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"La lutte contre le terrorisme islamiste est la priorité de la politique étrangère française" : ce qu’il manque pour que la promesse d’Emmanuel Macron soit une réalité dans les faits
©Reuters

​Des paroles et des actes

Mardi, le chef de l'Etat a utilisé et assumé le terme de "terrorisme islamiste", une dénonciation longtemps écartée des discours officiels.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Atlantico : Dans son discours tenu à l'occasion de la Semaine des ambassadeurs, Emmanuel Macron a déclaré "La lutte contre le terrorisme islamiste est la priorité de la politique étrangère française". La dénomination de "terrorisme islamiste" avait longtemps été écartée des discours officiel avant que François Hollande ne l'emploie à plusieurs reprises en 2016, en déclarant notamment "C'est toute la France qui est sous la menace du terrorisme islamiste" au lendemain des attentats de Nice. Comment comprendre cette évolution ? 

Alexandre Del Valle : Ce n'est pas très étonnant, parce qu'il y a quelque chose de tellement évident aujourd'hui : c'est la montée d'un radicalisme islamiste, qu'on a voulu édulcorer au sein des Nations Unies et dans les pays anglo-saxons. Il y a eu une véritable réussite des pays islamiques qui sont parvenus à bannir l'expression même de terrorisme islamiste dans la bouche même des dirigeants anglo-saxons qui n'utilisent jamais cette expression. C'est très mal vu. D'ailleurs, c'est même interdit au Canada. Depuis Georges Bush, aux Etats-Unis, aucun président américain n'utilise cette formule. On parle de "global terror", etc. C'est que la France fait ainsi un peu figure d'exception. Il y a une certaine capacité à résister à cette idée selon laquelle les religions ne seraient pas critiquables. Ça ne m'étonne qu'il y ait cette évolution qui n'est pas celle qu'on observe dans d'autres pays occidentaux qui, au contraire, sont de plus en plus islamiquement corrects. Mais la France a beau être très politiquement correcte, elle a une tradition anticléricale. Et donc même si la gauche a voulu exonérer l'Islam et ne pas parler de la dimension islamique, c'est très difficile dans un pays où la gauche – et la République tout court - est très anticléricale. C'est aussi le pays de Voltaire et des Lumières. On a donc observé au sein même de la gauche tout un mouvement très hostile non pas l'immigration, mais à toute forme de radicalisme religion. Et aujourd'hui, celui-ci reconnaît que le pire des extrémismes est islamique. Il y a quand même une capacité de critiquer l'islamisme en France. C'est une spécificité de notre pays, et notamment de la division de la gauche. Une partie ne veut absolument pas critiquer l'Islam radical – voire en est l'allié - Une autre partie de la gauche qui ne pouvait pas cesser de dénoncer le caractère islamique de ce terrorisme, et y compris même les racines dans l'Islam de cet islamisme. Charlie Hebdo a été frappé car ils incriminaient le Coran, la vie de Mahomet et la Charia. C'est un débat qui a lieu essentiellement en France. IL n'y a pas beaucoup de pays qui vont aussi loin dans la défense de caricaturistes. Le fait qu'il y ait eu des attentats terroristes, électoralement, ça peut être tentant pour un homme politique de dire les choses clairement pour donner l'impression de prendre les choses en main. Surtout quand on est bas dans les sondages comme l'était Hollande, et maintenant Macron. On essaie de remontant en jouant les questions régaliennes, c'est classique.   

Le discours d'Emmanuel Macron indique ainsi clairement que cette lutte contre le terrorisme islamiste est "LA" priorité de la politique étrangère française. Au regard de ce qui a été entrepris au cours de ces derniers mois, peut on considérer que le gouvernement a réellement fait de cette lutte sa priorité ? 

Qu'il ait dit que ce soit sa priorité, il n'y a pas de doute. Que ça le soit vraiment, je n'en suis pas encore certain. Mais on y sera obligé. Dans un contexte d'attentats terroristes de plus en plus fréquents en Europe – et en France spécialement – un homme politique ne peut plus éluder le sujet. Que ce soit une préoccupation réelle oui. Mais est-ce que ce sera possible? ça sera une autre question. Je ne dis pas que Macron n'est pas sincère. Je pense même qu'il a pris conscience de la menace, et qu'il peut même s'avérer un jour très ferme. Mais est-ce que les appareils sécuritaires et judiciaires sont capables de mener cette bataille? Non. Pour que ce soit une vraie priorité, il faut qu'il y ait une refonte du système judiciaire. Le problème aujourd'hui est que la loi n'est pas appliquée. L'Imam responsable des attentats de Barcelone devait être expulsé depuis plus de 10 ans. Il avait été incarcéré. Son cerveau a été également incarcéré. Il était mis sur écoute depuis des années. Et pourtant, il a réussi à rester en liberté. C'est un peu pareil en France, où de très nombreux radicaux sont connus des services de police depuis longtemps. Les services de police font bien leur boulot, mais la justice ne suit pas. Il faut savoir qu'un expulsable sur 10 est vraiment expulsé. Quelqu'un qui arrive illégalement en Europe et qui commet des faits criminels n'est pas reconduit à la frontière. La loi, aujourd'hui, ne peut plus être appliquée. Deuxièmement, on ne construit plus de prison, et qu'on on ne sépare pas les terroristes des autres prisonniers. C'est un énorme problème car on n'a pas assez de cellule, et les prisons se transforment en vrai foyer de radicalisation. Tout cela, aujourd'hui, n'est pas réglé.  Enfin, les services de renseignement, que Macron voudrait fédérer à l'Elysée, sont toujours très divisés.

Quelles sont les actions à entreprendre pour en faire une réalité dans les faits ? 

Pour en faire une réalité dans les faits, il ne convient pas seulement de désigner les méchants djihadistes islamistes, mais de comprendre qu'on ne peut pas totalement séparé le terrorisme en action du terrorisme "virtuel". Par exemple, un Imam pakistanais va vous dire, quand il est un imam correct, "je suis contre les attentats terroristes". Mais si dans le même temps, il prêche et diffuse des manuels qui vantent la Charia et l'infériorité des femmes, la haine du juif et la légitimité de la guerre sainte contre les mécréants, c'est du terrorisme potentiel, "virtuel". On ne peut pas lutter contre la menace islamiste si on ne lutte pas contre la racine du mal qui pousse des gens à haïr leur prochain. C'est le début du terrorisme. On ne peut pas dire qu'on enseigne la haine du mécréant, mais dire qu'il ne faut pas l'appliquer. Un être humain à qui enseigne la haine, il a un jour envie de l'appliquer. Il y a aujourd'hui une volonté, pour une politique d'apaisement dans les quartiers, de ne pas condamner les imams tant que ces derniers n'appellent pas ouvertement au meurtre. On tolère un enseignement du mépris qui est dans des manuels ou des conférences. On fait une distinction entre l'islamiste violent, et l'islamiste non-violent. Cette différenciation, elle-même, prépare le terrain pour de nouvelles radicalisations. On a également voulu nier le lien entre immigration, et islamisme. Certes, c'est vrai qu'il y a des terroristes qui ne sont pas des immigrés car ils sont nés en Europe. Mais il y a aussi des gens issus de l'immigration qui auraient pu être expulsés. On les connaît. On aurait pu les identifier, mais rien n'a été fait. Depuis le temps qu'on sait qu'il y a un lien entre délinquance, et communauté islamiste, on devrait avoir beaucoup plus de phénomènes de détection.

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