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Attention bombe politique : pourquoi les pistes de Bercy pour réduire les aides sociales sont essentielles face au défi de la réduction des dépenses publiques aussi explosives soient-elles
©LOIC VENANCE / AFP

Prestations sociales

Selon des informations publiées​ par Le Monde, une note interne émanant de la direction du budget envisagerait la refonte de plusieurs prestations sociales.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : ​Selon des informations publiées​ par Le Monde, une note interne émanant de la direction du budget envisagerait la refonte de plusieurs prestations sociales (Allocation adultes handicapés (AAH), Allocation personnalisée pour l’autonomie (APA), Aides personnelles au logement (APL), Bourses sur critères sociaux (BCS ), Revenu de solidarité active (RSA), Allocation de solidarité spécifique (pour les chômeurs en fin de droits), minimum-vieillesse, prime d’activité et prestations familiales. Comment analyser la rationalité économique des propositions faites par Bercy ? 

Philippe Crevel : La France est le pays d’Europe où les prestations sociales sont les plus importantes. Elles ont permis certes de maintenir constantes les inégalités quand chez nos partenaires ces dernières augmentaient. Si socialement, elles jouent un rôle indéniable d’amortisseurs, elles font l’objet depuis de nombreuses années de critiques tant de l’administration fiscale que de la part de la Cour des Comptes. Elles sont jugées évidemment coûteuses et surtout peu efficaces. Les Aides personnelles au logement sont très largement distribuées au profit notamment d’étudiants issus de familles aisées. Elles sont jugées responsables de l’augmentation des loyers et ne contribuent donc pas à la résolution de la crise du logement. Les bourses aux étudiants seraient également dans le viseur de Bercy car insuffisamment ciblées. Elles ne sont pas en outre conditionnées à un minimum de présence universitaire et encore moins à un minimum de résultats. Cette question du suivi en  matière de versement des prestations se pose également pour le RSA. Les administrations publiques ne font pas dans le sur mesure. Elles sont des distributeurs qui ont tendance à être un peu trop automatiques. Il n’y a pas assez de contrôle et de retour sur investissement. Il faudrait plus de personnalisation dans l’octroi de ces aides qui ne devraient prendre la forme non pas de revenus de substitution mais de coups de pouce ponctuel.

Le minimum vieillesse qu’Emmanuel Macron a décidé de porter à 900 euros ou l’Allocation pour Perte d’Autonomie sont également dans le collimateur de Bercy qui aimerait pour le premier le geler. L’idée de ne plus revaloriser en fonction de l’inflation peut être évidemment extrêmement pénalisant pour les personnes qui dépendent exclusivement de l’aide sociale et qui n’ont pas beaucoup d’autres solutions (retraités, handicapés). L’APA est amenée à augmenter fortement dans les prochaines années avec le vieillissement de la population. Il y a aujourd’hui des problèmes d’accès aux EHPAD. S’il faut revoir l’APA, il faudrait également avoir une réforme d’ensemble de la dépendance. En effet, il est tentant de mettre en parallèle le patrimoine des retraités et le financement de la dépendance mais au moment où celle-ci survient, il n’est pas toujours évident pour les familles de vendre le logement de leurs parents. La solution passe par des moyens assurantiels, avec une couverture obligatoire qu’elle soit publique ou privée.

Faut-il voir de telles propositions comme un moyen efficace de réduire la dépense publique ? Quel en serait l'impact d'un point de vue macroéconomique ? 

Philippe Crevel : Derrière chaque niche fiscale, il y a un chien, derrière chaque prestation sociale, il y a une meute de chiens. En France, la réduction d’une prestation, d’une aide est un combat homérique. La baisse de 5 euros de l’APL n’est toujours pas digérée. Avec des dépenses sociales qui dépassent le tiers du PIB, la France est une exception. La conséquence est un coût du travail élevé ce qui conduit à un chômage important notamment chez les jeunes. Par ailleurs, ces prestations sociales se transforment en dette publique, ce qui constitue un transfert sur les générations futures. La réduction des prestations est sans nul doute avec la diminution des effectifs de la fonction publique le moyen de rééquilibrage structurel des finances publiques.

Pour éviter un à-coup conjoncturel, les sommes dégagées pourraient dans un premier temps être affectées à l’investissement : réalisation de chambres universitaires, d’EHPAD, de maisons de soins, etc. La remise en cause des prestations devrait être progressive et ne concerner par exemple que les nouveaux entrants dans les dispositifs.

Quelles sont les propositions faites qui mériteraient le plus d'attention de la part du gouvernement ? Quelles sont celles qui pourraient être les plus efficaces du point de vue du gouvernement et celles qui pourraient être rejetées ? 

Philippe Crevel : Le premier problème à régler est celui du suivi. Pour le RSA, pour les prestations logements, pour l’APA, c’est la capacité à appréhender les besoins qui est en jeu. Les administrations devraient grâce à l’informatique se dégager des tâches routinières pour s’occuper de l’humain. Les aides au logement doivent être revues compte tenu de leur inefficacité. Le principe de subsidiarité devrait être la règle pour les prestations sociales et en particulier pour les bourses étudiantes. Les établissements d’enseignement supérieur devraient avoir des critères sociaux à respecter mais devraient pouvoir fixer des conditions pour l’obtention des bourses : assiduité, résultats, travail au sein de l’établissement…. Au niveau de l’APA, il faut une réforme globale avec l’organisation du risque dépendance sans pour autant créer une nouvelle banche administrative de Sécurité sociale. Le minimum vieillesse qui concerne moins de 600 000 personnes, je pense que ce n’est pas une priorité. Il est difficile de s’en prendre à des personnes âgée qui gagnent moins de 900 euros par an.

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