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Éric Zemmour a un problème avec les Juifs polonais
©BERTRAND GUAY / AFP

Auschwitz en polonais se dit Oswiecim

Pendant longtemps, la Pologne a été nulle part. Elle veut être quelque part. Mais où ?

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Le parlement polonais, dominé par une droite obscurantiste, vient de voter une loi interdisant l'usage de l'expression "camps de la mort polonais". Au prétexte que ce vocable représenterait une offense pour la Pologne, les camps en questions ayant été – nul ne l'ignore – nazis. La loi prévoit jusqu'à trois ans d'emprisonnement pour ce délit. C'est beaucoup. Mais manifestement l'honneur de la Pologne est hors de prix…

Pendant plus de 70 ans, on a utilisé les mots "camps de la mort polonais" sans que personne sur la planète, y compris en Pologne, n'y trouve à redire. Tout le monde comprenait qu'il s'agissait d'une localisation géographique et de rien d'autre. L'expression est d'ailleurs complètement tombée en désuétude. On se contente de dire Auschwitz (Oswiecim en polonais), Treblinka, Maïdanek. Mais il tenait à cœur au pouvoir polonais de flatter les plus obscures des fibres nationalistes, la Pologne étant fréquemment montrée du doigt pour ses relents antisémites. D'abominables pogroms pendant et après la guerre, sans parler de ceux d'avant-guerre.

Mais tout ça est sans doute trop compliqué pour Éric Zemmour. Dans une tribune publiée par le Figaro, le pamphlétaire félicite chaudement le gouvernement polonais d'avoir brisé le carcan de "l'autoflagellation". Zemmour est un souverainiste français. Et aussi un souverainiste polonais d'occasion et de circonstances. Il n'a manifestement pas lu la loi qu'il applaudit. Moi si. Elle ne s'arrête pas à l'expression "camp de la mort polonais". Le diable se niche souvent dans les détails. Et ces détails sont formulés de façon suffisamment ambiguë pour que soit poursuivi quiconque, historien et surtout journaliste, qui se hasarderait par exemple à insister sur les pogroms polonais, bien polonais eux.

Zemmour ne nie pas que des exactions aient été commises par des Polonais pendant la guerre. Et il a cette phrase qui donne à réfléchir. Ils [les pogromistes polonais] ont profité de "l'aubaine" (l'occupation nazie) "pour se venger des Juifs qu'ils haïssaient" !! Un lapsus ? On sait depuis Freud ce qu'il faut penser des lapsus.

Et de quoi avaient-ils à se venger, les Polonais ? Quel mal leur avait fait les Juifs ? Peut-être qu'un cabaretier juif leur avait vendu de la vodka frelatée titrant 30° au lieu des 40° requis… Peut-être qu'un tailleur juif leur avait confectionné une veste avec une manche plus courte que l'autre… Peut-être qu'un fourreur de la même origine leur avait vendu un manteau en peau de lapin au prix d'un vison… Quand on vient d'Algérie comme Zemmour, les Juifs polonais, c'est décidément trop compliqué.

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