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 USMCA : la victoire de Trump par KO sur le Mexique et le Canada qui devrait alerter les Européens sur ce qu’il les attend en matière de négociations commerciales
©ZACH GIBSON / AFP

Atlantico Business

Donald Trump a-t-il eu raison de forcer le bras à ses alliés commerciaux par coup de manque de diplomatie ? Le nouvel USMCA, accord commercial nord-américain remplaçant l’ALENA, est en tout cas la preuve du réalisme économique du président américain.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Même les Américains les plus réticents, des New-yorkais aux geeks de la Silicon Valley qui n’ont guère apprécié son arrivée à la Maison Blanche, commencent à croire que la méthode Trump peut marcher.

Acte 1, il promet pour attirer les foules, en sachant que ce qu‘il promet n’est pas rationnel.

Acte 2, il détruit tout ce que ses prédécesseurs ont fait parce que, par principe pour ses électeurs, tout ce qui a été fait avant est toxique. 

Acte 3, il reconstruit le système d’échange, qui reprend l’essentiel du modèle précédent, mais avec un packaging différent – l’USMCA est ainsi « le plus important accord commercial que l’on n’ait jamais fait » selon les mots du président. Les modalités qu’il a obtenues apportent des avantages à l’Amérique certes, mais sans déséquilibrer l‘économie globale. 

C’est ce qu’il a montré une fois encore avec la signature de l’accord d’échange au sein de l’Amérique du nord avec le Mexique et le Canada. Le nouvel USMCA, accord commercial nord-américain et qui remplace l’ALENA, est en tout cas la preuve pour beaucoup, du réalisme économique du président américain. 

Ce que Donald Trump a détruit pendant sa campagne, Donald Trump le reconstruit. Alors on a du mal à trouver les raisons rationnelles qui l’ont poussé à détester et à faire comme promesse de campagne de supprimer l’accord commercial nord-américain alors qu’il aurait pu simplement le renégocier. Mais une fois l’ALENA enterré, un nouvel accord, d’abord avec le Mexique, puis depuis lundi dernier avec le Canada, s’est rapidement ajouté à la liste des accords internationaux.  L’accord USMCA – pour United States/Mexique/Canada - devra encore être présenté au Congrès début 2019. Mais les choses s’annoncent plutôt bien puisque même les démocrates devraient même le voter

Quant aux médias américains, ils ont relayé la négociation de cet accord en soulignant l’habileté des techniciens qui ont conçu le texte et celle du locataire de la Maison Blanche à en faire sa propre promotion.

Le texte de base est pratiquement un copier-coller du défunt ALENA, sauf que Trump y a ajouté des clauses supplémentaires, qui sont très favorables aux Etats-Unis. Du moins, en théorie, favorables aux emplois et aux exportations. Et ces clauses s’adressent directement à l’électorat populaire.

1er point : la volonté de « restaurer l’industrie manufacturière américaine ». 

Particulièrement dans l’automobile où 75% de la production d’un véhicule devra provenir de la zone nord-américaine, ce qui désincite fortement les fournisseurs d’importer des matériaux chinois. Cette disposition existait auparavant, mais était fixée à 62,5%. Le Mexique est aussi touché par cette mesure, qui prévoit un relèvement du salaire minimum prévu pour les salariés du secteur. 

L’ALENA était pour Donald Trump un accord fautif d’avoir causé le transfert des usines du Midwest vers le Mexique où la main d’œuvre est moins chère. Trump impose aujourd’hui une hausse de salaire au Mexique. Les disparités de salaires dans le secteur, les écarts de coûts de main d’œuvre entre les trois pays USA, Mexique et Canada vont devenir moins importantes. Sur ce point, Trump impose par la force de la négociation une marche vers l‘harmonisation des conditions de production, évolution que les Européens, en 50 ans de marché unique n'ont pas réussi à faire. Mais la grosse inconnue selon les économistes, est de savoir si les constructeurs répercuteront leur hausse de coût sur les consommateurs.

2ème point : Trump arrache plus d’exportations pour les agriculteurs américains.

C’est clairement son cheval de bataille dans ses négociations commerciales, il veut absolument promouvoir les produits américains à l’export. La négociation avec le Canada s’est donc portée sur l’agriculture. Les propriétaires terriens ont massivement voté pour Trump. Les agriculteurs américains auront donc un meilleur accès au marché canadien, qui était jusqu’alors réglementé. Le Canada s’est engagé à acheter davantage de produits agricoles américains. C’était à prendre ou à laisser ? Trudeau a pris par peur de tout perdre par ailleurs. 

3ème point : un droit de veto américain sur un éventuel accord avec la Chine

En fait, la disposition prise empêche l’un des pays membres (le Mexique ou le Canada) de conclure, sans l’accord des autres, un deal avec un pays n’ayant pas le statut d’économie de marché. C’est évidemment la Chine qui est visée, dans le but de l’empêcher d’obtenir des facilités commerciales avec le Mexique ou le Canada pour entrer sur le territoire nord-américain. 

4ème point : un chapitre sur l’environnement assez faible

S’il a le mérite d’exister, il ne fait état là que de la pollution marine, la surpêche et les espèces menacées, sans qu’il soit à aucun moment question de changement climatique ou de transition écologique, malgré la volonté affichée de Justin Trudeau d’évoluer dans cette direction.

Parce qu’il installe une visibilité pendant au moins six ans, cet accord a de quoi rassurer les entreprises, faisant presque oublier les péripéties protectionnistes prises avant l’accord par Donald Trump, notamment sur l’acier et l’aluminium. « Sans les tarifs douaniers, il n’y aurait même pas de deal – je dis ça pour tous les naïfs ici et là qui parlent des surtaxes ». Donald Trump utilise la politique du bâton, c’est connu. Il punit, menace, pour obtenir ce qu’il veut mais reste empreint de réalisme économique. En revanche, c’est quand même une sacrée leçon à prendre pour l’Europe qui doit continuer de négocier avec lui dans les mois à venir. Le problème, c’est que, vu de Bruxelles, l‘Amérique ne fonctionne pas exactement comme on la voit à New York.

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