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Razzy Hammadi : "À chaque fois que des affaires ont surgi, le gouvernement précédent a pris ses responsabilités, d'autres aujourd'hui ne les prennent pas et c'est décevant"
©AFP

Législatives

Razzy Hammadi, député sortant de Seine-Saint-Denis et porte-parole du Parti socialiste, est candidat à sa propre succession. En face de lui, Alexis Corbière, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon. Campagne législative, situation actuelle du Parti socialiste, "affaire Ferrand", Razzy Hammadi revient sur tous les sujets qui font l'actualité. Entretien.

Razzy Hammadi

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Razzy Hammadi, député sortant de Seine-Saint-Denis et porte-parole du Parti socialiste, est candidat à sa propre succession

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Atlantico : Au sortir d'un quinquennat que les Français considèrent largement comme raté, voter pour le PS, c'est voter pour quoi aujourd'hui ? Quelles valeurs et quel projet vous distinguent d'En Marche d'une part, de la France insoumise d'autre  part ?

C'est voter pour une gauche qui souhaite se reconstruire, se refonder et une gauche qui, dans l'hémicycle, sera constructive et exigeante. Une gauche qui veut regrouper les citoyens dans l'alternative si elle devait survenir (car elle est demandée) ou à cause de l'échec s'il survient, (même si je souhaite la réussite de mon pays), et qui ne soit pas incarné que par Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen.

Le PS est-il en train de mourir de n'avoir pas su penser le monde tel qu'il est désormais ? Un sondage IFOP montre aujourd'hui que pour les Français l'opposition sera avant tout incarnée par la France insoumise puis dans une moindre mesure par le Front National. Au-delà du destin des candidats concernés, en quoi l'élection de députés socialistes pourrait-elle changer le quinquennat qui s'annonce ?

Concernant En Marche !, vous vous doutez bien que le PS n'aurait jamais nommé au budget Gérald Darmanin par exemple. Nous ne pensons pas non plus dans notre projet fiscal qu'il faille financer la remise en cause de l'ISF par l'augmentation de la CSG. Je souhaite que l'on donne sa chance à ce gouvernement ce qui n'empêche pas d'être vigilant et exigeant. Aujourd'hui nous devons pouvoir dire "nous avons entendu ce qu'il s'est passé dans les urnes le 7 mai dernier". Nous avons besoin d'une gauche claire dans ses idées, dans ses valeurs. La gauche a donné le sentiment quelques fois de ne pas avoir de boussole, par exemple sur la déchéance de nationalité.

Je ne sais pas si nous n'avons pas su penser le monde, je crois que le bilan de François Hollande sera reconnu à sa juste valeur dans les mois ou les années qui viennent. Lorsqu'on regarde les éléments de chiffres économiques que nous avons en notre possession aujourd'hui, que ce soit la production industrielle, que pour la première fois depuis des années on ne ferme pas d'usines dans ce pays où que la courbe du chômage commence à baisser, il n'en demeure pas moins que nous n'avons pas été capables de créer une majorité politique qui retrouve une majorité sociale et sociologique. La première des explications c'est que nous n'avons pas su expliquer un certain nombre de choses et il y a eu de graves erreurs que j'ai pour ma part dénoncé. La politique de compétitivité, elle était nécessaire mais n'aurait pas dû être faite comme cela, je considère que la déchéance de nationalité était une erreur grave, que le casting gouvernemental ces cinq dernières années a pêché par une faille sociologique immense que l'on retrouve d'ailleurs dans le gouvernement d'Edouard Philippe.

