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Pourquoi l’Islam est un défi pour la République qui dépasse de loin le “simple” problème du djihadisme
©CHRIS YOUNG / AFP

Théologie

La récente déclaration d'Emmanuel Macron lors de la rupture du jeûne du Ramadan au CFCM et à rebours la déclaration de Tariq Ramadan sur l'excision semble encourager une lecture des tensions autour de l'Islam qui ne se résume pas à la radicalisation et au terrorisme.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Atlantico : Emmanuel Macron au CFCM, lors de la rupture du jeûne du Ramadan, a demandé aux personnalités de l'Islam de France présentes de l'aider à combattre les lieux de prêche qui appelaient à la violence et à la haine. Quels sont les fondements théologiques de l’Islam qui posent problème ou soulèvent des questions aujourd'hui dans nos sociétés ?

Alexandre Del Valle : Le problème dans l'Islam de France aujourd'hui est qu'une grande partie des mosquées, à l'exception de celles dépendant de la Mosquée de Paris, est liée soit aux Saoudiens, soit aux salafistes non saoudiens, soit aux Frères Musulmans, soit au mouvement indo-pakistanais Tabligh, soit encore certains lieux tenus par les Marocains, sans oublier les Turcs qui vont contrôler le CFCM très bientôt (le président sera un proche d’Erdogan, Ahmet Ogras, marié avec la cousine d’Erdogan d’ailleurs). Ces réseaux islamiques qui représentent soi-disant les « musulmans de France »  ne sont en général ni Français ni modérés. Ces mosquées et centres islamiques d'Europe sont presque tous liés à des Etats peu démocratique ou pas démocratiques puis/ou à des associations mondiales islamistes radicales (Frères musulmans, Tabligh, Milli Görüs, etc) qui véhiculent un Islam intégriste ou dans le meilleur es cas ultra-conservateur, absolument pas réformiste », et qui interdit entre autres choses liberticides l’apostasie, l’égalité homes-femmes et la liberté de conscience. Même si les imams ne le disent pas dans leurs sermons afin de ne pas être frappés d’interdiction, cet islam rigoriste ultra-orthodoxe anti-réformiste dominant enseigne dans ses manuels et dans la Charià et le Fiqh ‘loi et droit islamiques) le principe légal de punition ma mort ou peine de prison des apostats, les châtiments corporels, et considère la femme inférieure allant parfois jusqu'à considérer comme acceptable l’excision, sans oublier la place centrale accordée au djihad guerrier dans les textes de références de ces courants de l’islam sunnite.

En France et en Europe, j’affirme que l’islam des Lumières selon l’expression du regretté Malek Chebel est non seulement ultra-minoritaire, mais ila été mis à l’index car nombre de lieux de cultes sont tenus par des organisations ou des pôles qui sont soit liés à des associations internationales ou des pays islamistes radicaux précités qui enseignent l'idée majeure de la "supériorité de l’Islam" et de « l'impureté-infériorité" des non—musulmans. Certes, les imams sont assez intelligents et informés de nos lois pour le pas appeler à la violence, mais c ‘est un fait que l’islam dominant est celui qui enseigne les visions totalisantes et même totalitaires contenues dans la Charià, qui n’est pas seulement la foi, mais qui est un code civil, constitutionnel et politique théocratique en désaccord total avec nos systèmes constitutionnels et juridiques sécularisés et/ou laïques. Ceci est un problème très profond qui ne concerne pas que quelques courants intégristes-violents appelés à tort « intégristes », mais qui n’est que la conséquence et l’arrivée chez nous des métastases totalitaires qui frappent l’ensemble des pays musulmans tous gagnés d’une manière ou d’une autre par une lame de fond islamisme-radicale. Dans ce contexte, les Etats musulmans même réputés « modérés » comme jadis la Turquie ou aujourd’hui encore le Maroc (Etat qui contrôle le CFCM jusqu'au premier juillet, via le Rassemblement des Musulmans de France, RMF), sont tous pris dans une spirale de course à la réislamisation sociétale et politico-religieuse. Pour tenter de couper l’herbe sous le pied des islamistes, chaque Etat musulman se croit donc contraint de produire un islamisme d’Etat ou d’octroyer des concessions aux islamistes, souvent les Frères musulmans. Par exemple, l'association marocaine RMF est directement dirigée par des personnes qui rendent des compte au ministère marocain du culte, lequel interdit explicitement tout prosélytisme chrétien et tout droit pour un musulman de ne pas observer le ramadan ou d’être non-croyan ou apostat. On a donc à la tête de notre "islam français" des gens qui prônent la liberté de religion chez nous mais qui sont liés à des organisations ou États qui nient tout liberté d'expression ou de religion chez eux, ceci au nom de l'Islam officiel que nous croyons « modéré » par simple contraste avec les tueurs jihadistes.... On voit donc bien qu'il y a un problème et qu'il est temps de faire un Islam réellement européen qui accepterait la liberté de culte, qui condamnerait l'idée d'apostasie criminalisée, etc. Dans la loi islamique, il y a de nombreux points qui sont totalement contraires à nos valeurs et c'est le grand tabou de notre temps que de le dire car cela reviendrait à questionner l’islam lui-même et pas l’islamisme qui pourtant en découle qu’on le veuille ou non...

