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"La différence principale entre les syndicalistes français et allemands ? Eux ne tombent pas dans la contestation systématique"
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Ich bin syndiqué

Le président de la République reçoit ce mercredi les partenaires sociaux pour trouver un terrain d’entente sur des mesures pour l’emploi. La majorité érige très souvent l’Allemagne en modèle, et en particulier son mouvement syndical qui permettrait un dialogue social plus serein et abouti. Quelles leçons tirer du modèle syndical allemand ?

René Lasserre

René Lasserre

René Lasserre est Professeur des Universités et Directeur du CIRAC (centre d'information et de recherche sur l'Allemagne contemporaine).

Il a récemment publié Relations sociales dans les services d'intérêt général : Une comparaison France-Allemagne (co-dir. avec Solène Hazouard et Henrik Uterwedde), Éd. CIRAC, 2011.

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Atlantico : Le président de la République reçoit ce mercredi les partenaires sociaux pour un sommet social sur le thème de l'emploi. La majorité érige très souvent l’Allemagne en modèle, et en particulier son mouvement syndical. Quelles sont les grandes différences entre les syndicats français et allemands ?

René Lasserre : Ma première remarque concerne la représentativité des syndicats. En France, le taux de syndicalisation dans le privé plafonne à 5%. Chaque grand syndicat peut prétendre seulement à 1 ou 2 % des salariés. Les syndicats français sont une minorité agissante qui bénéficie de privilèges d’audience qui ne sont absolument pas justifiés. Le mouvement syndical allemand est beaucoup plus fortement représentatif. Il est d’ailleurs aussi fortement représenté au niveau local. Les syndicats allemands ne sont pas des espèces de partis politiques sociaux comme en France.

Le mouvement syndical allemand est aussi beaucoup plus unitaire. Il n’y a pas le pluralisme syndical que l’on a en France et qui conduit à un émiettement à la fois des organisations et des points de vue.

La troisième grande différence entre le syndicalisme français et allemand est la prise de responsabilité. Le syndicalisme allemand prend et partage des responsabilités. Alors qu’en France les syndicats sont essentiellement revendicatifs et contestataires. Le syndicalisme allemand est bien entendu un organisme puissant de défense des salariés mais il est également une force de proposition.

Iriez-vous jusqu’à dire que les syndicats français sont plus politisés ?

Je ne dirai pas « politisés » au sens partisan du terme car leur identification partisane est souvent très complexe et relèverait même de l’exégèse... Je pense qu’ils sont plutôt très idéologiques. Ils ne sont pas dans la logique de l’économie de marché et de l’entrepreneur. Ils ont adopté une logique de contestation du système plus que de réforme et d’amélioration des dispositifs existants comme cela existe en Allemagne.

Une entreprise, ce n’est pas seulement le patron et le propriétaire. C’est aussi une communauté d’intérêt (qu’on le veuille ou non) entre des gens qui investissent et des gens qui travaillent. Si ces deux acteurs ne s’entendent pas, cela ne peut pas donner de bons résultats. Justement, l’entreprise allemande, représente à la fois le patrimonial et le syndical. Il y a comme un accord de fond sur la raison d’être de l’entreprise.

Comment expliquez-vous le très faible taux de syndicalisation en France ?

Personne n’empêche les gens de se syndiquer. Si les salariés ne se tournent pas plus en masse vers les syndicats c’est qu’ils n’y trouvent pas leur compte. On a les adhérents que l’on mérite…

Je pense que l’un des facteurs de la baisse du syndicalisme en France est l’interventionnisme de l’Etat. Ce n’est pas à l’Etat de défendre les intérêts des salariés, c’est aux syndicats de faire cela. Cela revient à leur couper l’herbe sous le pied. Mais je crois que les syndicats sont finalement très contents d’avoir ce relai de l’Etat car sans cela ils n’auraient pas la puissance et l’audience qu’ils ont.

Sans avoir besoin de l’Etat, les syndicats allemands sont une puissance qui parle d’égal à égal aux patrons. Ils ont une position d’influence qui est sans commune mesure avec celle qu’il y a en France. Branches par branches, ils font une sorte de pacte compétitivité avec les patrons. Une entreprise plus solide c’est des emplois plus solides et moins rémunérés. Cela encourage l’innovation et le développement.

Concrètement, par quoi devons-nous commencer pour transposer le modèle allemand en France ?

Il faut d’abord cesser de déclarer tous les grands syndicats français représentatifs en supprimant la clause de représentativité et en négociant avec ceux qui sont réellement représentatifs.

Il faut ensuite créer un système par entreprise. On donnerait la possibilité à un syndicat dans l’entreprise (le plus représentatif) de négocier pour tous les autres. Le but est d’unifier à terme les instances de représentation dans l’entreprise. Il faut cesser ce système avec « 36 » représentations dans lequel chacun partage ses billes. Un conseil d’entreprise géré par le syndicat majoritaire et rien d'autre.

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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