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L’Europe face aux effets de l’America First : American Airlines annule une énorme commande d’Airbus au profit de Boeing
©Reuters

Coup dur

Alors que l’ère Trump se développe aux sons d’"America First" et de menaces de protectionnisme, le transfert de commandes d’Airbus à Boeing de la compagnie américaine n’est pas des plus rassurant !

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Une mauvaise nouvelle au mauvais moment !

Alors que l’ère Trump se développe aux sons d’"America First" et de menaces de protectionnisme, le transfert de commandes d’Airbus à Boeing de la compagnie américaine n’est pas rassurant !

Les raisons invoquées ne sont pas absurdes, il s’agissait de commandes d’US Airways, absorbé par American Airlines, et il est nécessaire de rationaliser la flotte autour du 787 de Boeing, appelé « Dreamliner », mais avouons-le, cela tombe bien mal !

Les compagnies, en forte concurrence sur tous les trajets, avec des compagnies « low cost » qui leur taillent des croupières, essaient de réduire leurs couts. L’argument de vente du 787 a été ces dernières années sa plus faible consommation de combustible (moins 14%, ce n’est pas rien) , et Airbus a contre attaqué avec son A 350 mais surtout son A 330 neo , c’est-à-dire avec un nouveau moteur équivalent du moteur du Dreamliner, un Rolls Royce économe en énergie. On peut dire que les deux avionneurs sont au coude à coude comme le montrent les commandes obtenues par l’une et l’autre compagnie. Le fameux Airbus 380, le plus gros porteur, y a laissé des plumes puisque sa consommation au siège passager est restée élevée. Le seul argument qui tienne est donc que American Airlines possède déjà des 787, quarante- deux, et va en acquérir quarante-sept nouveaux , ce qui facilitera sa maintenance…Mais on sait, par ailleurs que toutes les compagnies, Air France y compris, maintiennent un équilibre entre les deux constructeurs, et qu’American Airlines, avec ses anciens avions, disposait de 354 Airbus et 264 Boeing, l’argument devient alors plus contestable .

Pour Airbus il ne s’agit  pas de se fâcher avec un client essentiel, mais la pilule doit être dure à avaler, les avions faisaient partie du plan de charge et devaient être livrés à partir de 2020.

Cette aventure aéronautique devrait nous ramener aux réalités de la compétition internationale, en principe nos amis américains considèrent qu’ils protègent un business mondial avec des règles libérales strictes…et puis plus on s’avance et plus il apparait que le slogan « America First » n’est pas du tout creux. Il y a eu d’abord l’offensive du Ministère de la Justice des USA (Le DOJ), la lutte contre la corruption et les corrupteurs…nous y avons laissé beaucoup d’argent et beaucoup de sociétés, la plus emblématique, Alstom, découpée au profit de General, Electric. Les FCPA, les poursuites du DOJ courent toujours et sont des menaces permanentes avec des contrôleurs américains à temps plein dans plusieurs de nos fleurons industriels et bancaires. Et puis il y a la politique incessante des sanctions à l’égard de l’Iran et  la Russie , où il n’est pas absurde, non plus, de voir l’influence des producteurs de gaz américains qui visent aussi le Qatar pour faire bon poids . Nous savons tous que les sanctions n’ont aucune influence politique réelle, c’est désormais bien démontré, cela a pour fonction de satisfaire les opinions publiques, mais le choix des sanctions, lui, est toujours orienté vers la satisfaction de l’économie américaine…et de ses producteurs de gaz, en l’occurrence.

Dans ce contexte il ne faut pas dramatiser la nouvelle d’American Airlines, mais il ne faut pas non plus l’ignorer et arrêter de croire à l’innocence « technique » des décisions américaines. Nous serions naïfs de croire que « America First » n’est qu’un slogan, c’est une réalité à laquelle il faut que nous sachions répondre « Europa First » , aussi bien à l’égard des américains que des chinois et des japonais. Notre manque de vigilance congénital dont nous avons eu l’illustration avec l’affaire Alstom où certains ont le culot de dire que la décision la meilleure a été prise est consternant.  Mais ce déni de réalité est contagieux car je lis par exemple également  qu’il ne faut pas « surestimer les Gafa » et que nous sommes très bons ! J’aime bien, moi aussi, participer à cette exaltation des ressources de l’intelligence de notre pays, mais nous devons le faire avec la lucidité de ceux qui participent à une guerre économique dont nous n’avons pas pris le mesure jusqu’à présent .

Si Air France avait annulé une commande de Boeing, croyez-vous que les américains n’auraient pas réagi ? Lorsque l’Armée américaine a sélectionné les Airbus militaires, vous souvenez-vous de la levée de boucliers américaine  …libérale…et de la conclusion… »America First « !

Arrêtons  de nous raconter des histoires, c’est une mauvaise nouvelle que nous avons eu aujourd’hui avec American Airlines, et il faut que l’Europe soit, elle aussi en position de donner des mauvaises nouvelles à l’Amérique, autrement pourquoi maintenir l’idée européenne ? Une fiction n’est pas nécessaire, en tous les cas pas pour l’industrie.     

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