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Loi asile et immigration : et au fait, si on se compare avec les autres pays “développés”, la France est-elle un État sévère ou laxiste ?
©Michel Spingler / POOL / AFP

Politique

La loi "Asile et immigration" est vivement critiquée par une partie de la presse et du monde politique. On lui reproche de suivre une stratégie politicienne afin de trouver une adhésion à droite tout en ménageant les opinions de gauche.

Jacques Barou

Jacques Barou

Jacques Barou est docteur en anthropologie et chargé de recherche au CNRS. Il enseigne les politiques d’immigration et d’intégration en Europe à l'université de Grenoble. Son dernier ouvrage s'intitule La Planète des migrants : Circulations migratoires et constitution de diasporas à l’aube du XXIe siècle (éditions PUG).

 

 

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La loi "Asile et immigration" est vivement critiquée par une partie de la presse et du monde politique. On lui reproche de suivre une stratégie politicienne afin de trouver une adhésion à droite tout en ménageant les opinions de gauche. Selon vous, fait-elle de la France un pays laxiste ou plutôt sévère ?

Jacques Barou : Au delà des critiques que l'on peut faire à cette loi, il ne semble pas qu'elle soit dictée par des considérations politicienne visant à rassurer l'opinion publique à des fins électoralistes. Comme beaucoup d'initiatives prises par l'actuel gouvernement dans d'autres domaines, elle est surtout inspirée par une volonté de restaurer l'ordre républicain mis à mal par une certaine confusion liée à l'émotion qu'ont provoquée le spectacle des gens fuyant la guerre ou se noyant dans la méditerranée. Tout état s'efforce de rester maître de ses frontières et de définir les règles d'entrée pour les étrangers. Si les entrées irrégulières se banalisent trop, on peut craindre que le suivi des procédures légales n'ait plus de raison d'être. On peut aussi souhaiter que le droit d'asile conserve son sens et que l'on ne confonde pas les migrations provoquées par les violences politiques et les migrations traditionnelles fuyant la pauvreté (que l'on peut d'ailleurs accueillir sous un autre statut). Cette loi vise à donner à l'état les moyens de faire un choix justifié sur le statut à accorder ou le rejet à réaliser par le très contesté allongement de la durée de rétention. Il est possible que ce soit illusoire mais c'est sans doute l'intention de cette loi. Celle-ci ne fait pas de la France un pays pire que les autres en la matière. C'est moins dans l'accueil que dans le suivi des personnes accueillies et dans l'appui à l'insertion que d'autres pays font mieux que la France. 

Si on compare cette réforme avec les lois en vigueur dans d'autres démocraties, en Europe et aux Etats-Unis, comment situer la France ?

Certaines démocraties, comme le Japon n'accordent que très difficilement l'asile politique. D'autres, comme la Suède, sont très généreuses à ce niveau et l'essentiel des migrants qui y sont acceptés depuis une vingtaine d'années provenait de pays touchés par les violences. Malgré des discours stigmatisant les immigrés clandestins, d'autres démocraties comme les Etats Unis s'accommodent assez bien de la présence d'une population sans protection et contrainte de tout accepter pour gagner sa vie. 

En matière de lois sur l’immigration, les démocraties occidentales sont-elles forcément prises au piège de l’opinion ?

Les démocraties occidentales ne sont pas nécessairement prises au piège de l'opinion. Ce que les citoyens rejettent ce sont moins les migrations en elles-mêmes que le désordre dans lequel elles se mettent en place. Les phénomènes comme les jungles de Calais ou les occupations sauvages des espaces urbains donnent une image de désordre qui inquiète. Les gens ont l'impression que rien n'est sous contrôle d'où le développement de fantasmes d'invasion. Quand il y a une politique qui donne l'impression de bien maîtriser les flux et d' assurer  la cohésion sociale, les nationaux ne rejettent pas les migrations et ne les vivent pas avec hantise; Un récent sondage réalisé au Canada a révélé que 56% des citoyens du pays étaient favorables à l'immigration. Le Canada est un des pays où les entrées sont les plus nombreuses mais elles sont bien régulées et dès le départ les autorités engagent une politique visant à faciliter l'insertion économique et sociale des migrants accueillis. Le cas de ce pays, très vaste et éloigné des zones de conflit et de pauvreté n'est bien bien sûr pas comparable avec les pays européens très vite débordés par des arrivées facilitées par la relative proximité des zones où violence, emballement démographique et pauvreté poussent au départ un grand nombre de gens. Mais le cas du Canada montre que l'opinion publique peut avoir une vision positive de l'immigration pour peu qu'elle donne l'impression d'être maîtrisée.

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