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La présidentielle française donnera-t-elle raison à la CIA qui prévoit une disparition des États au profit des entreprises et des ONG ?
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Atlantico Business

D’ici à 20 ans, les Etats appuyés par une administration et dirigés par des organisations politiques, qui structurent l’organisation de la planète, devraient progressivement perdre leur pouvoir. C’est un des scénarios retenus par les chercheurs américains de la CIA. Les élections en Occident leur donnent raison.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, la mise en route du Brexit, la situation en Italie qui n’est plus gouvernée, les pressions populistes en France où plus de la moitié des candidats à la présidentielle tournent le dos à la mondialisation, toutes ces tensions et ces évolutions donnent raison à la CIA quand elle prévoit que les Etats pourraient disparaître d’ici 20 ans et passer l’organisation de la planète aux communautés.

Quand la CIA réunit tout le gratin de la science géopolitique et travaille sur l’avenir du monde, ça donne un document qui est remis au président américain et qui est aussi désormais publié dans le monde entier. Ça donne surtout des scénarios d’évolution probables qui ne sont pas très optimistes.

Le décor général est plutôt inquiétant puisque les chercheurs américains estiment que la planète va connaître une phase de ralentissement de la croissance, alors que l’accumulation des innovations n’aura jamais été aussi rapide. D‘où le titre du rapport : le paradoxe du progrès. La croissance économique mondiale va ralentir, les menaces terroristes vont augmenter et les Etats pourront de moins en moins répondre à tous les désordres.

A partir de ce décor, les experts de la CIA ont écrit trois scénarios possibles d’évolution de l’organisation du monde.

Un premier scénario imagine un monde où les Etats n‘ayant pas su s’adapter aux bouleversements économiques et sociaux, vont subir un ralentissement général de la croissance, un accroissement de la pauvreté et des inégalités qui débouchera sur des tensions internationales difficiles à gérer. Après cette période de désordre, la CIA voit un redressement possible grâce a une nouvelle génération d’entrepreneurs et d’inventeurs locaux.

Le deuxième scénario publié esquisse un monde tenu par des équilibres militaires. La Chine, la Russie et l’Iran auraient profité du repli des Etats-Unis organisé par Trump pour imposer une domination économique, politique et militaire. Au mieux, les tensions se traduisent par une guerre économique, monétaire et diplomatique, puis des cyber-attaques. La guerre nucléaire devrait être évitée par l’action des Etats-Unis et de la Chine.

Le troisième scénario prédit une disparition progressive des Etats comme mode d‘organisation de la planète. C’est de loin le scénario le plus étonnant, le plus intéressant et sans doute le plus crédible. D’ici à 20 ans dit le rapport, il est probable que les communautés de population prendront le pas sur les gouvernements nationaux. Alors, ces communautés peuvent être très diverses. Il s’agira des grandes entreprises multinationales qui règnent sur les marchés mondiaux. Ces entreprises se sont déjà organisées pour passer les frontières imprimant un mode de vie et de consommation identiques partout dans le monde.

Mais ces communautés peuvent être les grandes villes, les grandes métropoles, la ville de Lyon, par exemple, Berlin, New York, etc., mais aussi les grandes ONG, ou certaines associations, ou certains clubs de fans dans le football ou le show-biz ou même certaines organisations religieuses.

Cette organisation reviendrait à laisser à l’Etat les fonctions très régaliennes, la justice, la défense et les impôts mais délèguerait aux organisations communautaires la gestion des prestations de service à la société. L’éducation, l'assurance des risques de la vie, la santé, la vieillesse, les équipements collectifs, les grands réseaux de transports.

La plupart des grandes entreprises mondiales considèrent qu’elles ont désormais une responsabilité sociétale et agissent directement auprès de leurs clients, de leurs salariés et de leurs actionnaires. Elles gèrent des écoles, des crèches, des universités, des centres de recherche, des retraites, des hôpitaux, des transports, des restaurants, des centres de vacances ou de repos  etc. Mais au delà des grandes entreprises, les grandes religions, les ONG développent aussi des activités non-profit qui bénéficient à leur éco-système.

Cette évolution est très intéressante. Elle n’étonne pas les historiens pour lesquels les organisations fondées sur un Etat qui exerce la souveraineté politique sont de création récente. Elles ont en gros trois siècles. Avant les Etats, la planète s’était organisée autour des tribus, puis des clans ou des grandes familles, puis des châteaux.

Ces mouvements sont alimentés par le manque de confiance qu’ont les peuples envers leurs dirigeants nationaux. Le paradoxe est que ce manque de confiance a aussi alimenté les réactions populistes aux USA, au Royaume-Uni  et en Europe continentale.

Le paradoxe est que plus les mouvements extrémistes prennent de l’importance, en promettant un retour de l’Etat, plus l’Etat cède le pas sur les organisations privées considérées comme plus efficaces.

En réclamant plus d’Etat, la progression des mouvements populistes est un marqueur de la disparition de l‘Etat. Alors il est évident que l‘Etat qui fonctionne a servi de paravent à la dictature dans bien des cas. Les contrepouvoirs ont fonctionné. On le voit aux Etats-Unis, le pouvoir de Trump est ridicule à côté de celui du Congrès.

Mais si les Etats disparaissent et laissent le jeu aux organisations privées, qu’en sera-t-il du contrôle démocratique réclamé par tout le monde ? Ce contre-pouvoir existera mais s’organisera de façon différente. Il y a aura le contre-pouvoir des consommateurs, des salariés et des clients. Ce sont des contre-pouvoirs qui fonctionnent très bien dans les pays développés comme les nôtres.


Mais curieusement ce sont les seuls qui fonctionnent dans des pays comme la Chine où il n’y a pas de démocratie. En Chine, les habitants d’une ville, les salariés d’une entreprise et les clients savent très bien se faire entendre.

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