Faits divers : pourquoi les "chiens écrasés" nous fascinent autant<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Nouveau Détective est l’un des rares hebdomadaires qui ait maintenu ses ventes à 300 000 exemplaires.
Le Nouveau Détective est l’un des rares hebdomadaires qui ait maintenu ses ventes à 300 000 exemplaires.
©DR

L'égorgeuse au visage d'ange

Alors que la nouvelle revue Crimes et Châtiment vient de sortir, les émissions TV « Faites entrer l’accusé », « Présumé innocent », « Enquêtes impossibles » ou « Non élucidé » se positionnent aussi sur le marché porteur des faits divers.

Gabriel  de Mortemart

Gabriel de Mortemart

Gabriel de Mortemart est directeur de la rédaction du magazine Le Nouveau Détective.

 

 

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Atlantico : Le Nouveau Détective est l’un des rares hebdomadaires qui ait maintenu ses ventes à 300 000 exemplaires : un record dans la presse sinistrée. Le marché du fait divers se porte à merveille ?

Gabriel de Mortemart : Je n’en n’ai pas la moindre idée ! Il y a toujours eu de petites publications sur ce secteur. Nous ne faisons pas que du fait divers. Je ne sais même pas si le moteur d’achat est le fait divers. Crimes et châtiment a plutôt l’air d’être une publication haut de gamme consacrée aux vieilles affaires… Mais attention, traiter de faits divers n’est pas la recette immanquable pour vendre. Ce qui compte, c’est la façon de raconter les faits divers qui séduit ou non le public. Les faits divers à la télévision, en presse ou en radio fonctionnent s’ils sont avant tout bien racontés.

Que recherchent vos lecteurs dans votre journal ?

C’est toujours la question qu’on se pose : et on n’en sait rien ! Ils cherchent à ne pas s’ennuyer. Ils aiment les histoires fortes et qui aient un sens. On doit pouvoir y trouver un mélange de dimension individuelle mais avec une portée universelle. On doit lire un fait divers qui pourrait vous arriver.

On parle toujours avec beaucoup de mépris des « chiens écrasés » pour qualifier les faits divers. En réalité, il s’agit bien d’hommes qui vivent des drames, des aventures très fortes, des moments de la vie où tout bascule. On est loin des « chiens écrasés », c’est la profondeur absolue de l’aventure humaine.

Le succès vient de l’identification en quelque sorte ?

L’identification a son rôle mais au-delà, c’est l’impression d’être au bord d’un gouffre : le lecteur doit pouvoir se dire : « Mon Dieu c’est vrai ! Ces choses-là arrivent ! ». Je pense que personne n’est dupe. Je ne crois pas que  -comme tout le monde le dit- les magazines de faits divers entretiennent les peurs. Car tout le monde sait que ce sont des histoires qui ne représentent pas la société dans son ensemble. En revanche, on sait qu’elles existent et que quand on les lit, quand on « rencontre » les personnages de ces histoires, on s’étonne de ce que l’être humain est capable de faire !

Justement, avez-vous en têtes les titres qui ont bien plu récemment ?

Le dernier numéro qui a bien fonctionné n’avait pas trait aux faits divers. C’était : « C’est le plus petit de tous les héros de 2012 ».

Pas très trash pour une ouverture du Nouveau détective qui nous a habitué à des titres comme "Brûlé à l'acide et battu à mort par 4 barbares" ou "L'égorgeuse au visage d'ange"...

Certes, mais les titres qui marchent le mieux ne sont pas forcément les plus accrocheurs. Les titres sont d’abord une combinaison. Si je mets « une tête coupée » ou « violée » et « attachée », en couverture, c’est plutôt rare et je ne sais pas si cela va marcher. Ca peut même être repoussoir parce que les lecteurs n’ont pas de sensations ni aucune émotion forte. Cela marchait sans doute à une époque. Ce n’est plus le cas. Et puis, je n’ai pas envie de faire du gore et d’avoir honte en rentrant chez moi… Ce qui compte c’est l’émotion forte, le regard, le récit du journaliste. S’il s’agit juste de dire qu’il y a un sexe coupé : ca ne marchera pas ; c’est sûr ! La plus efficace a été ces derniers temps l’histoire de ce bébé qui n’était ni agressive ni accrocheuse ni violente.

Mais qu’est-ce qui a plu dans cette histoire de bébé ?

C’est qu’il a une histoire - il est né malgré d’immenses difficultés - et qu’on montre une belle photo d’un nouveau-né. Je ne me cache pas derrière mon petit doigt, détective traite de sujets durs, violents, sensationnels. La dimension voyeuriste existe, évidemment. Mais à mon sens ce n'est pas suffisant pour expliquer la durée et le succès du journal (le journal est né en 1928 et vend environ 300 000 exemplaire chaque mercredi, un record. NDLR). Ce qui fonctionne, c'est qu'on touche au cœur de l'éternel humain. La vie, la mort, la jalousie, l'excès, le sexe, le pardon, toutes les passions humaines.

Ce qui reste vrai, c'est que l'enveloppe est brutale - la couverture, accrocheuse - mais là non plus c'est pas suffisant pour que le lecteur revienne. Détective c'est du cœur, de la compassion, une certaine défiance vis à vis de l'establishment, mais aussi du rire, du sexe, de l'auto dérision, un peu d'exagération, c'est un journal populaire, au sens le plus noble du terme.

Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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