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Contrairement à ce que pense Soros, le problème de la zone euro n'est pas sa compétitivité, mais son manque d'épargne
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Le début de la fin ?

L'économiste George Soros s'est récemment interrogé sur la zone euro et affiche un certain pessimisme quant à sa survie. Il considère notamment que les mesures d’austérité ne font qu’aggraver la situation des pays et s'apparentent à un "suicide".

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Septembre 1992 : des accords précis, signés à Nylborg au Danemark en 1986, obligent la Bundesbank à racheter des livres pour contrer la spéculation qui s’abat sur le système monétaire européen (le SME), l’ancêtre det la zone euro. Pourtant, celle-ci abandonne la devise britannique et précipite son expulsion du SME. Et au passage fait la fortune de Georges Soros. Depuis, il fait figure de gourou de l’économie alors qu’il fut surtout un habile interprète des dissensions politiques européennes. Sur le papier, si les Allemands avaient fait leur travail, la livre n’aurait pas quitté le SME, Soros serait ruiné et Londres serait devenue la place essentielle de gestion de l’euro.

Soros repasse donc les plats et son avis devient un événement. Néanmoins, il faut en avoir une lecture plus politique qu’économique. Sur le plan économique, il argumente sur la différence de compétitivité des différents pays de la zone, argument récurrent et poncif des critiques de la zone qui ne correspondent pas aux problèmes de fond. En effet, les pays du sud sont accusés d’avoir accumulé des déficits de balance des paiements courants qui seraient dus à leur manque de compétitivité. C’est cela qui fragiliserait la zone. Mais un déficit courant, même s’il est difficile de faire passer ce message, n’est pas un problème de compétitivité mais un problème d’épargne : un pays en déficit extérieur n’épargne pas assez.

Pour corriger cette situation, la bonne réponse est une baisse de la consommation qui passe par une hausse des impôts, notamment de la TVA, ou un accroissement de la production qui permette de répondre à la pression consommatrice. Ceux qui croient résoudre les problèmes de déficit public en zone euro par des considérations sur les exportations et la compétitivité doivent se souvenir de la remarque de Timothy Geithner au dernier G20. Il y a rappelé que la dette publique mondiale représente 85% du PIB mondial et que si, pour la réduire il faut que la Terre exporte davantage, nous allons être déçus eu égard aux débouchés potentiels sur la lune …

L’enjeu européen, comme américain ou japonais, est un problème de clair de déficit structurel des finances publiques, c'est-à-dire de déficit allant au-delà des nécessités dues à l’évolution cyclique de l’économie. Ce type d’affirmation se heurte néanmoins au fait que les politiques d’austérité nécessaires sont accusées de pénaliser la croissance et de se retourner contre leur objectif. Ce qu’affirme Soros mais ce qu’infirme l’expérience. En effet, le Canada ou la Suède sont là pour montrer qu’une politique fondée sur une baisse des dépenses publiques et accompagnée d’une politique de réformes en profondeur fondée sur la concurrence préserve la croissance en assainissant la situation.

Soros a-t-il tout faux ? Non ! Ce qui est juste dans son propos, c’est la dimension politique. Les pays du sud en déficit manquent d’épargne, l’Allemagne excédentaire a de l’épargne à placer. Le problème est qu’elle préfère la placer en Pologne plutôt qu’en Grèce. L’Allemagne vieillissante a des tensions sur sa population active ; la Grèce en récession voit sa jeunesse s’exiler. Le problème est que la jeunesse grecque s’exile en Australie et pas en Allemagne.

Soros qui avait vu que les Allemands ne feraient rien pour les Anglais malgré les discours sur la solidarité européenne, voit bien que ce qui menace l’euro, plus que les problèmes économiques, c’est l’absence de sentiment d’appartenance commune des pays membres. La question n’est pas technique mais politique et morale ; et Soros la pose : pourquoi les Allemands ne sentent-ils pas solidaires des Grecs ?

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