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"Offrir mes RTT à un collègue ? Pas question, j’ai déjà donné… "
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Zone franche

L'État ne peut pas tout faire, heureusement, et il nous reste encore deux-trois terrains d’exercice de l’initiative individuelle. D'ailleurs, ça ressemblerait à quoi, un État omnipotent ?

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Une nouvelle loi devrait être votée sous peu, permettant à un salarié d’offrir des jours de RTT à un collègue en difficulté ayant épuisé les siens. Un gars dont un le gosse est malade, par exemple, mais qui n’aurait pas les moyens de prendre un congé sans solde, pourra donc bénéficier de la générosité d’un voisin de bureau pour continuer à réchauffer du bouillon de poule ou être présent pour les chimios aussi longtemps que nécessaire…

Présenté comme ça, ça à l’air assez formidable, mais puisque c’est une loi de droite, portée par un député UMP et donc par un affreux dont l’agenda caché est vraisemblablement de filer un nouveau coup de godillot dans le fragile édifice des zacquisociaux, je me suis demandé comment l’on pouvait y être hostile sur un mode « progressiste ».

J’ai un peu cherché sur le Web et figurez-vous que j’ai trouvé : cette loi est en réalité moralement indéfendable, puisqu’elle risque d’expédier le salarié insuffisamment solidaire au pilori, scandaleusement pro-business, puisqu’elle permet au patron de ne pas être affecté par l’absence d’un employé (j’ai failli dire « collaborateur » mais je me suis vite repris) et surtout socialement inique, puisque c’est à l’État qu’il devrait revenir de financer ce genre de truc.

Ce n’est pas une opinion universelle, fort heureusement, mais ce sentiment qu’il appartienne à la puissance publique de régler tous nos problèmes quels qu’ils soient reste largement répandu sous nos latitudes. Les Restaurants du cœur, par exemple, seraient une infamie, puisqu’ils feraient la preuve de ce qu’en 2012, la pauvreté n’a toujours pas été intégralement éradiquée. Tout comme le Téléthon serait la marque d’un sous-financement coupable de la recherche médicale sur fonds publics.

Jusqu’à la pièce que l’on refuse au clodo de sa rue au prétexte que des sans-abri, il ne devrait plus y en en avoir.

C’est marrant parce que c’est à peu de chose près la ligne de défense qu’adoptent nos grandes fortunes lorsqu’on leur fait remarquer que leurs homologues yankees passent leur temps à distribuer leurs dollars par milliards : « Je paye mes impôts, voyons, j’ai déjà donné ! ».

Lionel Jospin, et il a peut-être été recalé en 2002 pour avoir énoncé cette évidence, s’était un jour lâché en déplorant que l’État ne puisse pas tout. J’irai un poil plus loin parce que je ne souhaite pas être au second tour moi même et que je cours donc aucun risque : non seulement l’État ne peut pas tout, mais je crois que j’aurais du mal à vivre dans un pays où il appartiendrait au ministre de ceci ou cela de prendre en charge tout ce qui relève de l’initiative individuelle, la générosité pure n’étant plus qu’une affaire d’arbitrages budgétaires.

« J’ai déjà donné », qu'il s'agisse de journées de RTT ou d'euros sonnants et trébuchants, c’est vraiment une attitude de plouc.

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