"Il vous appartient de combattre sur le terrain théologique et religieux, captation de l’histoire de votre religion, la négation de quinze siècles de travail d’interprétation réalisés par vos savants" a aussi affirmé le Président. Quelle place peut vraiment avoir l'approche théologique de "déradicalisation" des esprits ?

Malheureusement, et même si M. Macron a raison de les interpeller en appelant à une transformation par l'intérieur de l'Islam, de sorte qu'il y ait des interprétations plus ouvertes qui se développent face aux autres, il faut dire clairement les choses, et ces choses ne sont pas bonnes en l’état actuel car l’islam d’Europe et d’Occident connaît une radicalisation significative. Dans nos mosquées françaises, on enseigne dans 80% des cas un Islam tout à fait rigoriste, opposé à l'Islam des Lumières que demandait Malek Chebel. Cet Islam rigoriste dont on retrouve des pans entiers dans des manuels et des livres à disposition dans ces mosquées, enseigne l'infériorité de la femme, l'infériorité du juif et du chrétien par rapport au musulman. Il enseigne que celui qui n'a pas de religion est un être impur à convertir ou à combattre. Et dans cet islam là, non réformé, le djihad guerrier, défensif comme offensif (pour étendre le règne de l’islam) est valorisé dans des pans entiers de la charià qui ne sont pas explicitement et solennellement reniés ou abolis par les autorités religieuses d’Europe ou des pays musulmans. Dans cet islam « classique » qui a pignon sur rue dans nos démocraties, on enseigne aisément la haine envers les juifs et la légitimité juridique du meurtre d'un apostat ou d'un blasphémateur. C'est le cas des Frères Musulmans, qui dans de nombreux textes, notamment ceux de Youssef al-Qaradâwî, considèrent indirectement qu'un attentat comme celui de Charlie Hebdo est tout à fait islamiquement correct dès lors que les FM dont Al-Qardaoui écrivent noir sur blanc que la Charia invité à tuer les apostats et ceux qui se moquent de Dieu ou du prophète en blasphémant.

Ainsi, la grande mode qui est de dire qu'il faut combattre Daech et les « méchants" djihadistes sans interpeller l’islam officiel qui serait par essence « modéré » pose un grand problème, car cela empêche de dire que ces djihadistes s'appuient sur des pans entiers de la Charia qui légitime sans ambiguïté les violences et humiliations envers les non-musulmans citées précédemment.

Tant que les organisations musulmanes et françaises ne dénoncent pas clairement tout ce qui dans la Charia concerne l'infériorité des femmes, des autres religions ou appelle à la violence et à la haine, leur dialogue avec les pays d'accueil sera biaisé, car cela consistera à ignorer le vrai problème, qui est un problème théologique de fond qui doit interpeller l’ensemble des textes politico-juridiques qui entourent la religion musulmane et sa fouet qui n’ont jamais été réformés et revissés ou même rendus théologiquement caducs depuis à peu près le X ème siècle...

