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SNCF : Emmanuel Macron et son gouvernement vont enfin expliquer à l’opinion à quoi sert la réforme
©LUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico Business

Tout va se jouer maintenant sur le front de l’opinion. Les syndicats ne pourraient pas tenir des positions purement idéologiques et corporatistes si l’opinion comprenait le sens de la réforme.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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De deux choses l’une : ou bien le gouvernement ne sait pas communiquer les vraies raisons de la réforme qu’il prépare pour la Sncf ou il n’en est pas convaincu lui-même.

Dans les deux cas, il laisse le champ libre à la CGT et à Sud Rail qui sont capables de bloquer le système en justifiant leur colère par des raisons purement corporatistes (ce qui est légitime, après tout), mais en les habillant d’arguments purement idéologiques et politiques.

Pour l’opinion publique, les arguments purement politiques ou corporatistes devraient être irrecevables dès qu’on prend en compte les objectifs véritables de la réforme.

Si la direction de la SNCF n’est pas crédible dans ses explications dans la mesure où elle a dû changer trop souvent de discours stratégique, le gouvernement ne peut pas se contenter d’affirmer que l’abandon du statut par exemple aura pour conséquences d’améliorer le service à la clientèle tout en coûtant moins cher au contribuable. Il ne peut pas résumer son équation en affirmant que le changement de statut permettra de tout régler, l’équilibre d’exploitation, la performance technique, les obligations de services publics et la sécurité du transport. C’est une explication ridicule. Et évidemment contre-performante.

L’opinion publique a besoin d’éclairage sur trois points de la réforme qui sont aujourd’hui terriblement anxiogènes.

1 L’ouverture à la concurrence est considérée par les syndicats de cheminots et par l’ensemble des partis de gauche comme une évolution ruineuse pour la qualité du transport ferroviaire et comme l’antichambre de la privatisation qui reviendra à brader des fleurons du patrimoine à des affreux spéculateurs capitalistes.

Cette interprétation ne correspond évidemment pas à la réalité. La mise en concurrence des activités de production ou de création de richesse oblige en permanence les agents économiques à être meilleurs pour satisfaire leurs clients. Cette amélioration porte sur la qualité du produit et du service ainsi que sur le prix. Il n’y a pas d’exemple dans l’histoire récente où la mise en concurrence a provoqué une augmentation de prix pour le consommateur. L’ouverture à la concurrence des grands monopoles d’Etat a toujours engendré des baisses de prix et un enrichissement de l’offre : le transport aérien, les télécommunications, la poste, l’énergie ont  profité au plus grand nombre. L’EDF n ‘est pas morte à l’ouverture de la concurrence. La Poste a rebondi en réinventant un métier d’origine mis à mal par la concurrence du digitale. Aucun consommateur, aucun électricien, pas même les postiers et les facteurs ne souhaiterait revenir en arrière.

Tout comme l’EDF, Air France, les fournisseurs mobile ou internet, la SNCF est déjà en situation de concurrence. Elle est en concurrence avec la route, l’auto partage, les bus, les avions, les VTT, les taxis... C’est si vrai que la SNCF a créé ou annexé des moyens de mobilité dans des filiales pour offrir un service complet de mobilité à ses clients.

Les trains SNCF sont directement en concurrence avec des TGV suisses, belges, italiens, anglais ou allemands sur ses propres lignes.

Enfin, la SNCF doit gérer la pire des concurrences qui est celle de Google pour les réservations. Les applications qui prennent en charge les réservations, ce sont elles qui ont la relation client et qui détournent une partie de la marge à leur profit. L’hôtellerie française s’est déjà faite cannibalisée par Booking et Airbnb avant de se réveiller et d’essayer de se défendre.

Sans le dire, la SNCF a pris le virage du digital. Elle se bat pour conserver la maitrise de la relation client, non sans succès. Mais pour ce faire, elle a besoin de flexibilité, de souplesse, de réactivité.

2. La question de la dette est le résultat d’une lâcheté politique des gouvernements antérieurs. Cette lâcheté doit être purgée au plus vite. Depuis une vingtaine d’années, les gouvernements ont incité la SNCF à se moderniser et à investir dans le TGV notamment, mais sans lui donner la liberté des prix et sans prendre en charge les investissements. La SNCF est le seul mode de transport à payer l'investissement en infrastructures. Résultat, la SNCF s’est endettée, avec d’ailleurs la garantie de l’Etat.

La logique imposera à l’Etat qu’il assume cette situation et reprenne à son compte, tout ou partie de cette dette, ce qui est parfaitement possible et ce qui se fera. Dans ses conditions, l’exploitation s’en trouverait allégée d’autant. Et les syndicats auront l’impression d’avoir remporté une victoire.

3. Sur la question des statuts, est difficilement négociable. Le gouvernement doit dire à l’opinion la vérité. Transformer la SNCF en une société comme les autres lui donnerait plus de liberté pour négocier ses captivités de marché en France comme à l’étranger, parce qu’on ne sait pas et ce qu’on ne dit pas, la SNCF vend sa technologie et son savoir-faire avec beaucoup de succès dans les pays étrangers. Le changement de statut rend responsable son management et lui enlève le poids de la tutelle. Enfin, le changement de statut ne l‘empêche pas d’accepter des obligations de services publics que lui imposerait son actionnaire, l’Etat. France télécom, EDF, Air France, Aéroports de Paris ont encore aujourd’hui des obligations de services publics qui ne les empêchent pas de respirer.

D’autre part, la question du statut des cheminots est un faux problème. D’abord, parce que son abandon ne concerne pas les personnels actuels. Seules les nouvelles embauches se feraient en dehors du statut. Actuellement, près de 20% des personnels de la SNCF sont déjà hors statut, dont la totalité de l’encadrement. Ce qu’on sait encore moins, c’est que près du tiers des jeunes embauchés dans le groupe demandent à être intégrés dans le cadre d’un CDI normal. Ils préfèrent le potentiel d’une carrière et une rémunération, 30 à 40 % supérieure aux différentes garanties offertes par le statut cheminot (garantie de l’emploi et retraite à moins de 60 ans).

Sur ces trois points, il faut urgemment ouvrir les dossiers et dire la vérité qui n’est absolument pas honteuse.

Il faut aussi expliquer qu‘avec une telle réforme, le poids des syndicats dans la maison va s’alléger parce qu’il y aura moins de représentation, ne serait-ce que pour gérer au quotidien le fameux statut. La DRH du groupe est aujourd’hui une véritable usine à gaz, extrêmement chronophage pour le personnel d’encadrement (qui est hors statut) et les représentants syndicaux, permanents ou détachés.

Si le poids des syndicats s’allège, leur rôle va devoir changer. La question des salaires par exemple peut très bien dans l’avenir se régler dans le cadre de la branche transport.

Par conséquent, si les représentants syndicaux moins nombreux doivent se trouver un rôle différent, la question du financement syndical va se poser.

Les grandes centrales syndicales sont évidemment préoccupées par cette situation qui présente un risque quant à leur survie.

Le gouvernement n’a pas forcément intérêt à laisser une situation qui reviendrait à provoquer un assèchement de la vie syndicale. L’appauvrissent du monde syndical nourrit le radicalisme. Mieux vaut des syndicats responsables et capables d’assumer les logiques de compromis, plutôt que des organisations obligées d’adopter des logiques de conflit pour survivre.

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