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Pourquoi la France est un pays beaucoup plus riche que la plupart de ses grands voisins
©Flickr

Trésor caché

Malgré une dette représentant près de 100% de son PIB, le patrimoine net national de la France est aujourd'hui évalué à 7,6 fois le PIB du pays. Une situation qui pourrait inciter à regarder la France sous un œil plus favorable quant à ses capacités futures.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Selon la dernière enquête réalisée par l'INSEE, le patrimoine économique de la France serait supérieur à 13 000 milliards d'euros, net de dettes. Pourtant, il est régulièrement rappelé que la dette réelle de la France ne prend pas en compte une dette "hors bilan" qui serait supérieure à 3200 milliards d'euros. Quelle est la réalité de la situation ?

Nicolas Goetzmann : Le rapport de l'INSEE prend effectivement en compte l'ensemble des actifs et passifs du pays, entre les ménages, les entreprises et les administrations publiques. Le résultat est un actif total de 39 374 milliards d'euros, et un passif de 25 750 milliards d'euros, ce qui fait ressortir un patrimoine net de 13 585 milliards d'euros. Lorsque l'on décompose les actifs/passifs de chaque catégorie, on obtient des ménages ayant un actif net de 10 692 milliards, des sociétés (financières et non financières) qui ont un actif de 2626 milliards d'euros, et les administrations publiques qui, malgré leur importante dette, parviennent à afficher un patrimoine net de 267 milliards d'euros.

En effet, il existe des engagements hors bilan qui engagent l'État, qui sont définis ainsi par la Cour des Comptes : "en comptabilité générale, les engagements hors bilan retracent l’ensemble des obligations qui, sans réunir les critères d’inscription au bilan, s’imposent à une entité et sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur son patrimoine". Ces engagements ont été évalués par la CDC à la fin 2012, à 3190 milliards d'euros. Cependant, le seul élément dont le paiement est "certain" correspond au paiement des retraites futures, dont les projections sont faites pour les 100 prochaines années, et qui correspondent à 1679 milliards d'euros. Si ce chiffre peut impressionner, il doit être mis en relation avec l'évolution du PIB à prix courants sur les prochaines décennies. En prenant une hypothèse d'un PIB qui augmenterait de 3% par an (en prenant en compte l'inflation), la France afficherait un produit intérieur de près de 10 000 milliards dans une cinquantaine d'années. Non pas pour "minimiser" la situation actuelle, mais pour bien mettre en évidence le fait que les problématiques de dettes doivent s'envisager d'un point de vue dynamique, en tenant également compte de l'évolution des revenus. Mais une chose semble claire, la situation d'endettement de la France semble bien plus inquiéter la population que les marchés financiers. Et ceux-ci sont parfaitement informés de la dette hors bilan du pays, il n'y a donc pas de surprise à ce niveau. Le fait est que la France emprunte aujourd'hui à un taux historiquement bas, soit 0,7% sur une durée de 10 ans.

D'un point de vue comparatif, quelle est la situation de la France ? Quels sont les autres facteurs à prendre en compte ?

Du point de vue du patrimoine national, la France fait partie des champions du monde, derrière les États-Unis, la Chine, le Japon, le Royaume-Uni et l'Allemagne. Et si l'on souhaite comparer avec l'Allemagne, il est possible de constater que la richesse totale des Allemands est supérieure de près de 5% à celle des Français, mais lorsque l'on compare avec des chiffres relatant le patrimoine par adulte, la France est loin devant, avec une avance de 32%, selon les données publiées par le rapport annuel du Crédit Suisse. Et en prenant les pays à forte population, soit ayant plus de 50 millions d'habitants, la France se classe 3e mondial, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni. L'idée d'un pays en état de délabrement total ne ressemble pas à la réalité.

D'autant plus que la France dispose de ressources à venir. D'une part, la France a d'ores et déjà la plus forte population de moins de 20 ans en Europe, soit plus de 16,3 millions de moins de 20 ans en France contre 14,7 millions en Allemagne. D'autre part, la proportion de personnes de 30 à 34 ans ayant un diplôme de l'enseignement supérieur atteint 45% en France, contre 32,3% pour l'Allemagne. Ce qui permet de faire une projection sur les capacités futures de notre pays, en termes de population active, et en niveau de formation.

Cet ensemble de données devrait conduire à réévaluer les forces du pays, et de placer la France dans une logique de première puissance européenne à venir, en termes économiques. La France est d'ores et déjà le premier pays européen en termes d'investissements en provenance de l'étranger, le pays recueille 14% du total des flux, contre 11% pour l'Allemagne. La France dispose du plus vaste territoire de l'Union européenne, avec un emplacement stratégique, offrant une ouverture sur l'ensemble du continent. La France dispose également du plus grand domaine maritime mondial, avec les États-Unis. Et la liste est longue. Le potentiel de la France n'a rien à voir avec l'image que les Français semblent vouloir s'en faire. Si le chemin pour exploiter ce potentiel est long, si les actions nécessaires à une remise en route du moteur économique ne sont pas encore engagées, il faut quand même se rendre compte de ce potentiel.

Du point de vue de la dette, quels sont les remèdes les plus efficaces à mettre en place sur le long terme ?

La dette française agit comme une sorte de voiture balai du manque de croissance du pays. Dès que la croissance est inférieure à son plein potentiel, les dépenses publiques servent de politiques de compensation pour la population. Ce qui signifie, au final, que la dette n'a pas été la cause du ralentissement de la croissance mais sa conséquence directe. En regardant l'évolution de la croissance et de la dette, outre la forte corrélation des deux variables, on peut constater que la France parvient à faire baisser son endettement en % de PIB lorsque la croissance courante dépasse les 4%, soit environ 2% de croissance et 2% d'inflation.

Données trimestrielles annualisées. Croissance nominale et évolution de la dette en %  1995-2016.

L'enjeu prioritaire est donc de tout faire pour "gagner plus", c’est-à-dire de traiter la cause de l'endettement en permettant une accélération de la croissance nominale. Ensuite, d'autres outils peuvent être mis en place afin de "rationnaliser" les dépenses dans une économie connaissant une plus forte croissance. Ce qui sera plus aisé à réaliser qu'une coupe claire dans les dépenses d'une économie en stagnation. Car une telle stratégie de baisse des dépenses sans aucun discernement contribue à peser sur la croissance, ce qui vient donc alimenter une nouvelle hausse de la dette. C'est pourtant ça, la leçon de l'austérité. Le traitement du mal renforce le mal lui-même. La Grèce a réduit ses dépenses publiques nominales de près de 30% depuis 2008, ce qui a favorisé une chute du PIB de 25%, et à une hausse de l'endettement de 60% en points de PIB. Parce que la chute du PIB conduit mécaniquement à une hausse de l'endettement, exprimée en... % de PIB. Ce n’est donc pas la bonne méthode. Pour réduire sa dette, la bonne méthode, c’est d’enclencher une croissance conforme au potentiel du pays, sur une base monétaire d’abord, l’investissement et la consommation suivront, permettant de rééquilibrer la place des dépenses publiques à un niveau plus cohérent dans le PIB.

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