Je pense que les Françaises et les Français sont attachés à l'idée de justice sociale. C'est une valeur au cœur de mon engagement qui m'emmène à considérer que l'on peut faire coïncider performances économiques et performances sociales. A partir de là les choses sont assez simples, je crois qu'il faut changer les têtes mais aussi changer ce qu'il y a dedans. J'ai innové en matière de lois. Vous l'avez vu avec les "actions de groupe" par exemple qui donnent du pouvoir aux gens. C'est une nouvelle façon de penser la politique. Ne pas dire aux dirigeants politiques "qu'est-ce que vous pouvez faire pour nous" mais plutôt "quel pouvoir pouvez-vous nous donner pour que nous soyons plus forts". Je pense incarner avec d'autres une gauche éthique, cohérente, sociale, une gauche qui n'ignore pas les réalités économiques. Le problème c'est que l'on s'est retrouvé dans une situation où nous avons exacerbé cette idée de gauches irréconciliables, Mélenchon et Valls étant les deux faces d'une même pièce de la division et qu'à partir de là, la mécanique était implacable. Je crois à une régénérescence de la gauche qui ne se fera pas autour d'un culte de la personnalité comme nous l'avons avec Mélenchon et qui ne soit pas non plus une gauche qui abdique. Cela donne un espace entre les deux qui est immense et qui ne demande qu'à être labouré mais je ne dissocie pas l'éthique du comportement de l'éthique de conviction. Au regard de ce qu'il s'est passé dans les dernières élections on doit être constructif et positif. Ce qui n'enlève rien sur le fait qu'à "En Marche !" il y a des attitudes qui sont issues de la pire des politiques politiciennes à ce jour. Dans ma circonscription, la candidate d'En Marche ! a changé 3 fois de bord politique ces 6 derniers mois.

Quelle est selon vous la responsabilité de François Hollande dans la situation actuelle des socialistes ? Et celle du PS en tant que tel ? 

Je pense que le Parti socialiste n'a jamais mis en perspective son rôle de parti de gouvernement. Ce qui ne veut pas dire parti de béni-oui-oui et encore moins "parti inexistant". Quant au président de la République, on peut lui reconnaître bien des acquis, des progrès pour notre pays au regard de l'Etat dans lequel nous l'avons trouvé. Son problème n'est pas tant de ne pas avoir pensé le monde que de ne pas avoir pensé l'action politique dans ce monde-là, que ce soit l'influence des réseaux sociaux ou la façon dont peut être interprété le comportement des acteurs politiques eux même.

Si le PS changeait de nom, que signifierait pour vous le renoncement au mot socialiste ?

A chaque défaite, les débats sont les mêmes. Ces débats qui sont identiques ne nous ont pas permis de relever le camp. Changer les têtes, changer le nom, ce sont des questions qui de mon point de vue ne méritent pas que l'on y réponde tant que nous n'avons pas répondu à la question essentielle du projet et de la conception que nous avons et de la transformation sociale et de l'action politique en 2017.

Richard Ferrand refuse de démissionner, En Marche et le gouvernement le soutiennent. L'épouse de Bruno Le Maire semble avoir occupé un emploi d'assistante parlementaire dont la réalité pose question. François Bayrou a été mis en cause par Corinne Lepage à propos de salariés du Modem qui auraient été payés sur crédits parlementaires européens, que pensez-vous du traitement judiciaire et politique de ces "affaires" ? Le sentiment de deux poids deux mesures ressenti par un certain nombre de Français vous paraît il justifié ?

Je pense que l'on peut avoir beaucoup de critiques sur le gouvernement précédent mais à chaque fois qu'il y a eu la moindre rumeur confirmée (de Cahuzac à Le Roux) les conséquences ont été immédiates. Je constate que pour certains, les conséquences immédiates n'interviennent pas. Cela m'inquiète et je m'interroge. Maintenant je ne suis pas juge, la question de la légalité ou pas, ce n'est pas à moi de la prononcer mais il y a des éléments qui méritent que l'on ait une réflexion plus poussée sur ces dossiers. Pour ma part, je pense que, du moment où il y a une seule zone d'ombre sur l'éthique ou le comportement et que c'est avéré, cela n'a rien à voir avec la légalité mais bien la moralité, au regard de la crise morale et démocratique que traverse le pays, l'hésitation ne doit pas l'emporter sur la décision salutaire.

Je transmet une note lundi soir au ministre de la justice pour que la notion de moralisation politique soit transposée au niveau local. J'ai dénoncé des situations localement, je suis confronté au quotidien aux conflits d'intérêt, à la corruption et ce serait bien que l'on s'attaque aux racines du problème, c’est-à-dire "oui à la moralisation, mais la moralisation à tous les niveaux".

Pour le moment le projet tel qu'il est présenté mérite d'être étoffé, renforcé et consolidé car de mon point de vue c'est un peu léger. Je n'ai pas pour rôle de commenter les slogans de l'opposition de droite mais je constate qu'il y a des attitudes diamétralement opposées. Nous, on a pris nos responsabilités, je constate que d'autres ne les prennent pas et c'est décevant.

