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Pour le milliardaire américain George Soros, derrière l'accalmie,
la zone euro court à sa perte
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Le début de la fin ?

Le milliardaire créateur des hedge funds s'est exprimé lors d'une conférence de l'Institut pour une nouvelle pensée économique à Berlin. Des failles initiales du traité de Maastricht à l'effondrement probable de la zone euro, son analyse de la situation européenne n'est pas optimiste.

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Contrairement à ce que pense Soros, le problème de la zone euro n'est pas sa compétitivité, mais son manque d'épargne

Tout comme Joseph Stiglitz, George Soros s'est exprimé lors d'une conférence de l'Institut pour une nouvelle pensée économique à Berlin. Son analyse de la situation européenne n'est pas plus optimiste que celle de son confrère. Des failles initiales du traité de Maastricht à l'effondrement probable de la zone euro, en passant par l'absence d'union politique, l'homme d'affaires a analysé les raisons de l'échec européen :

"Le traité de Maastricht était fondamentalement vicié, ce qui démontre la faillibilité des autorités. Sa principale faiblesse était bien connue de ses architectes : il établissait une union monétaire sans union politique. Néanmoins, ses architectes croyaient que lorsque le besoin s'en ferait sentir, une volonté politique pourrait émerger pour prendre les mesures nécessaires en vue d'une union politique.

Mais l'euro avait également d’autres défauts dont les architectes n’avaient pas conscience, et qui, aujourd’hui encore, ne sont pas pleinement compris. Avant tout, il n’a pas tenu compte de la faillibilité des architectes : il n’y a ni mécanisme de renforcement, ni mécanisme de sortie, et les pays membres ne peuvent recourir à la planche à billets. Cette situation a mis les membres les plus faibles dans la position de pays du tiers monde, victimes de surendettement dans une monnaie forte.

Le traité de Maastricht a également supposé que seul le secteur public pouvait produire des déséquilibres inacceptables. Le marché, lui, était censé corriger ses propres excès. Et le traité de Maastricht était censé avoir mis en place des garanties suffisantes contre les déséquilibres du secteur public. Ainsi, lorsque la Banque centrale européenne a commencé ses activités, elle a traité les obligations d'État comme des actifs sans risque que les banques pourraient détenir sans réserves de capitaux supplémentaires.

Cela a encouragé les banques commerciales à accumuler les obligations des pays faibles afin de gagner quelques points de base.

Les taux d’intérêt ont alors convergé, ce qui, contrairement aux attentes, a entrainé des divergences de performances économiques. L'Allemagne, aux prises avec le fardeau de la réunification, a entrepris des réformes structurelles et est devenue plus compétitive. D'autres pays ont connu une flambée de l'immobilier qui a fait baisser leur compétitivité. D'autres encore durent renflouer leurs banques après le crash de 2008. Cela a créé des conditions très éloignées de celles prescrites par le Traité de Maastricht, avec des conséquences totalement inattendues. Les obligations d'État qui avaient été considérées comme sans risques se sont avérées comporter des risques de crédit considérables.

Malheureusement, les autorités européennes ont mal compris ce qui leur arrivait. Elles s’étaient préparées à faire face à des problèmes budgétaires, mais seule la Grèce a subi une crise budgétaire, le reste de l'Europe a souffert d'une crise bancaire et la divergence en matière de compétitivité a également donné lieu à une crise de balance des paiements. Les autorités n'ont même pas compris la nature du problème, et encore moins imaginé une solution. Alors, elles ont essayé de gagner du temps.

Habituellement, cela fonctionne. La panique financière se calme, et les autorités réalisent un profit sur leur intervention. Mais pas cette fois, parce que les problèmes financiers ont été renforcés par un processus de désintégration politique et sociale.

Lors de la création de l'Union européenne, les dirigeants s’activaient pour poursuivre l'intégration, mais après le déclenchement de la crise financière, les autorités ont été contraintes de préserver le statu quo. Tous ceux qui considèrent que le statu quo est intolérable, ou qu’il n’est pas viable, ont alors été contraints à une posture anti-européenne. Voilà la dynamique politique qui fait de la désintégration de l'Union européenne un cercle vicieux qui se renforce lui-même, tout comme sa création était un cercle vertueux qui s’auto-renforçait.

Au début de la crise, une rupture de l'euro était inconcevable : les actifs et les passifs libellés dans une monnaie commune étaient si entremêlés que la rupture aurait conduit à un effondrement incontrôlable. Mais alors que la crise progressait, le système financier a été progressivement recentré sur des bases nationales.

Cette tendance s'est accélérée ces derniers mois. La LTRO (Opération de refinancement à long terme, ndlr) a permis aux banques espagnoles et italiennes de se livrer à un arbitrage peu risqué et très rentable dans les limites de leur propre territoire. Et le traitement préférentiel reçu par la BCE sur ses obligations grecques va décourager d'autres investisseurs de détenir de la dette souveraine.

Si cela continuait pendant quelques années, une rupture de l'euro deviendrait possible sans un effondrement - l'omelette pourrait être débrouillée - mais cette rupture laisserait les banques centrales des pays créanciers détentrices de nombreuses créances qui seront difficiles à collecter  auprès des banques centrales des pays débiteurs.

La Bundesbank a pris conscience du danger. Elle est maintenant engagée dans une campagne contre l'expansion indéfinie des réserves monétaires et a commencé à prendre des mesures pour limiter les pertes qu'elle subirait en cas de rupture. Cela créé une prophétie auto-réalisatrice. Si la Bundesbank commence à se prémunir contre une rupture, tout le monde va devoir faire la même chose. Les marchés commencent à refléter cette réalité.

La Bundesbank resserre également le crédit à domicile. Ce serait la bonne politique si l'Allemagne était un pays autonome, mais les pays membres lourdement endettés ont vivement besoin d’un raffermissement de la demande de l'Allemagne pour éviter les récessions. Sans elle, le « pacte fiscal » de la zone euro, convenu en décembre dernier, ne peut pas fonctionner.

Soit les pays endettés ne parviendront pas à mettre en œuvre les mesures nécessaires, soit, s'ils y parviennent, ils ne réussiront pas à atteindre leurs objectifs en raison de l'effondrement de la demande. De toute façon, les ratios d'endettement vont augmenter et l'écart de compétitivité avec l'Allemagne se creusera.

Que l’euro perdure ou non, l'Europe est confrontée à une longue période de stagnation économique, voire pire. D'autres pays ont connu des expériences similaires. Les pays d'Amérique latine ont subi une décennie perdue après 1982, et le Japon stagne depuis un quart de siècle, tous ont survécu. Mais l'Union européenne n'est pas unpays, et il est peu probable qu’elle survive. Le piège de la dette déflationniste menace de détruire une union encore politiquement inachevée."

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