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Petit bilan des vrais résultats de l’économie française en 2017
©Reuters

2017, l’odyssée de la fin du monde d’avant

Atlantico a demandé à ses contributeurs leur vision de l’année où la France a vécu de nombreuses surprises et rebondissements et est entrée dans l’ère Macron. Jean-Yves Archer fait le bilan des lignes de force de l'année économique.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Evoquer les lignes de force de l'année économique 2017, c'est d'abord exulter de joie à la lecture des chiffres de la croissance économique. Loin de l'inconséquent " ça va mieux " de François Hollande, on peut en effet se réjouir de voir que l'année 2017 aura d'abord été marquée par le retour confirmé de la croissance qui va se situer entre 1,9 et 2,0% ce qui libère bien des contraintes.

Tout d'abord sur le front des finances publiques qui vont bénéficier de meilleures rentrées fiscales, pour au moins 6 à 8 milliards.

Puis, sur le front fondamental de l'emploi où nous allons passer de 9,8% à 9,4% de taux de chômage.

D'aucuns s'agitent avec des mots tels que reflux important du sous-emploi et cagnotte pour le solde budgétaire. Il faut demeurer lucides et instruits par le passé. La décrue du chômage est lente ( toutes catégories confondues ) et les meilleures rentrées fiscales ne privent toutefois pas la France de devoir subir un déficit de près de 82 milliards dans le PLF 2018.

Sur le chômage, la réforme profonde du droit du travail apportera probablement une fraction de flexibilité dont notre pays avait besoin.

Toutefois, il est hasardeux d'analyser cette variable par la seule catégorie A de Pôle emploi et de négliger une notion aussi essentielle que le "halo" du chômage défini par l'Insee (https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1415) comme "l'ensemble des personnes qui ne sont pas disponibles rapidement pour travailler (deux semaines) ou qui ne recherchent pas activement un emploi." Certains recoupements d'antennes de Pôle emploi et une étude INSEE (https://www.insee.fr/fr/statistiques/2122738?sommaire=2122750) estiment que le "halo" du chômage frôlerait les 1.200.000 personnes en ce moment ce qui nuance, hélas, certains discours au parfum triomphaliste à commencer par celui des partisans de François Hollande qui s'attribuent excessivement des victoires dont leur héros ne saurait être le père.

Par ailleurs, il est judicieux de noter que la croissance qui revient n'est pas si riche que cela en emplois – nous suivons laborieusement la loi d'Okun (https://www.andlil.com/la-loi-dokun-6078.html) - et c'est un fait durable même si l'embellie conjoncturelle semble devoir se poursuivre en 2018 hors perspective toujours possible de sévère correction boursière du fait des survalorisations actuellement relevées tant aux Etats-Unis qu'en zone Euro ou encore d'éclatement de bulles spéculatives type bitcoin.

2017 a été une année électorale qui a engendré une impulsion politique significative. Mais si les têtes ont changé, les contraintes demeurent : chômage, pression migratoire, etc. Une sorte de "chamboule-tout" pour reprendre les termes du président Fabius a bien eu lieu. Formation et plan additionnel de 15 milliards, refonte de l'apprentissage (déjà évoquée à maintes reprises depuis René Monory en 1978 ), modifications de la rémunération du capital (PFU) et corrélativement de sa taxation (ISF) sont autant de mesures en cours de déploiement pour relancer l'attractivité de notre pays.

L'objectif absolu étant de parvenir à flécher des flux d'épargne vers des investissements porteurs au sein de l'économie réelle. Sans se référer à la pseudo-théorie des années Reagan du ruissellement, le pari est d'importance et les "premiers de cordée" chers au président Macron vont devoir composer avec ce que les économistes nomment l'aversion au risque.

Ce "big-bang" de la finance française porté par les efforts de la députée Amélie de Montchalin relève pour parti d'un pari et on peut regretter que l'ISF n'ait pas été maintenu avec une importante possibilité de déductibilité en cas d'investissements vers des entités listées, par exemple, par BPI France.

A l'heure du capital sans frontière, "la veuve de Carpentras" chère à Gérard de La Martinière fait ce qu'elle veut de ses avoirs et rien ne dit qu'elle n'ira pas placer ses flux de liquidités à Francfort ou à New-York plutôt que dans une PME bretonne ou vosgienne.

La France enregistrera peut-être, ici et là, de vrais succès mais je crains que tout ceci ne finisse par ressembler à un puzzle peu harmonieux par opposition à une vectorisation de l'épargne que l'année 2017 aura rendue légalement possible mais pas si automatique que certains macroniens ne l'estiment.

Si un déclic proche du choc de confiance a pu être enregistré, l'année 2017 reste plombée par un boulet, à savoir le commerce extérieur. L'objectivité condamne à être lucide sur nos défaillances : le déficit escompté pour 2017 est de près de 65 milliards d'euros et révèle de manière éclatante notre lourde propension à importer.

