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Si, les référendums peuvent être une arme contre les populismes
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Ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain

En organisant un référendum sur le Brexit, les Britanniques ont témoigné de la possibilité de confier des questions primordiales au peuple. Une habitude, tirée de la démocratie participative, qui s'est depuis longtemps perdue en France.

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Quelques jours après l’uppercut inattendu venu d’Outre-Manche, le continent européen est toujours KO par Brexit. Le jour du referendum, Bernard Henri-Lévy avait twitté "Défaite probable du Brexit. Déroute, donc, des souverainistes, des xénophobes, des racistes."Quelques heures plus tard, les scores révélaient l’existence de plus de 17 millions électeurs "xénophobes et racistes" au Royaume Uni. Bernard Henri-Lévy va-t-il recommander de les bombarder ? Cette condescendance largement partagée par les élites confirme leur divorce en cours avec la masse des électeurs, et pas seulement britanniques. Le Brexit est une catastrophe pour le continent. Mais au lieu de respecter le choix des citoyens britanniques et de réfléchir à un nouveau format européen, les dirigeants européens et bruxellois réagissent dans l’hystérie et n’ont pas de mots assez durs pour ces "traîtres", inconscients et profiteurs à leurs yeux. Puisque le peuple vote contre l’Union européenne, il faut dissoudre le peuple !

Un autre referendum – certes moins fondamental - s’est tenu de notre côté de la Manche cette semaine, dans le département de Loire-Atlantique. Cette consultation populaire concernait la construction d’un nouvel aéroport sur le terrain occupé depuis 2009 à Notre-Dame des Landes par une nébuleuse écolo-anarchiste. Score sans appel avec 55.17% de voix favorables au projet qui opposait jusqu’ici entre eux des pontes de l’actuelle majorité. Le recours à la votation semblait naturel pour trancher le débat. Grosse déception des ZADistes dont la philosophie prétend pourtant reposer sur la démocratie participative. L’extrême gauche est en effet friande de votations citoyennes… pourvu qu’elle aille dans leur sens. Tandis que les ZADistes dénoncent avec une parfaite mauvaise foi une majorité "abstraite" à NDDL pour faire douter de la légitimité (néanmoins incontestable) du vote, le PCF organise un pseudo-referendum (sous contrôle) contre la loi Travail.

La démocratie semi-directe n’a hélas toujours pas la cote. Ni auprès des dirigeants politiques, ni auprès des élites intellectuelles et économiques de notre pays. Tous estiment qu’elle nourrit la surenchère populiste et aboutit à des votes qui ne répondent pas aux questions posées. L’élection de l’actuel président de la République n’a pourtant pas davantage répondu à la question. Il s’agissait d’abord d’un vote sanction de son prédécesseur, pas du choix d’un projet pour le quinquennat. Pas grave, la démocratie représentative s’accommode très bien des votes qui ne répondent pas à la question. Ils ne sont d’autant pas à une contradiction près qu’ils en vivent toute leur (longue) carrière (d’élu). L’affaiblissement de la démocratie vient justement du fait que les dirigeants s’estiment quasiment "propriétaires du pays" entre deux scrutins et n’en font qu’à leur tête.

Comment les élus peuvent-ils reprocher aux électeurs leur abstention et leur incivisme… et refuser en même temps de leur confier la clef des décisions qui les concernent via l’usage régulier du referendum ? Le civisme des parlementaires n’est pas plus convaincant lorsqu’ils n’assistent pas eux-mêmes aux votes importants de l’Assemblée nationale (129 seulement étaient présents pour le projet de loi de révision constitutionnelle en février, 136 pour la loi renseignement en avril 2015). Pire, ils n’ont eu aucun scrupule à piétiner la victoire écrasante du "non" au referendum du Traité établissant une Constitution Européenne en 2005 et à voter "oui", les électeurs devaient manifestement avoir tort à l’époque. Las de cette légèreté à leur égard, les citoyens sont de plus en plus nombreux à voir dans le FN le seul outil de rupture avec cette "dictature molle". Cette montée inquiétante du populisme exige une véritable réforme de fond de notre modèle.

Le recours au referendum est seul à pouvoir débloquer notre démocratie malade en sortant de l’alternance stérile droite-gauche qui se contente le plus souvent de substituer une promotion d’énarques à une autre. C’est le meilleur moyen de passer des mini-réformes qui patinent, bloquées par un quarteron de syndicats aussi virulents que non-représentatifs, à des changements profonds validés directement (ou non) par les électeurs, et plus généralement par toutes les personnes concernées. Les referendums se multiplient en entreprise pour promouvoir les baisses de salaire, le travail en soirée (chez Séphora) ou le dimanche (chez Bricorama, Louis Vuitton). Les succès écrasants de ces consultations se voient hélas contestés par des syndicats qui perdent le contrôle des négociations au sein de l’entreprise. Ils doivent admettre que leur pouvoir vertical ne correspond plus non plus aux attentes des salariés. Partout, nous souhaitons nous exprimer directement sur des changements dans notre cadre de vie sans passer par l’intermédiation de représentants en qui nous n’avons plus confiance.

Le referendum, ça marche. La Suisse est une vieille démocratie apaisée qui sollicite à intervalle régulier ses citoyens via des votations locales, cantonales et fédérales. Les questions sont parfois brutales et incongrues au point de faire débat jusqu’en France où, cruelle ironie, les Français ne peuvent s’exprimer de la sorte. Le bon sens l’emporte généralement. Le revenu universel, concept très en vogue dans les salons parisiens, a été rejeté massivement par les Suisses (76.9% des votants). A peu près autant se sont opposés à l’instauration d’un salaire minimum en 2014. 66% avaient voté contre la 6eme semaine de vacances en 2012. Toutes les votations ne sont pas heureuses. Tous les votes de nos élus non plus. Nous devrions nous inspirer de ce modèle de démocratie épanouie d’autant que l’arrivée des nouvelles technologies bouleverse la circulation de l’information, les espaces de débat, la mobilisation et l’expression citoyenne. 

L’ubérisation de la politique est proche. Le pouvoir ne pourra continuer longtemps à fonctionner sur un mode sa hiérarchique vertical. Il devra partager ses leviers de décision et basculer sur un modèle plus horizontal et participatif.Notamment en appelant les Français à s’exprimer à fréquence régulière sur des débats locaux, régionaux, nationaux… et européens. Ces consultations devront respecter la hiérarchie des normes, un changement constitutionnel exigeant bien plus de précautions et de garde-fous qu’un choix local ou en entreprise. Mais les outils existent, ce mode de décision collective répond aux attentes de plus en plus manifestes des citoyens français qui se sentent dépossédés de leur liberté de choix. A défaut de pouvoir se libérer de la tutelle d’une classe politique – et syndicale - de plus en plus fermée sur elle-même grâce à l’outil référendaire, nous risquons de voir les suffrages se reporter plus massivement encore sur le parti populiste dominant dans l’espoir de se débarrasser d’elle. Voulons-nous continuer à jouer avec le feu en condamnant les citoyens au silence ? Choisir ou subir, voilà l’enjeu essentiel de la votation populaire.

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