#FillonGate : tous pourris par l'argent en politique ? Pas si simple (parole d'expert!)<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
#FillonGate : tous pourris par l'argent en politique ? Pas si simple (parole d'expert!)
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Pourris ?

Plutôt que de tendre l'oreille à tous les Fouquier-Tinville qui se réjouissent de voir tant de têtes tomber au gré des "affaires" qu'ils ont concoctées, il faut regarder plus séverement ceux qui gardent les mains blanches et qui laissent la France s'écrouler depuis des années.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

Voir la bio »

Après des semaines de matraquage médiatique sur la famille Fillon alors que nous avions envie d’avoir un débat de société pour une campagne présidentielle, on finit par avoir la nausée en mettant dans le même sac politiques de tous bords et médias. L’abstention ou le vote nul n’étant pas la solution retenue par ceux qui m’interrogent je pense utile de revenir sur le sentiment du "tous pourris" qui infecte notre vie collective. 

J’aime trop l’industrie pour avoir jamais rêvé de "faire de la politique", mais il m’est arrivé, comme beaucoup de chefs d’entreprise de côtoyer et de travailler avec bon nombre d’entre eux, en local, départemental, régional, national ou international. Lorsque j’ai présidé les destinées d’Elf-Aquitaine j’ai été amené à voir les dessous financiers de l’activité politique en France et ailleurs et j’ai dû, à un moment répondre de ce qui avait été fait sous ma Présidence. Les juges et les médias souhaitaient que je fournisse la liste des heureux bénéficiaires d’une manne dont les contours étaient connus, j’ai considéré que la démocratie méritait que je me taise et j’ai subi l’opprobre pendant une longue procédure qui recherchait désespérément mon "enrichissement personnel" pour justifier une chasse à l’homme qui n’a pas, hélas, été la dernière. Je suis heureux, encore aujourd’hui, de ne pas avoir été l’instigateur d’autres chasses qui auraient conduit à d’autres malheurs pour les hommes et femmes en cause et pour notre pays, quelles qu’aient été les souffrances de ma famille. 

Les juges, journalistes et éditeurs qui ont insisté lourdement pour qu’enfin je "fasse des révélations" en seront pour leurs frais, je ne le ferai pas plus aujourd’hui qu’hier, mais que les uns et les autres sachent que leurs propos, leurs attitudes et leurs actes ne sont pas dignes, et que certaines postures prises par tel ou tel à la télévision, à la radio ou dans une interview écrit me restent sur l’estomac, un peu de pudeur serait la bienvenue ! 

J’avais indiqué, lors de mes comparutions lors de l’instruction, que je ne pouvais pas donner de noms car je venais de réfléchir à donner des noms de ceux qui n’avaient pas eu de relations avec mes services et que je n’en trouvais pas ! lors des procès qui ont suivi, j’ai redit la même chose, cela était peu prisé par mes interlocuteurs et les médias en ont profité pour me fustiger sans reprendre pour autant mes propos ! Il fallait du sang, j’étais dans l’arène, et je refusais le combat ! 

Je n’ai pas l’ambition de modifier le goût pour les jeux du cirque d’une partie importante de mes contemporains, mais je voudrais expliquer pourquoi j’ai continué à voter et pourquoi finalement je crois à la nécessité de le faire malgré l’imperfection de nos démocraties dans cette subtile rencontre permanente entre l’argent et la politique. 

J’ai rencontré un grand nombre d’élus, et j’ai beaucoup d’admiration pour la plupart d’entre eux qui ont sacrifié une part importante de leur vie pour le bien commun. Les maires des communes de France que j’ai été amené à rencontrer croient majoritairement en quelque chose qui les dépasse et regardent leurs réalisations avec fierté quelles que soient les opinions que l’on peut en avoir ! Pour autant, ayant du pouvoir, un peu, un statut social, une respectabilité…oublient-ils leur temps passé à la gestion de la commune ? Non ! Leur rémunération est-elle en rapport avec leur engagement ? S’ils ne répondent pas à cette question, leurs familles répondent pour eux et leur rappellent continuellement qu’il ne faut pas qu’elles soient oubliées. Et si dans des communes bretonnes de mon enfance où l’aristocrate argenté devenait Maire républicain personne ne regardait les détails des finances locales, il en est tout différemment aujourd’hui et les soupçons sont devenus la règle dans toutes les collectivités locales. Il est clair que les carambouilles des "ronds-points "qui peuplent désormais nos villages ont été rejointes récemment par les emplacements payants des éoliennes, mais chaque village ou bourgade peut rivaliser d’imagination pour que soient favorisées des familles, des entités, des supporters… et l’observation que nous ne sommes pas dans un monde parfait est évidente. 

