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Agriculture : la France perd des batailles ... et bientôt la guerre ?
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De gros problèmes de blé...

Les candidats à la présidentielle n'ont pas manqué de faire campagne dans les allées de la "plus grande ferme du monde". Derrière le folklore, mais ont-ils conscience de la perte de puissance de la France face aux puissances agricoles émergentes ?

Thierry Pouch

Thierry Pouch

Thierry Pouch est économiste. Il est responsable du service des études économiques de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture et chercheur associé à l’Université de Reims Champagne Ardenne. Il a notamment écrit "La guerre des terres, Stratégies agricoles et mondialisation" ( Choiseul Editions - 2010).

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Il était question, il y a encore quelques années, d’émergence d’une nouvelle économie centrée sur de nouvelles technologies et sur l’immatériel. La crise actuelle illustre sans doute le passage d’un modèle économique, arrivé à ses limites, à un autre. Mais il est malgré tout frappant de constater que, depuis le milieu des années 2000, un secteur comme celui des matières premières, rattaché à ce que certains ont pu appeler la « vieille économie », ait pu retrouver une telle place dans l’économie mondiale. Dans ce secteur figurent les produits agricoles et alimentaires, lesquels ont beaucoup fait parler d’eux depuis le milieu des années 2000. Si les observateurs se sont focalisés sur l’élévation des prix, sur ses conséquences, notamment dans les pays fortement importateurs, c’est parce qu’elle touche à ce qui fait le quotidien des humains, à savoir se nourrir. Il ne faut pas oublier en effet que la faim concerne encore près d’un milliard d’humains. Que ce soit sous l’angle de la démographie, de l’urbanisation des sociétés, de la mutation des modes de consommation alimentaire consécutive de l’augmentation des niveaux de vie, l’agriculture et l’alimentation constituent l’une des transformations affectant aujourd’hui l’économie mondiale. En découlent deux types de conséquences.

Du côté des principaux pays producteurs et exportateurs, il s’agit de se préparer à répondre durablement à ce surcroît de demande mondiale. S’est engagée depuis quelques années une lutte acharnée entre ces protagonistes afin de se hisser au rang de grande puissance agricole et alimentaire en captant de nombreuses parts de marché. On en voit les signe les plus visibles dans les ambitions du Brésil, désormais troisième exportateur mondial de produits agroalimentaires, derrière les États-Unis et l’Union européenne (voir graphique). Bien mieux, le Brésil faisait en 2010 jeu égal avec la France, avec 5% de parts de marché dans le deux cas. La stratégie de rattrapage engagée par le Brésil depuis plus d’une décennie porte aujourd’hui ses fruits, en particulier dans des secteurs comme les viandes bovine et de volaille, les jus de fruits, les oléagineux (soja notamment) et le sucre. Dans la mondialisation, l’agriculture et l’alimentation sont devenues des marqueurs de la puissance d’une économie.

À l’échelle intra-européenne, l’exacerbation de la concurrence est également perceptible, même si elle est plus récente. Elle se manifeste essentiellement entre la France, première puissance agricole européenne, et l’Allemagne qui, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, a investi dans le secteur agricole et alimentaire, au point de rattraper puis de dépasser la France en termes de parts de marché (produits laitiers, viande de porc en particulier). Il s’en est suivi un vaste débat relatifs aux instruments économiques ayant permis à l’Allemagne de monter en compétitivité (coûts salariaux, réglementations, concentration des élevages…).


Si l’on se penche maintenant sur les cas de pays qui importent massivement des produits agricoles et alimentaires, il s’agit pour eux de sécuriser leurs approvisionnements. La Chine, pourtant grand producteur de certains produits carnés (plus de 50% de la production mondiale de viande porcine) et de céréales, constitue l’un des grands importateurs de produits agricoles, oléagineux en particulier afin de nourrir le bétail. Elle capte en effet 50% environ des échanges mondiaux de soja. Pour sécuriser ses approvisionnements, notamment dans un contexte de hausse des prix agricoles et de diminution de ses surfaces cultivables, la Chine a eu recours ces dernières années à la location ou à l’achat de terres agricoles essentiellement sur le continent africain, stratégie également partagée par des pays comme ceux du Proche et du Moyen-Orient. Les terres disponibles dans le monde sont donc l’objet de convoitises économiques et financières.

Alors que l’édition 2012 du Salon de l’agriculture s’achève, il était important de rappeler que l’agriculture et l’alimentation s’inscrivent de plus en plus dans des stratégies de puissance et de conquête de pouvoir économique. Nourrir les êtres humains peut ainsi conduire à des tensions géopolitiques.

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