Tariq Ramadan s'est fendu récemment d'une sortie expliquant que la circoncision était une tradition de l'Islam. Quelles sont les traditions qui, excédant le Coran, sont malgré tout théologiquement ancrée dans l'Islam au point d'être indiscutables pour de nombreux théologiens islamistes ? 

C'est une très bonne question : les Occidentaux étant pieds et poings liés par des contrats et réseaux avec le Qatar, l'Arabie Saoudite ou le Maroc et la Turquie d'Erdogan, ainsi que des organisations internationales, par exemple les Frères musulmans sont bloqués. Pour revenir à l’excision, ceci est un cas intéressant qui illustre parfaitement ce que nous avons dit plus haut, car si cette « obligation-tradition » n’est pas que islamique et si il est vrai qu'elle est aussi pratiquée dans l’Afrique noire-non-musulmane, et qu’elle ne découle pas du Coran, elle est ancrée hélas pour les femmes dans l’école juridique sunnite du hanbalisme qui est la source majeure d’inspiration du salafisme et qui demeure l’une des 4 écoles (madaïbs) juridiques du sunnisme, donc une école tout à fait officielle.

Tout le problème de fond réside donc dans le fait que les islamistes radicaux qui adhèrent à des visions chariatiques moyenâgeuses ont pignon sur rue dans nos sociétés, en autres raisons parce que ces organisations ou centres islamiques intégristes sont soutenus par nos alliés géopolitiques à l’extérieur et par nos élus avides de pax islamica à l’intérieur... Le second problème, dans une logique de guerre idéologique livrée par les Islamistes "modérés" (des ultra-conservateurs non-terroristes) et que les islamistes réussissent à faire par passer leur intégrisme et leur arriération néo-obscurantiste pour un "droit à la différence », une sorte de droit culturel du fils de colonisé, une « réparation » que le croisé-sioniste occidental devrait accorder pour se faire pardonner son racisme passé ou présent supposé… La force rhétorique et tactique des islamistes pourtant eux-mêmes très racistes, notamment envers les juifs, est donc d’avoir totalement instrumentalisé les thèmes de l'antiracisme assimilés habillement bien que fallacieusement à ladite « islamophobie". À chaque fois que vous affirmez qu'il y a un problème dans l'Islam, vous n'avez pas le droit de vous exprimer parce que vous êtes considéré immédiatement comme un « islamophobe », même si vous êtes vous-mêmes musulman!, et de surcroit par des islamistes christianophobes et judéophobes eux-mêmes aidés par des athées tiers-mondistes d’extrême-gauche qui détestent les curés mais adorent les imams intégristes!. Ces islamistes "institutionnels" ont eu l'intelligence d'empêcher toute critique logique ou rationnelle de la théologie musulmane au nom de la lutte contre « l’islamophobie », selon eux le « racisme du XXè siècle sont l’Occident est coupable... Quand M. Chevènement était ministre de l'Intérieur dans les années 1990, il avait voulu faire une « Charte de l'Islam de France", qu'il voulait faire signer à toutes les associations musulmanes. Le texte renonçait à la pénalisation de l'apostasie (thème important, puisque dans l'Islam officiel, elle est punie par la peine de mort), mais les associations musulmanes, y compris la Mosquée de Paris - qui à l'époque avait déjà peur des Frères Musulmans - avaient refusé de signer cette Charte en se présentant comme « victimes » d’une ingérence anti-musulmane des autorités dans leur culte. Tout ce qui était totalement contraire à nos valeurs y avait été ciblé, mais les associations musulmanes officiellement reconnues par les pouvoirs publics ont catégoriquement refusé cette charte. ET donc on en est toujours au même point 30 ans plus tard et des milliers de nouveaux fanatisés plus tard.. . J'étais resté sidéré par la réaction des associations musulmanes qui avaient dans le même coup accusé Chevènement d'islamophobie, et qui avaient manifesté comme des parfaites victimes pour dénoncer un islam des Lumières sous couverts de se sentir traités comme de "citoyens de seconde zone". L'intelligence de ces musulmans fondamentalistes est de se faire toujours passer des victimes et d’associer dans les consciences le combat de l’antiracisme (légitime et conforme à nos valeurs), à celui du communautarisme sécessionniste. Dans cette entreprise de subversion de nos valeurs, ils trouvent toujours chez nous des alliés parmi ceux qui ont une pensée politiquement correcte et "repentante" .

