Convergence
L’islam de France tel que le conçoit Jean-Pierre Chevenement est-il vraiment compatible avec la vision qu’en a Emmanuel Macron ?
Dans ses récents voeux aux religions, Emmanuel Macron avait prôné pour le maintien de la séparation des ordres, religieux et politiques, l'un n'empiétant pas sur l'autre. Ce mardi, le chef de l'Etat rencontre Jean-Pierre Chevènement qui oeuvre pour la mise en place d'un "Islam de France". Deux perspectives qui se rejoignent sur bien des points.
Alexandre del Valle
Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France Soir, Il Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme.
Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur.
Il est notamment l'auteur des livres Comprendre le chaos syrien (avec Randa Kassis, L'Artilleur, 2016), Pourquoi on tue des chrétiens dans le monde aujourd'hui ? : La nouvelle christianophobie (éditions Maxima), Le dilemme turc : Ou les vrais enjeux de la candidature d'Ankara (éditions des Syrtes) et Le complexe occidental, petit traité de déculpabilisation (éditions du Toucan), Les vrais ennemis de l'Occident : du rejet de la Russie à l'islamisation de nos sociétés ouvertes (Editions du Toucan), La statégie de l'intimidation (Editions de l'Artilleur) ou bien encore Le Projet: La stratégie de conquête et d'infiltration des frères musulmans en France et dans le monde (Editions de L'Artilleur).
Atlantico : Macron, lors de ses vœux annuels aux autorités religieuses avait déclaré : "En quelque sorte, je ne demanderai jamais à quelques citoyens français que ce soit, d’être modérément dans sa religion ou de croire modérément ou comme il faudrait en son Dieu, ça n'a que peu de sens, mais je demanderai à chacun constamment d’absolument respecter toutes les règles de la République". Cette position, qui distingue les deux ordres (religieux et politique) comme autonomes mais respectueux l'un de l'autre, est-elle compatible avec l'ambition d'un "Islam de France" portée par Jean-Pierre Chevènement ? Sont-ils sur la même longueur d'onde quand le Président affirme, dans le même discours, que "l’Etat [a] une position de surplomb et d’arbitre qui lui permet de ne pas sans cesse rejouer sa légitimité politique à l’aune des débats spirituels" ?
Alexandre Del Valle : C'est une question très intéressante parce que finalement le problème n'est pas une question de foi. L'islam politique ne pose pas un problème de foi. Il est des fois plus étranges, par exemple celles de certaines sectes, comme celles des Mormons, des protestants adventistes ou des Témoins de Jéhovah, ou même la scientologie. Ils ne posent cependant aucun problème à la République. Ils ne font rien de grave, ni de violent. Et c'est pareil pour l'Islam : ce n'est pas un problème de foi : c'est quand l'Islam veut devenir un mouvement politique en s'appuyant sur la Charia – ce qui d'un point de vue religieux ne le rend pas plus croyant que les soufis – qu'il se pose un problème.
En conséquence, pour revenir à ce que dit Emmanuel Macron, il n'y a pas de problème avec les croyants, si comme les soufis, cette croyance est mystique et verticale, cela ne pose pas de problème. Il existe ainsi des intégristes musulmans non-violents qui prônent la foi pure. Cela ne pose pas de problème. Evidemment, chez les musulmans c'est plus difficile, parce que quand on est un intégriste musulman, on a en général en même temps des revendications politiques. Mais on pourrait très bien concevoir en France une séparation nette entre les prétentions politiques et la foi. Comme Macron l'explique, le problème vient de la société d'accueil. Si la société d'accueil n'arrive pas à transmettre ses valeurs, si elle n'arrive pas à imposer que les lois républicaines ne s'appliquent à tous sans restrictions ou accommodements raisonnables, et bien effectivement, les religieux islamistes tenteront de saper les valeurs de la République pour faire avancer leurs propres exigences politiques, religieuses et communautaires.
En revanche, si la République dit qu'il n'y a aucune exception à la règle républicaine, si le message est extrêmement clair, il n'y aura pas de problème. Si on met de côté les terroristes, les islamistes ne progressent que lorsqu'il y a des brèches. Le discours de Macron me semble assez en cohérence avec le point de vue de Jean-Pierre Chevènement, et assez sain. On ne peut demander à quelqu'un d'être modérément croyant, on peut juste lui dire qu'il n'y a aucune possibilité d'aller contre les règles de la société en place.
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