50% de Chinois favorables à la lutte contre la pollution au détriment de la croissance économique : la Chine sur la voie de la maturité politique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les autorités chinoises ont assez vite pris la mesure de la gravité traversée par le pays dans le domaine environnemental. Dès les années 1990, Pan Yue est l'un des premiers à alerter le régime.
Les autorités chinoises ont assez vite pris la mesure de la gravité traversée par le pays dans le domaine environnemental. Dès les années 1990, Pan Yue est l'un des premiers à alerter le régime.
©Reuters

C'est bon, on y est !

Parallèlement à l'amélioration globale du niveau de vie, la mentalité de la population chinoise a évolué sur le plan politique comme le révèle l'un des derniers sondages du Pew Research Center réalisé auprès de citoyens chinois sur l'arbitrage à réaliser entre pollution et croissance économique.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : Selon un récent sondage du Pew Research Center, 50% des citoyens chinois interrogés pensent que la pollution devrait être réduite au détriment de la croissance économique, tandis que seulement 24% affirment que la pollution est le prix à payer pour la croissance. Peut-on interpréter ces chiffres comme le signe d'une maturité politique désormais atteinte par la Chine et ses citoyens, dans la mesure où la croissance économique est au rendez-vous et que le niveau de vie de la population a globalement augmenté  ? 

Emmanuel Lincot : Rappelons tout d'abord que les autorités chinoises ont assez vite pris la mesure de la gravité traversée par le pays dans le domaine environnemental. Dès les années 1990, Pan Yue est l'un des premiers à alerter le régime. Sous la présidence Jiang Zemin, des décisions fortes ont été mises en oeuvre pour le reboisement du pays. C'est dans ce contexte aussi que la Chine a ratifié en 1997 le protocole de Kyoto. L'accord de la Cop 21 à Paris signé par Xi Jinping s'inscrit dans cette continuité. Qu'une prise de conscience écologique soit née depuis lors au sein de l'opinion chinoise n'a rien de surprenant. Les questions environnementales constituent parmi les problèmes les plus sensibles aujourd'hui en Chine. Le documentaire "Sous le dôme" de la journaliste Chai Jing, en 2015, partiellement censuré par les autorités mais qui n'a pas moins suscité sur les réseaux sociaux des centaines de millions de commentaires, est de ce point de vue très révélateur.

Les ferments de contestation en Chine n'ont rien de comparable avec les configurations de type "Printemps arabes". Le risque d'un ecocide est uniment partagé en Chine. Il devient le fer de lance d'une politique consensuelle posant les jalons d'un nouveau paradigme économique avec des usines moins polluantes et acquises à un développement responsable.

Dans quelle mesure le fait que les Chinois ne soient plus accaparés uniquement par leur subsistance économique (celle-ci étant atteinte globalement) peut-il impacter le fonctionnement politique actuel de la Chine ? Un "réveil citoyen" est-il à prévoir ? Pékin serait-il prêt à y faire face ? 

La société chinoise s'identifie encore à ses dirigeants dès lors où un certain nombre de valeurs cardinales sont de part et d'autre respectées. Le nationalisme en est une. L'écologie en devient une autre. Considérer les questions environnementales comme un supplément d'âme serait suicidaire pour le régime. En cela, la Chine n'est pas l'Inde. Je m'explique. Le nationalisme en Chine n'est pas que revanchard (laver le déshonneur face aux étrangers). Il se veut fondamentalement progressiste. Entendez : la Chine n'est pas qu'une société de croissance. Elle reste attachée à une certaine idée de l'égalité (héritage marxiste oblige), mais aussi d'un développement harmonieux (legs neo-confucéen). Toutes sortes d'indices sociologiques nous montrent qu'en dépit de l'existence d'une très grande brutalité des rapports humains, mais aussi entre les humains et les animaux, et plus généralement, leurs relations avec la Nature, la société chinoise est en train de changer. L'Etat-parti épouse ces mutations. C'est pour lui une question de survie, mais aussi de génération concernant ses dirigeants.

Le ralentissement actuel de l'économie chinoise pourrait-il porter un coup d'arrêt à ce changement des mentalités observé parmi la population chinoise et que met en lumière le sondage du Pew Research Center mentionné plus haut ? 

Ce changement structurel et d'attitude en matière d'environnement est avant tout le fruit d'une éducation, et n'ayons pas peur des mots, d'une éthique. Elle semble se mettre progressivement en place. Même s'il faut s'en réjouir, ne sous-estimons pas les catastrophes écologiques à venir en Chine : barrages sur le Mékong, détournement des glaciers de l'Himalaya, expansion du désert de Gobi...Tout cela présage d'événements sur lesquels le gouvernement chinois n'aura que bien peu de prise.

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