En conclusion, on ne peut donc aucunement traiter le problème idéologique que pose l'Islam (qui vient du monde musulman), des grandes universités islamiques mondiales et de leurs succursales de facto en Europe. En termes clairs, nous voulons lutter contre l'islamisme radical subversif avec des partenaires extérieurs ou intérieurs qui en fait ont de nombreuses idées en commun avec ces mêmes islamistes. Il nous faut ce que le grand intellectuel musulman Malek Chebel, qui nous a quitté il y a peu, appelait l' "Islam des Lumières" dans son livre quasi-testamentaire. D’autres en ont parlé aussi parlis les plus grands intellectuels et écrivains arabes : Boualem Sansal, Ghaleb et Souheib Bencheikh, Kamel Daoud, Abdelwahhab Medeb, etc. Ces intellectuels arabo-musulmans modernes disent simplement que l'Islam des Lumières a existé et peut de nouveau exister, mais qu’il a été vaincu et demeure persécuté et banni, d’où la nécessité de le faire revivre au moins là où cela est possible, c’est-dire dans nos démocraties, hélas traitresses envers leurs propres valeurs ouisqu’elles abandonnent leurs concitoyens musulmans aux pôles intégristes-obscurantistes et étrangers de l’islam sunnite mondial. Depuis des siècles, l'Islam intégriste domine l'interprétation de la Charia, et le cas de l'apostasie est un problème qui n’est pas posé que par les terroristes, les Saoudiens ou les salafistes en général, mais qui visent des millions d’âmes librent et les persécute dans tous les pays musulmans, Albanie exceptée, qui pénalisent TOUS la liberté religieuse et bien sûr l’apostasie. Tout le monde sait que nous sommes dupes et que la tolérance demandée entre d’une part ces pays ouvertement paganophobes, athéophobes, judéophobes et christianophobes, et, de l’autre nos sociétés ouvertes à tous, est à sens unique. C’est la fameux dilemme de Karl Popper sur l’intolérance détournée par les intolérants, idée que je développe en détails dans mon dernier ouvrage intitulé « Les vrais ennemis de l’Occident , du rejet de la Russie à l’islamisation des sociétés ouvertes »(Toucan-L’Artilleur).

L'interpellation de la charia n'est toujours pas faite, alors qu'elle est totalitaire et liberticide (je parle de la Charià telle qu'elle est enseignée au niveau officiel). Depuis le Xe siècle et la fermeture de l'Ijtihad, les « portes de l'interprétation », il est en effet impossible dans les pays musulmans sunnites d'affirmer que l'Islam officiel est modéré, car si le musulman est respectueux de l'Islam traditionnel, il adhère à un système qui est dans son essence, de facto et de jure, totalement attentatoire aux valeurs occidentales-libérales-démocratiques et sécularisée. Il faut donc d'urgence que cet Islam des Lumières qui est théoriquement possible soit appuyé. Il n'enlèverait rien à la foi musulmane en tant que foi non-politisée, d’où la différence entre iman (foi), et islam (religion). Et cela n’empêcherait aucunement la capacité qu'auraient les musulmans de prier et de vivre en « bons musulmans ». Comme l'a dit le Président égyptien Al-Sissi peu de temps d’ailleurs avant les attentats de Charlie Hebdo fin 2014. Il faut de toute urgence réformer de fond en comble la loi musulmane en général, parce que sinon il y aura toujours un conflit entre l'Islam et le monde musulman et les islamistes ne pourront pas être combattus comme des « mauvais musulmans » puisqu’ils s’appuient sur une Charià toute à fait légale et légitimée à Al-Azhar ou ailleurs.

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