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Pourquoi il ne fait vraiment pas bon être un patron de PME en France (et ça nous coûte cher)
©Reuters

Solitude mortifère

Une récente étude montre l'ampleur du sentiment de solitude et d'isolement chez de nombreux patrons de PME en France. Incertitude face à l'avenir, manque de reconnaissance, pression syndicale : nombreux sont les facteurs explicatifs de cette situation.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : Une étude de la BPI France récemment publiée montre que les patrons de PME français éprouvent bien souvent un profond sentiment de solitude et d'isolement dans leur travail. Si les raisons avancées sont diverses (manque de reconnaissance, incertitude face à l'avenir, pression des syndicats, etc.), y a-t-il une spécificité française dans ce domaine ?

Xavier Camby: Cette étude est intéressante mais ne nous apprend hélas rien de très neuf. Oui, les entrepreneurs souffrent! De stress ou de surmenage le plus souvent, et régulièrement d'isolement. Il existe bien une regrettable spécificité française en la matière, très dommageable : le profond et grave mépris, quasi généralisé, des administrations publiques, parfois même des élus, au sujet du monde privé, nécessairement malhonnête puisque mercantile... On joue ainsi les beaux esprit facilement, lorsque sa paie mensuelle ne dépend pas de son labeur, mais de la collecte des impôts.

Dans de très nombreux pays, l'entrepreneur est soutenu par l'ensemble de la société, car la création de richesses qu'il permet se partage au bénéfice de tous. La Suisse, l'Allemagne, les pays scandinaves, les Etats-Unis, les pays asiatiques anciennement communistes, les ex-pays de l'Est, etc. soutiennent résolument et activement les employeurs que sont les patrons de PME. Mais ils sont encore en France soupçonnés de tous les vices et de tous les maux... C'est presque un courage et un état d'esprit de résistant qu'il convient d'avoir pour entreprendre en France et créer ainsi de l'emploi, tant les obstacles juridiques ou légaux, fiscaux, financiers, sociaux... sont nombreux. Les arguments avancés par l'étude de la BPI me semblent vrais, mais bien secondaires en fait. La vraie solitude pesante du patron de PME en France, c'est face aux embarras et tracasseries publiques de tous ordres, en plus du surcoût et du travail improductif qu'ils génèrent! Le renversement de la charge de la preuve -à vous de prouver votre innocence, lorsqu'on vous accuse, même mensongèrement- pratiquée en dépit du bon droit et du bon sens renforce cette solitude: à qui se fier en effet ? Sûrement pas à une administration, par principe inquisitrice et accusatrice, qui ne respecte que les grands groupes industriels...

Comment le patron de PME français s'entoure-t-il dans son travail? Quelles comparaisons peut-on faire avec d'autres pays occidentaux?

De façon quasi universelle, on constate que c'est le plus souvent pour protéger ceux qu'il aime et l'ensemble de ses collaborateurs que le patron garde pour lui ses projets, ses interrogations, ses inquiétudes ou ses difficultés. Il est d'ailleurs intéressant de noter la recrudescence des Family Business (comme autrefois chez les artisans, les commerçants et dans beaucoup de petites entreprises), où on peut partager succès, revers ou épreuves avec ses intimes et ses proches. 

Cependant, très généralement aussi et au-delà de l'aide de leurs salariés, les patrons recherchent des interlocuteurs capables, pleins de bon sens, avec une réelle connaissance du monde du travail, sans intérêt antagoniste avec les siens et surtout, surtout des personnes de confiance! Il peut s'agir de son avocat, de son expert comptable, d'un assureur, d'un ancien collaborateur... C'était autrefois le rôle du banquier, lorsque celui-ci exerçait encore son vrai métier d'investisseur prenant des risques authentiques.

C'est encore celui qu'essaient de se donner les Business Angels, les incubateurs et autres VC: donner une image miroir et des conseils au jeune entrepreneur! Une vision cependant bien trop financière oriente leurs avis et désoriente le business comme les jeunes entrepreneurs!

Des collèges -de cercle de réflexion ou de partage-, des clubs, des syndicats, des chapitres, des réseaux fermés... leur permettent aussi de se retrouver, en fonction de leur besoin et de leur goût. Le Wine Business Club, par exemple, fondé en France par Alain Marty, en est une excellente illustration : des dirigeants se retrouvent à leur guise pour apprendre, découvrir, parler business et puis déguster ensemble des vins choisis. Et entre deux crus, ils échangent et partagent librement, entre pairs.

Bien souvent hélas, s'isole donc celui qui le veut ou qui s'abrutit de travail!

Selon vous, y a-t-il des habitudes que les patrons de PME français devraient changer pour remédier à ce sentiment d'isolement?

Diriger, décider, agir, oser, risquer, tout cela le patron de PME aime le faire. Et il assume sa responsabilité finale, nécessairement individuelle. Pour lui, vivre dans l'incertitude n'est pas forcément une menace, contrairement à certains gestionnaires qui s'épanouissent dans les grands groupes ou les administrations, à force de budgets et de projections à 3 ans ou de planifications mathématiques. 

Ma principale proposition pour les patrons qui se sentent seuls va vous sembler paradoxale! Je leur propose de s'isoler un peu, cette fois physiquement, pour faire un peu de silence au fond d'eux. Inscrire régulièrement dans son agenda un parcours de golf, une belle ballade en montagne ou sur des sentiers douaniers, une retraite... et s'y tenir permet, dans ce silence intérieur retrouvé, de vérifier que cette solitude n'est pas seulement une perception -possiblement erronée- de la réalité. A tous les dirigeants que nous accompagnons, nous expliquons ce besoin intense de notre psychisme: c'est dans le silence intérieur que nous créons, que nous inventons, que nous avons nos bonnes intuitions et que nous prenons nos meilleures décisions!

Une pratique régulière d'un isolement volontaire, dans le plaisir, permet d'éradiquer l'essentiel de nos perceptions négatives et/ou erronées.

Pratiquons donc cette hygiène psychique, pour notre propre bénéfice, qui consiste à s'isoler, de temps à autre, tout au fond de soi !

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