Quand on change de niveau, départemental, régional, ou national, on assiste à la même comédie humaine, on peut y mettre des garde-fous, des contrôles, mais la réalité de la vie politique c’est que celui qui y consacre sa vie n’a pas envie de se sacrifier financièrement parce qu’il a réalisé ce choix ! Les très honnêtes font en sorte que tout ce qu’ils font soit "légal", en fermant les yeux sur ce que peuvent  faire leurs copains ou leurs partis politiques, les débrouillards essaient de trouver des solutions à leurs besoins et à ceux de leurs familles…sans que cela se voit ! Mais la vie politique est couteuse, pendant les campagnes électorales, comme dans la vie quotidienne, il faut paraitre, sa femme et ses enfants aussi, on ne doit pas faire pitié, sans ostentation, être généreux sans gagner d’argent ! Tout un programme ! 

La seule dérive qu’il faut éviter est celle de l’affairisme car elle conduit à ne plus pouvoir exercer un mandat sans avoir à satisfaire en priorité les généreux donateurs qui vous permettent une existence cossue. Lors des grands diners à l’Elysée, les tenues des femmes sont très recherchées, et celles qui sont somptueuses ont droit à "Paris-Match". Vous n’imaginez pas combien les boutiques dont Elf-Aquitaine était devenu propriétaire étaient prisées pendant les semaines qui précédaient. Les robes étaient "prêtées", bien sûr ! Mais on trouvait rarement le chemin de la boutique pour les rendre ! Je n’avais pas besoin de ces politiciens, ni de leurs femmes, mais était-ce sain ? Non ! Mais risquer d’aller dans ces soirées de gala pour susciter des moqueries, c’était tout simplement insupportable, les électeurs auraient été outrés que leurs Ministres-Ediles locaux ne leur fassent pas honneur ! Que penseur d’un fils de Ministre qui ne fasse pas des études brillantes, qui n’obtienne pas de stage…La France est un village, tout se sait et le peuple connait tout cela et le comprend, il s’en offusque quand cela va trop loin, mais le bon sens populaire voit bien que ce n’est pas si grave. Est-ce que cela me choquait ? Oui, mais c’était historique. En ai-je tiré parti ? Non ! Mais lorsque la meute s’est déchainée contre moi, cela m’a démangé, et je me souvenais d’une icône de la télé essayant un "petit haut" dans la boutique de luxe, disant en minaudant "il me va bien ! n’est-ce pas", mon  collaborateur finissant par le lui laisser sur le dos ! Mais la démocratie est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres ! 

Les hommes sont les hommes, les femmes sont les femmes, et on ne va pas changer les choses parce que l’on en a rêvé comment j’entends dire parfois dans ces périodes électorales. Comme je ne pense pas que les pires doivent être ceux qui montrent du doigt tous les autres, je souhaiterais que la plupart des Fouquier-Tinville actuels cessent de parler du couple Fillon qui, dans mon souvenir, a été un des plus propres de cette période un peu folle. J’ai parlé des politiques, mais j’ai aussi illustré mon propos avec des journalistes qui devraient se souvenir des animations de rencontres auxquelles ils prêtent leur concours -compétent, bien sûr, mais pas bénévole ! 

Un homme politique, ce qu’on lui demande c’est d’être un homme d’Etat qui croit à son pays, qui lui propose une vision et qui prend des décisions conformes à l’intérêt national. On n’a pas à vivre 24 heures sur 24 avec lui et à coucher sous le lit pour bien le surveiller. Lorsque des milliards sont dépensés à faire n’importe quoi, quand l’industrie française part en lambeaux, quand le mensonge vient influer dramatiquement sur l’avenir des gens, comme cela a été le cas pour Alstom durant ce quinquennat, oui il faut se rebeller et essayer de comprendre comment et pourquoi cela a pu se passer. C’est cela qui est le travail à effectuer pour que notre pays se redresse, pas de passer du temps à des "investigations" qui ne sont que des dénonciations de manœuvriers politiques indignes des charges qu’ils occupent ou de celles qu’ils ambitionnent. Ce qui est fait par la plupart des parlementaires pour avoir une vie à peu près acceptable n’est pas glorieux, certes, mais la solution n’est pas dans la chasse à l’homme, elle est dans la réduction du nombre des parlementaires, et dans la revalorisation de leurs indemnités pour qu’ils n’aient plus l’excuse de la "représentation" pour effectuer des petits arrangements.

Mais que politiciens et commentateurs arrêtent de penser qu’ils feront oublier leurs mauvaises actions quotidiennes en montrant du doigt quelques maladresses suivies de mauvaise communication, car pour le peuple le problème n’était pas le fait, cela a été les montants des contrats et il aurait été intéressant de les comparer à d’autres dans le même camp ou dans les camps adverses, mais pour cela il aurait fallu un peu d’honnêteté.  

Le sujet vous intéresse ?

À Lire Aussi

Résister à la tentation du "tous pourris" en politique ? Les élus n’y mettent pas beaucoup du leur… Entre le “tous pourris” couplé à l’envie de laver plus que blanc et le berluscono-pasquiao-tapisme, quel est le plus grand danger pour nos démocratie ?Présidentielle 2017 : François Fillon présente son plan Santé légèrement remanié

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !