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L'Allemagne comme modèle ? 
Les Allemands en sont 
à la fois gênés et intrigués
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Ich liebe dich, moi non plus

Rencontre Nicolas Sarkozy/Angela Merkel ce lundi. L'Allemagne est omniprésente dans la campagne présidentielle française, notamment à travers la référence récurrente au fameux "modèle allemand". Qu'en pensent les premiers intéressés ?

Yann-Sven Rittelmeyer

Yann-Sven Rittelmeyer

Yann-Sven Rittelmeyer est chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) au sein de l’Ifri (Institut français des Relations Internationales).

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Citée une quinzaine de fois par le président Sarkozy dans son entretien télévisé à la veille du Conseil européen du 30 janvier, érigée en modèle par plusieurs acteurs politiques français, l’Allemagne est omniprésente dans la campagne présidentielle française. Le "modèle allemand" -dont le contenu reste vague dans les différents discours- serait la voie à suivre pour sortir la France et l’Europe de la crise. 62% des Français se déclarent d’ailleurs favorables à ce que la France s’inspire davantage du modèle économique et social allemand (sondage "L’image de l’Allemagne en France", réalisé par l’Ifop sur commande de l’Ambassade d’Allemagne en France, janvier 2012).

Pourtant, outre-Rhin, ces invocations constantes ont jusqu’à présent été passablement ignorées, notamment parce que l’Allemagne n’a pas développé une telle perception d’elle-même. Le cas de la Grèce et des autres pays en difficulté ainsi que les mesures à prendre au niveau européen ont concentré l’attention.

Le premier regard porté à cet intérêt français pour le "modèle allemand" a été teinté de méfiance. L’Allemagne a craint qu’en se voyant attribuer cette posture de modèle, cela se traduise par une accusation de volonté d’imposition. En effet, combiné avec la position de leader dans laquelle elle se retrouve actuellement en Europe, le risque est élevé pour que le "modèle allemand" aboutisse à l’image d’une "domination allemande".

Placée aux avant-postes sans pour autant l’avoir demandé, l’Allemagne fait valoir ses conceptions et –à l’instar des autres Etats membres-, défend ses intérêts sur la scène européenne. Mais par sa puissance et son passé, elle doit rester prudente et trouver le juste équilibre entre les appels qui lui sont lancés et les craintes qu’elle suscite.

Plus que jamais, la relation avec la France est perçue comme un partenariat nécessaire à l’Allemagne. Compte tenu de la configuration, Angela Merkel sait qu’elle a besoin de l’étroit soutien de la France mais également de ses autres partenaires européens pour être à même de jouer le rôle qui lui incombe. Suite à la dégradation de la France, la chancelière a d’ailleurs multiplié les rencontres avec d’autres homologues européens afin de diversifier et d’élargir ses appuis.

Mais la relation bilatérale demeure un point d’ancrage solide et incontournable. En accordant ce lundi soir une intervention télévisée conjointe avec le président français, la chancelière s’inscrit dans cette optique. Dans le même temps, elle participe avec cette collaboration à connotation électorale à une forme d’européanisation des campagnes électorales nationales. On assiste en effet à une multiplication des contacts transnationaux dans le cadre de ces scrutins (la présence de François Hollande au congrès du SPD en fut un autre témoin), alors même que l’on peine encore à observer le même type de pratiques au niveau des élections européennes. Les prochaines élections fédérales en Allemagne sont encore lointaines, mais les appareils politiques ont déjà commencé à se mettre en ordre de marche comme l’ont montré les congrès tenus récemment par les différents partis.

Enfin, cette invocation récurrente des réformes allemandes par le président français intrigue le voisin allemand. En effet, si Nicolas Sarkozy s’affiche aux côtés d’Angela Merkel, ce n’est pourtant pas elle qui est à l’origine des réformes invoquées. Au contraire, ces dernières expliquent en grande partie la chute de Gerhard Schröder qui a permis à Angela Merkel d’arriver au pouvoir. De plus, la difficulté rencontrée pour mettre en œuvre ces réformes (qui avaient suscité une résistance populaire plutôt rare dans ce pays), ainsi que leur bilan très contrasté, sont toujours loin de leur conférer une image positive.

Cette évocation des réformes entreprises sous le social-démocrate Gerhard Schröder se fait dans le cadre du jeu politique, afin, entre autres, de mettre en difficulté l’opposition socialiste. Plus que le contenu des mesures prises, l’objectif est de souligner l’activisme et le courage politique dont témoigne l’adoption de mesures radicales dans une situation difficile. La presse allemande évoque par ailleurs le risque que cet affichage aux côtés de la chancelière et cette quasi-obsession de l’exemple allemand agisse comme un "boomerang" qui viendrait mettre en lumière toutes les divergences entre les deux dirigeants et les deux Etats.

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