La Coface relève cinq points de faiblesse qui méritent un diagnostic partagé : "le nombre insuffisant d'entreprises exportatrices, l'affaiblissement du niveau de gamme, des efforts d'innovation insuffisants et deux autres points : l'endettement public élevé, le faible taux d'emploi des jeunes et des travailleurs âgés".

S'agissant de ce dernier point, il est utile d'avoir en-tête la durée de la présence au chômage : plus d'un an pour les jeunes de 25 ans et plus de deux ans en moyenne pour les seniors de plus de 50 ans. La France de 2017 est décidément terriblement sélective.

Traitant de sélection, nous avions été plusieurs à regretter que le rapport Gallois de 2012 ne se focalise que trop sur la compétitivité-prix et soit quasiment elliptique quant à la question non moins vitale de la compétitivité hors-prix que ne cessent de mettre en avant des personnalités telles que Jean-Louis Beffa, Henri Lachmann, ou Jean-François Dehecq.

L'année 2017 a vu le processus de désindustrialisation se poursuivre.

Notre nation souffre d'un positionnement en gamme, de la qualité incertaine de différentes fabrications ( taux de rebuts ), des délais de livraison, des conditions opérationnelles de maintenance, etc.

Ces variables interactives affectent notre performance globale et, pour l'heure, on a du mal à déceler l'identité du département ministériel qui porte cette question par-delà la récente nomination de Delphine Gény-Stephann ( ancienne du Trésor et de Saint-Gobain ). Un homme avisé de l'international comme prétend l'être le président Macron n'a pas – à ce stade – doté la France d'un Miti à la japonaise ce que l'on peut regretter.

Si l'épargne productive rencontre les besoins en fonds propres ou en dette obligataire des entreprises de notre pays, 2017 aura alors été l'année de l'inversion de la courbe de rentabilité de plus d'un projet tangible.

En pure logique, cela signifierait alors que 2018 pourrait être l'année de la relance de l'investissement notamment dans l'économie digitale. Une récente étude de BPI France démontre l'insuffisante volonté d'investir dans la robotisation puis dans l'intelligence artificielle : là aussi, 2017 n'aura pas ouvert de lumineuses perspectives.

A l'inverse, un résultat s'impose à tous : le chiffre d'affaire de l'industrie en 2017 demeure inférieur à ce qu'il était en 2007. On voit là ce que les recherches académiques nomment à raison : " the French gap ".

Poursuivant cette approche de l'année 2017, il est opportun – en homme de chiffre et en humaniste – de souligner l'essor des défaillances au travail. Le " burn-out " et ses pathologies dérivées affectent des milliers d'hommes et de femmes et il est loisible de constater que beaucoup d'entreprises accolent à leur médecine du travail des cellules de veille psycho-sanitaire. 2017 a donc été corrosive sur ce point.

Des études qualitatives attestent que moins d'un Français sur trois a " envie " d'aller travailler. Comment imaginer passer entre 7 à 8 heures par jour à reculons ? Sans parler des durées de transport sans cesse croissantes.

2017 a donc été une année de continuité sur ce thème du mal-vivre au travail et ce n'est ni efficace ni satisfaisant.

L'exemple confirmé des GAFA ( Google, Apple, Facebook, Amazon ) démontre que productivité et relative liberté d'ordonnancement des tâches sont compatibles. Dans les lieux de production où l'immatériel prime, il faut des collaborateurs enthousiastes donc créatifs. 2017 a amorcé cette mutation dans plusieurs secteurs.

Toutefois, contrairement à une idée répandue, la France est l'un des rares pays où la proportion de travailleurs indépendants progresse au détriment du salariat qui regroupe 92% des actifs.

A l'inverse des Etats-Unis, de l'Allemagne, etc. Là encore, ceux qui avaient diagnostiqué l'ubérisation massive du rapport au travail doivent revisiter tout ou partie de leurs conclusions. Pour cela 2017 aura été l'année de la révolte de chauffeurs exploités ou de livreurs ( Deliveroo ) soumis à des conditions léonines.

Pour conclure, j'ai eu l'occasion d'écrire sur la dernière décennie que je croyais aux conglomérats et que, selon mon entendement, General Electric, Mitsubishi, Nestlé étaient des groupes porteurs de sens et de succès.

A l'heure où la CGE ( Compagnie générale d'électricité ) de feu Ambroise Roux est disloquée : Alcatel, Alstom, STX, je regarde, en analyste financier, le bilan flatteur de Siemens et je m'interroge sur les certitudes de certains dans la dernière période. (cession de la branche énergie d'Alstom à GE). Puisse 2018 nous prémunir de tels contresens industriels et stratégiques…

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