Si le PS devait vraiment sortir très affaibli de ces législatives, qui de Jean-Luc Mélenchon, de la gauche ayant rejoint En Marche comme Manuel Valls ou d'Emmanuel Macron vous paraît le plus à même de porter et de mettre en œuvre les valeurs qui sont les vôtres ?

Aucun d'eux. Ce n'est pas la première fois que le PS se retrouve confronté à cette situation. Que le PS vive ou meure, qu'il soit affaibli ou ne récolte que très peu de siège, ce n'est pas la question.  Le sujet c'est qu'il y a un espace politique dans ce pays. Les gens ne veulent pas de l'extrême gauche, de l'opposition stérile réunie par un culture de la personnalité autour de Jean-Luc Mélenchon et ils ne veulent pas non plus d'une gauche qui pourrait se dissoudre dans un discours complaisant qui aurait pour conclusion "le clivage gauche-droite n'existe plus". Je pense que pour certains sujets, il n'existe plus, c'est d'ailleurs dans ces sujets que vous retrouvez des ministres de gauche (la Défense, la Justice…) pour les sujets dans lesquels il y a un sujet à clivage c'est la justice fiscale, sociale et la politique budgétaire. Si la politique fiscale n'est ni de gauche ni de droite, j'attends le premier qui va venir me l'expliquer sur un plateau de télévision car il va passer un sale quart d'heure.

Vous vous présentez face notamment à Alexis Corbières, l'un des dirigeants de la France insoumise. Alors que Montreuil a voté à plus de 40% pour la France insoumise au premier tour de l'élection présidentielle, que dites-vous aux électeurs de votre circonscription pour les convaincre de continuer la route avec vous ?

 Plusieurs choses. Moi je vis avec eux depuis cinq ans, Alexis Corbière non, il l'assume et n'a pas pris la décision de venir s'installer. Je suis parmi eux avec eux et pour eux et je porte une gauche qui elle ne confond pas où se trouve l'axe de distinction républicain quand il faut choisir entre Macron et Le Pen. Je fais parti d'une gauche qui considère que les ennemis ne sont pas à gauche. Que quand j'étais au parlement, toutes les lois que j'ai fait voter, je les ai fait voter avec l'unanimité de la gauche. J'ai toujours rassemblé la gauche. Aux municipales je me suis effacé pour laisser sa place à l'unité de la gauche. Tout mon parcours politique, j'ai œuvré à rassembler la gauche, comme lorsqu'il a fallu avoir la peau du CPE, contre la privatisation de la poste… Toute ma vie je me suis battu contre l'extrême-droite et face à moi j'ai un candidat qui semble confondre ce qui est républicain et ce qui ne l'est pas en ayant du mal à dire "allez voter Macron", qui n'a pour seul objectif que de s'attaquer à la gauche qu'elle soit socialiste écologiste ou communiste.

Vous avez un citoyen enraciné sur le territoire qui de ses racines s'inspire pour porter au niveau national les amendements de ses concitoyens et concitoyennes. En face vous avez un candidat qui n'est pas clair et qui divise. Moi je suis clair et je rassemble.

Je suis fondamentalement de gauche, je n'ai jamais travaillé dans la politique. J'ai créé des entreprises, j'ai créé une entreprise à Montreuil et des emplois dans la ville… Je n'ai jamais été salarié de la politique, je suis convaincu que l'avenir est aussi dans l'entrepreneuriat économique et social. J'ai reçu Emmanuel Macron à Montreuil, à deux reprises et tout ce que j'ai pu faire pour travailler avec lui je l'ai fait. C'est avec Emmanuel Macron que nous avons obtenu la régulation des retraites chapeaux. Après il y a des sujets où nous nous sommes opposés y compris avec des gens d'En Marche!

Mon adversaire aujourd'hui ce n'est pas Alexis Corbière mais le cynisme en politique. Aujourd'hui dans ma circonscription il n'est pas incarné par lui mais par "En Marche !".

Partagez-vous la vision dépitée de Martine Aubry ? 

Non je pense qu'il y a de l'espoir, que l'on incarne un groupement d'idées. Il y a des gens qui s'étonnent de me voir afficher le logo du PS dans mon affiche électorale. Je préfère utiliser ce logo qui est celui de Mendès, Jaurès et Blum que le logo de Mélenchon.

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