dans le végétal.   
Troisième et dernier levier pour la filière, « le made in France » ou « made by France » a la cote. Les industriels "recherchent des produits français" indique Laurent Rosso, président de Terres Univia, organisme interprofessionnel des huiles et protéines végétales. "En terme d'alimentation humaine, nous ne sommes pas loin d'être indépendants (...) mais nous n'avons pas encore tous les volumes nécessaires". En cause notamment, la forte variabilité des rendements, leur faible résistance aux conditions climatiques et leur besoin de rotation de terrains plus fréquent. Les agriculteurs français pourraient donc bénéficier aussi à plein de ce boom végétal. Si tant est qu'ils y soient prêts. Leurs marges restent faibles et les investissements nécessaires aux producteurs pour évoluer ou innover dans leurs cultures représentent le principal obstacle. 

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