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Le prix de l’énergie et les choix politiques et stratégiques influencent notre offre et notre consommation.
Le prix de l’énergie et les choix politiques et stratégiques influencent notre offre et notre consommation.
©Reuters

EDITORIAL

Alors que nous atteignons des pics de consommation électrique et que le récent rapport de la Cour des comptes révise le coût du parc thermonucléaire, la question énergétique se pose comme un enjeu social, environnemental, et industriel.

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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Nous atteignons ces jours-ci des records de consommation électrique, autour de 97 000 mégawatts, ce qui place Bretagne et Provence-Alpes-Côte d’Azur en alerte rouge du fait de leur quasi « insularité électrique » (manque de lignes à haute capacité les reliant au réseau). A ces niveaux-là, notre « indépendance énergétique » ne nous suffit pas totalement et nous devons importer 6 à 7 000 MW par jour… quand l’Allemagne réussit encore (!) à exporter, aussi, de l’électricité, même après avoir arrêté 9 réacteurs nucléaires.

Ces épisodes climatiques font resurgir inévitablement d’interminables minutes de journaux télévisés dédiées aux reportages sur les pannes de voitures, les glissades et les déneigements de seuils de porte, mais aussi plus dramatiquement sur les vies humaines en péril et les situations de grande urgence sociale. Il ne faudra pas oublier trop vite, avec le relèvement des températures, les enjeux sociaux, environnementaux mais aussi industriels et stratégiques que pose sur le long terme la question de l’accès à l’énergie.

Si l’énergie est un enjeu environnemental (raréfaction des ressources, pollution et émissions CO2), étant de plus en plus chère et rare, c’est aussi un enjeu social, économique, industriel et politique. Alors, l’énergie, s’il faut l’économiser pour la planète, il va aussi falloir aussi la financer, en préservant à la fois l’environnement, le pouvoir d’achat et la compétitivité. Dans un propos qui avait fait grand bruit à l’époque, Christophe de Margerie avait expliqué dans un entretien au Parisien le 12 avril 2011 à propos du futur prix de l’essence : « Le super à 2 euros, cela ne fait aucun doute, la vraie question, c'est quand ?, il faut espérer que cela n'arrive pas trop vite, sinon les conséquences seraient dramatiques ».

Cette inflation énergétique n’est pourtant pas un scoop, elle est inéluctable, sauf à être compensée, et donc masquée, par des dispositifs de subventions et d’aides, surement nécessaires pour réduire la pression énergétique qui s’impose de façon plus dure encore à certains.

Le prix du baril tourne à nouveau autour des 100 dollars, en tendance haussière depuis 2009 après sa chute suite au pic de l’été 2008, et le prix du litre de super sans plomb 95 atteint ses niveaux records au dessus d’1,50 euro ; le gaz naturel quant à lui a augmenté de 60% sur la période 2005-2011 ; le rapport de la cour des comptes réévalue à la hausse le prix de production du KWh du parc thermonucléaire pour le positionner à 42 euros le MWh ; le fioul domestique est à nouveau à près de 1 euro, pas loin des sommets de l’été 2008, après avoir longtemps été dans une zone 35/40 cts entre 2000 et 2005, avant de monter en flèche, retomber, et à nouveau progresser de façon continue sur la dernière période de 3 ans au cours de laquelle il aura doublé.

L’inflation énergétique est bien réelle, elle est même pérenne. Et lorsque ce budget représente en moyenne 8% du budget des ménages (environ 60% pour le logement et 40% pour les transports ; et en moyenne 2 900 euros/an/foyer), cette part peut atteindre 15% chez les plus modestes, avec un différentiel assez marqué entre les zones urbaines et rurales, à la défaveur des zones rurales. Pour certains, la seule facture carburant peut même représenter 25% de leur budget. La facture énergétique devient alors une fracture énergétique, poussant régulièrement associations, élus, ou le médiateur de l’énergie, à tirer le signal d’alarme de la précarité énergétique et à en appeler à une forme de « bouclier énergétique » (on peut débattre du nom). Cette précarité énergétique selon les uns et les autres concernerait 15% des foyers français (soit environ 4 millions de foyers). Lorsque la facture augmente plus vite que le thermomètre ne baisse, avec les températures glaciales, c’est la précarité énergétique qui augmente.

