Le formidable Monsieur Poisson et ses 4 différences de fond avec les autres candidats de la primaire<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Frédéric Poisson : "Celui qui veut porter une kippa, un voile, une croix, une colombe, doit pouvoir le faire tranquillement sans être ennuyé par quiconque."
Jean-Frédéric Poisson : "Celui qui veut porter une kippa, un voile, une croix, une colombe, doit pouvoir le faire tranquillement sans être ennuyé par quiconque."
©BRT

Outsider

Petit Poucet médiatique de cette primaire de la droite et du centre, Jean-Frédéric Poisson a surpris bon nombre d'observateurs lors du débat télévisé réunissant les sept candidats. Or, sur bien des sujets, le président du parti chrétien-démocrate se distingue assez nettement de ses concurrents.

Jean-Frédéric Poisson

Jean-Frédéric Poisson

Jean-Frédéric Poisson est député des Yvelines et président du Parti Chrétien-Démocrate.

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Atlantico : Le premier débat réunissant les sept candidats de la primaire de la droite et du centre a mis en lumière certaines différences entre vous et les autres candidats appartenant tous au parti Les Républicains. Sur la question de l'interdiction du burkini et de l'interprétation de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, quelle est votre position précise ?

Jean-Frédéric Poisson : Je pense que la France a fait collectivement fausse route dans l'interprétation de cette loi. La loi de 1905 est d'abord une loi de négociation et de garantie de liberté religieuse. Elle a accouché dans la violence, et l'on entend régulièrement que si les chaînes d'information en continu avaient existé à l'époque, elle n'aurait certainement pas été votée. Cela étant dit, elle garantit les manifestations de liberté religieuse dans l'espace public. Dans la loi de 1905, l’État est neutre, mais l'espace public ne peut pas l'être. La laïcité à la français stipule clairement que l’État ne reconnaît et ne finance aucun culte, mais qu'il garantit par ailleurs la possibilité pour chaque citoyen de croire ou de ne pas croire. Enfin, ceux qui croient doivent pouvoir l'exprimer pacifiquement dans l'espace public de la manière qu'ils souhaitent, sous réserve que cette manifestation de croyance ne vienne pas troubler l'ordre public.

Cela signifie que celui qui veut porter une kippa, un voile, une croix, une colombe, doit pouvoir le faire tranquillement sans être ennuyé par quiconque. C'est la raison pour laquelle je pense que le fait de vouloir commencer à interdire sans motif particulier – simplement sur la base d'une suspicion de provocation – nous fait entrer dans une logique de police du vêtement, qui n'est pas l'esprit de la loi. Je ne veux donc pas qu'on en vienne à interdire des libertés fondamentales.

C'est pourquoi je ne comprends pas que certains arrêtés anti-burkini aient été pris cet été dans des communes françaises, sauf dans les cas (temporaires) où les maires de commune ayant constaté des troubles à l'ordre public à l'occasion de manifestation de cette nature décident d'interdire momentanément le port de ces vêtements. Quand les troubles à l'ordre public sont constatés et qu'à titre curatif les maires veuillent rétablir l'ordre de manière efficace, je peux le comprendre. Mais l'interdire par principe dans la loi, je ne l'accepte pas.

En termes économiques, vous vous êtes également distingué en affirmant "ne pas sentir une liesse collective chez les entrepreneurs pour modifier la durée du temps de travail". Cela signifie-t-il que vous n'abrogerez pas les 35 heures si vous êtes élu Président ?

C'est exactement ce que cela signifie. Il n'y a pas de demande du patronat sur ce sujet. Les patrons se souviennent très bien il y a 15 ans à quel point ils ont ramé comme des galériens pour faire passer la réforme des 35 heures dans leur entreprise. Cela a été très difficile, et une grande partie d'entre eux ne souhaitent pas consacrer une grande partie de leur temps à re-modifier cette disposition.

Par ailleurs, tous les arsenaux législatifs existent s'il s'agit simplement de pouvoir moduler la durée légale du travail dans sa propre entreprise. C'est possible, et cela a d'ailleurs été rappelé lors du débat par François Fillon, avec l'exemple de cette entreprise qui a passé un accord à 39 heures (payées 37). C'est bien la preuve que cette possibilité existe. Il n'y a donc pas lieu d'abroger les 35 heures. L'arsenal législatif existe depuis 2008 dans le cadre de la loi sur la représentativité des syndicats et le temps de travail, dont j'étais le rapporteur. Il existe dans les référendums d'entreprise, dans la loi El Khomri et dans d'autres dispositifs.

Maintenant, si l'on veut inverser le choc culturel qui a conduit les 35 heures à affaiblir la valeur travail, il y a d'autres choses à faire pour réconcilier les Français avec la valeur travail – à supposer que la majorité d'entre eux soit fâchée avec, ce que je ne pense pas.

Je ne vois donc pas de motif à vouloir allumer un tel feu de cheminée qui deviendrait un brasier inextinguible. Ce n'est d'une part pas très utile, et cela présente un risque d'embrasement politique qui me paraît absolument disproportionné.

