La crise à la Réunion annonce-t-elle une explosion sociale en métropole ? <!-- --> | Atlantico.fr
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L'île fait face à une vague de protestation contre la cherté de la vie.
L'île fait face à une vague de protestation contre la cherté de la vie.
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Urgence

L'île fait face à une vague de protestation contre la cherté de la vie. Elle pourrait n'être que le miroir réfléchissant d'une France qui tarde trop à appliquer des recettes économiques qui ont marché partout ailleurs...

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou est économiste et essayiste, fondateur du cabinet de conseil Asterès. Il a publié en septembre 2015 Le Grand Refoulement : stop à la démission démocratique, chez Plon. Il enseigne à l'Université de Paris II Assas et est le fondateur du Cercle de Bélem qui regroupe des intellectuels progressistes et libéraux européens

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Les troubles qui embrasent l’île de la Réunion ne doivent pas être pris à la légère. En effet, ils pourraient bien préfigurer l’évolution sociale d’autres territoires d’outre-mer, mais aussi de la métropole si l’on accepte de comprendre que les mêmes causes doivent produire les mêmes effets.

En effet, économiquement, les économies ultra-marines constituent une loupe grossissante du modèle économique et social français. Le chômage est élevé en métropole. Il l’est encore plus à la Réunion. La démographie est dynamique en métropole. Elle l’est encore plus à la Réunion. Le poids du secteur public est important en métropole. Il l’est encore plus à la Réunion. Il y a un socle sectoriel compétitif en métropole. C’est vrai aussi à la Réunion. Le problème, c’est que c’est bien le modèle français qui est aujourd’hui en quasi-faillite.

La crise des pays européens est avant tout une crise de surendettement public. De la même façon que des ménages peuvent se retrouver en situation de surendettement, les Etats de l’OCDE souffrent aujourd’hui de deux maux : une dette élevée, et une croissance structurellement faible, c’est-à-dire des recettes fiscales peu dynamiques.

Il faut bien comprendre les conséquences potentielles de cette dégradation : un coût de financement de l’Etat, de la Sécurité Sociale et des collectivités locales bien plus élevé que le coût actuel, avec un terrifiant effet boule de neige sur les finances publiques, à l’instar de ce qu’ont connu la Grèce et le Portugal et, dans une moindre mesure, l’Espagne et l’Italie.

Les territoires d’Outre-Mer – et la Réunion, malgré ses particularités, ne fait pas exception – bénéficient de transferts publics importants, qui prennent essentiellement quatre formes :

  • Premièrement, la participation de l’Etat (et de l’Europe) aux investissements d’infrastructures.
  • Deuxièmement, des avantages fiscaux et sociaux, qui vont d’une TVA à taux spécifique à un taux avantageux d’impôt sur les bénéfices des entreprises, en passant par les mécanismes de défiscalisation des investissements dans le logement neuf.
  • Troisièmement, des transferts sociaux liés au niveau élevé du taux de chômage (30% de la population active dans le cas de la Réunion).
  • Quatrièmement, une proportion de fonctionnaires très élevée (30% des salariés de la Réunion), qui bénéficient en outre d’un traitement supérieur à celui des fonctionnaires métropolitains.

Le bilan précis de ce soutien reste en partie à faire. L’économie réunionnaise affiche une croissance économique élevée (5% par an environ) ce qui se traduit par une hausse rapide de l’emploi (2,5% par an). Néanmoins, ces performances sont insuffisantes dans la mesure où l’emploi progresse moins vite que la population active.

Le changement de modèle de l’économie réunionnaise ces prochaines années (le passage d’une « économie de consommation » à une « économie de production ») n’est donc peut-être pas une mauvaise chose. Mais avant d’atteindre ce nouveau point d’équilibre, bien des désordres sont à prévoir.

C’est bien pourquoi il faut raccourcir cette phase de transition en rendant les territoires ultra-marins plus productifs plus vite. Je me souviens, il y a un peu plus d’un an, avoir soutenu cette thèse devant l’Agence Française de Développement. Mes propos avaient provoqué un mini-scandale. Sans fausse modestie, les événements me donnent pourtant bien raison.

La croissance économique de l’île devra donc désormais s’appuyer beaucoup plus sur le secteur privé. L’économie locale peut-elle croître aussi vite avec un moindre soutien public ? Oui si les politiques publiques sont infléchies avec courage.

Finalement, il est temps d’appliquer à la Réunion les recettes économiques qui, partout ailleurs, ont marché, en actionnant trois leviers.

D’abord, augmenter le niveau de formation de la population (les difficultés de communication écrite toucheraient ici un adulte sur cinq selon l’INSEE ; un drame social, mais aussi économique).

Ensuite, rendre l’économie plus concurrentielle pour inciter les entreprises à investir et à augmenter leur productivité.

Enfin, s’insérer économiquement dans la géographie locale. En effet, les entreprises réunionnaises ont la chance de se trouver positionnées sur un axe Afrique du Sud – Inde incroyablement porteur. Pourtant, l’Inde n’est que le 8ème client de l’Ile, et l’Afrique du Sud est un partenaire commercial marginal (ne parlons pas de pays pourtant en très forte croissance comme le Mozambique).

Il existe pourtant sans doute des moyens de bénéficier de cette position géographique, notamment pour les entreprises du secteur de l’agroalimentaire (mais aussi du tourisme !), qui peuvent tout à la fois mettre en avant leur savoir-faire local et l’image de la marque France.

Finalement, l’actif le plus précieux de la Réunion, ce ne sont pas les transferts publics : c’est sa population, jeune et mélangée. Deux formidables atouts au sein d’un monde vieillissant et mondialisé. Dans ce territoire comme ailleurs en France, il est donc urgent de replacer le curseur de la politique économique sur la production. Sinon, c’est la crise voire la guerre sociale assurée !

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