Cette question de l’énergie devient alors une grande cause nationale, pour ces raisons sociales, mais aussi économiques et industrielles. En effet, le prix de l’énergie impacte tout et tous. D’autant plus que ce prix ne se limite pas à la production (ou l’importation) proprement dite. C’est aussi le prix de la sécurité, le prix de l’indépendance, le prix social de l’accès à l’énergie. Et si nous parlons beaucoup du coût du travail, le coût de l’énergie, comme input significatif, notamment dans l’industrie, est aussi une variable déterminante de la compétitivité, et de l’attractivité des offres.

Impactant le pouvoir d’achat, les choix stratégiques, les habitudes de consommation, les relations géopolitiques, la recherche, l’habitat, les transports, le prix de l’énergie est devenu un déterminant systémique. Et ce prix modifie également le mix énergétique. Lorsque la Cour des comptes réévalue le prix de production de l’IPR dans une fourchette de 70-90 euros le MWh, c’est un niveau qui rend l’éolien terrestre compétitif.

Le prix de l’énergie et les choix politiques et stratégiques influencent donc notre offre et notre consommation, et ce n’est pas nouveau lorsque nous nous rappelons un peu notre histoire énergétique récente :

  • Depuis le choc pétrolier de 1973, nous avons considérablement modifié notre structure de consommation d’énergie primaire : la part du charbon est passée de 15 % à 4 %, celle du pétrole de 68 % à 31 %, alors que la part du gaz était multipliée par deux (7 % à 15 %), et celle de l’électricité par dix (4 % à 43 %) (Source : Commissariat général au développement durable, chiffres clés de l’énergie 2011), avec principalement une hausse du secteur du transport lorsque le secteur de l’industrie diminue en part d’énergie consommée.

  • Il faut également prendre conscience qu’on ne consomme plus du tout le pétrole comme avant. Entre 1973 et 1985, la part grandissante du nucléaire vient se substituer au pétrole (10 fois moins d’électricité produite à partir du pétrole sur la période), et en terme de consommation, le pétrole est concurrencé par le gaz et l’électricité, passant de 61% à 32% dans l’industrie, et de 58% à 35% dans le résidentiel-tertiaire, pour représenter aujourd’hui moins de 20% dans ces secteurs. En « contrepartie », le secteur des transports en 2010 représente 71 % de la consommation finale totale de pétrole contre 30 % en 1973. Au total, nous consommons aujourd’hui du pétrole au même niveau qu’en … 1985. Pour rester sur cette énergie, une autre idée reçue à combattre est celle de notre dépendance pétrolière à l’égard des pays du Golfe : la part du Proche-Orient a fortement diminuée, passant de 71 % en 1973 à … 17 % en 2010 (compensée par la mer du Nord, l’Afrique subsaharienne et des pays de l’ex-URSS). Il faut également remarquer que l’augmentation du prix du pétrole pousse à l’amélioration des rendements. Un exemple : la consommation moyenne des véhicules sur le total des immatriculations est passée de 6,7 l/100 en 1985 à 5,1 l/100 en 2010, soit un gain de 30%. (sur la même période, le prix du gasoil à la pompe compensait quasiment ce gain au augmentant du même ordre).

  • En matière de gaz naturel aussi, quelques points de repères sont utiles : alors que nous produisions un tiers de notre consommation dans les années 1970, nous sommes aujourd’hui totalement dépendant des importations, et celles-ci ne proviennent pas d’abord de Russie, mais de Norvège (32 %, puis 14 % de Russie, 14 % d’Algérie et 15 % des Pays-Bas).

  • Aujourd’hui notre première énergie est désormais électrique, entre 1973 et 2010, la consommation intérieure d’électricité a progressée deux fois plus vite que l’ensemble de la consommation d’énergie et a même presque triplée en volume. (la consommation de gaz naturel a aussi presque triplée depuis 1973, mais est quasi stable depuis 2002).

Au delà de la question politique et souvent dogmatique du Nucléaire, nous voyons bien que c’est la question du prix et de l’accès à l’énergie qui est posée. Avec un peu de recul, nous constatons que la mutation énergétique est bien possible, nous en avons déjà connu, elle doit encore se prolonger, sans doute franchir un autre cap, à dessiner sur les 20 ou 30 ans qui viennent, ce que nous n’entendons pas aujourd’hui. La question du prix de l’énergie est une question de société, une variable déterminante. Si le prix de l’énergie (des énergies) augmente, son budget ne peut diminuer que par des gains de rendement et d’efficacité. Dès lors, l’inflation énergétique peut générer des alternatives, des innovations et de l’emploi (nouveaux équipements plus économes, meilleurs rendements, nouveaux matériaux, éco-conception…). Economiser l’énergie peut créer de la croissance. Dès lors, la décroissance énergétique devient une décroissance vertueuse, génératrice de croissance durable.

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