J'ajoute enfin que si l'on passait de 35 à 39 heures, ce serait bien sûr pour les payer 39. Je ne suis pas certain que toutes les entreprises aient les moyens d'augmenter de 10% leurs salaires de manière systématique. Et quand je dis que je n'en suis pas certain, cela signifie que j'en suis absolument sûr !

Sur la question du mariage pour tous, plusieurs de vos concurrents semblent hésiter, ou ont même changé d'avis sur le sujet. Quelle est la position que vous défendez personnellement ?

Je défends l'abrogation pure et simple de la loi. C'est pour moi une question de principe : je considère que la loi Taubira rompt avec le principe d'organisation de notre société qui inscrit dans le droit la différence des sexes. Si vous souhaitez un exemple, il n'y a qu'à regarder la loi sur la constitution des listes électives en matière de parité. Si ce n'est pas l'incarnation dans le droit d'une différence des sexes, je ne sais pas ce que c'est.

La loi Taubira affaiblit selon moi l'institution matrimoniale dans la mesure où le mariage devient un simple contrat, alors que c'est aussi – en plus d'un contrat – une institution.

Troisièmement, cette loi a un impact très négatif sur les enfants dans la mesure où elle prive un certain nombre d'enfants de l'accès à leur filiation biologique masculine et féminine. Or, se construire personnellement en ignorant ses racines est affreusement compliqué. Je ne suis pas en train de dire que les couples homosexuels sont incapables d'éduquer les enfants qu'ils élèvent, ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est l'image que l'on donne de l'accès à sa filiation dans une société moderne. Les conséquences de la loi Taubira sur les mères porteuses sont telles que, mécaniquement, un jour ou l'autre, vous irez vers la légalisation des mères porteuses. C'est impossible autrement. Tant que ce mariage figurera dans le droit français, vous ne pouvez pas vous en sortir.

Je ne vois donc pas comment je m'accorderais avec la possibilité d'un principe qui est aussi mauvais. Certains de mes concurrents souhaitent réécrire la loi, ce qui signifie en substance s’accommoder du principe. Je comprends beaucoup mieux la position de Bruno Le Maire ou de Nathalie Kosciusko-Morizet qui n'ont jamais changé d'avis et qui ne sont pas défavorables au principe de cette loi. Les autres ont changé bien souvent d'avis, sur la filiation ou le principe du mariage en tant que tel, et je ne peux le comprendre.

Une grande partie des dirigeants du parti Les Républicains et de la droite républicaine se disent plutôt europhiles. Vous qui avez voté contre le Traité de Maastricht, quel est votre avis sur l'Union européenne telle qu'elle est aujourd'hui ?

Je pense que l'Union européenne est nécessaire à la France, mais que la construction européenne actuelle est nocive à la France. L'Europe a besoin de se recentrer sur des projets qui respectent la souveraineté et l'indépendance des nations. Cette Europe n'a pas besoin de l'indépendance de la Banque centrale européenne, d'une Commission européenne qui dicte ses orientations aux États membres et négocie le TAFTA en toute indépendance et parfois même au mépris des mandats de négociation confiés par les États, de la technocratie qui impose des directives énormes à tire-larigot et qui sont en réalité des empêcheurs de tourner en rond pour la vie quotidienne.

Je crois en une Europe qui doive collectivement protéger ses frontières extérieures. Nous, Français, devons aider par le biais d'un mécanisme de solidarité les Polonais, les Bulgares, les Grecs, les Italiens, les Espagnols, les Portugais, à protéger les frontières de l'Europe.

L’Europe doit installer à ses frontières une TVA sociale, une barrière commerciale, dans un marché ouvert à tous vents alors même que les membres de l'Union européenne se livrent une concurrence absolument féroce, qui s'incarne en particulier par la directive sur les travailleurs détachés.

Je pense que l'Europe doit relancer de grands programmes d'infrastructures aéroportuaires, ferroviaires, routières, portuaires, etc. Nous avons en effet besoin que l'Europe puisse rester un espace de circulation libre du marché, des biens et des personnes. Nous avons besoin que l'Europe accompagne les investissements dans la transition énergétique, les biotechnologies, les industries nouvelles qui sont extrêmement consommatrices de capitaux, sur lesquelles nous devrions pouvoir nous associer. Nous pourrions aussi constituer sur le plan européen un géant du numérique pour être en situation de pouvoir lutter à armes égales avec les géants américains des GAFA qui sont en train de pomper la protection de nos données, qu'ils commercialiseront demain – s'ils n'ont pas déjà commencé à le faire.

Sur tous ces sujets, l'Europe a un rôle à jouer et la France seule ne peut pas arriver à faire tout cela. Il nous faut une Union européenne recentrée sur des projets stratégiques, pas sur des règlements ou des lois qui ne ressemblent à rien.

Le sujet vous intéresse ?

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