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Le vin français dans tous ses états : le dérèglement climatique vient bousculer une spécialité tricolore multi-centenaire
©Reuters

In vino veritas

En raison du réchauffement climatique, les raisins mûrissent plus vite et les vendanges se font deux à trois semaines plus tôt en France qu’il y a trente ans. Pas de quoi faire paniquer le monde de l’œnologie, car de nombreuses solutions existent pour maintenir la qualité des vins de l'Hexagone.

Laurent  Audeguin

Laurent Audeguin

Laurent Audeguin est spécialiste en ampélographie et réchauffement climatique.
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Atlantico : Le réchauffement climatique a-t-il un impact sur les cépages français ?

Laurent Audeguin : Oui, les dates de maturité dans les différents vignobles ont avancé depuis cinquante ans, et donc de fait, les dates de récoltes aussi.

C'est le cas dans toutes les régions viticoles de France, avec quand même des effets annuels qui peuvent varier selon les saisons, les régions et selon les cépages cultivés.

Il y a aussi un double effet. Comme le cycle maturation du raisin se fait plus rapidement, les vendanges sont font sous des températures plus élevées. En effet, au mois d’Août les températures diurnes sont plus élevées, donc cela accélère le processus.

Il y a d'autres pays producteurs de vin où le phénomène est beaucoup plus marqué et amplifié par les sécheresses estivales, comme la Californie, l’Australie ou l'Argentine. Cela ne concerne donc pas que la France !

L'avancement des dates de maturité et de récolte du raisin a-t-il un impact sur la qualité du vin français ?

Concrètement, cela génère des raisins avec une concentration en sucre plus élevée et des acidités plus basses, ce qui compte beaucoup dans l'équilibre des vins.

Il y a des articles très anxiogènes qui ont été publiés dans la presse sur le sujet, mais pour l'instant, ces changements n'ont rien d'alarmants. Certes, il y a eu des années comme 2003 où il y avait des vins avec des équilibres très particuliers, qui étaient fortement marqués par la canicule, mais cela reste des exceptions.

Si le réchauffement climatique ne s'amplifie pas et reste tel quel, il a même pour le moment un impact positif sur certains cépages tardifs, comme sur le Cabernet-Sauvignon de Bordeaux, car les raisins murissent bien et produisent des arômes de maturité qui sont très favorables à la qualité du vin. Pour ces viticulteurs cultivant ces cépages, les voyants sont plutôt "au vert".

C'est pour les cépages précoces que la situation est un peu plus compliquée à gérer. Ces cépages ont un cycle court donc mûrissent naturellement plus tôt. De plus, ce sont souvent des cépages blanc pour lesquels l’acidité est importante en terme de fraîcheur et de conservation.

Le monde de l’œnologie français est-il inquiet de ces changements climatiques ?

Inquiet non, concerné oui.

Pour le moment, les viticulteurs sont simplement en train de découvrir et de prendre en compte cette nouvelle problématique, et ils se sont mis si je puis dire en "veille technologique". L'idée est plutôt de se préparer à s'adapter si le réchauffement climatique continue d'augmenter.

Y a-t-il des moyens de lutter contre l'impact du réchauffement climatique sur les cépages français ?

Oui, il existe de nombreux moyens de contre-balancer les effets du réchauffement climatique.

Par exemple, on essaye actuellement d'élargir les palette de cépages français pour l'ouvrir à des cépages du pourtour méditerranéen, afin que les viticulteurs puissent s'adapter à des températures un peu plus élevées dans le futur. On s'intéresse notamment à l'importation de cépages grecs, qui sont plus anciens que nos cépages français, plus habitués aux fortes chaleurs et qui ont développé historiquement de meilleures capacités d'adaptation aux changements climatiques.

Les Bordelais ont récemment implanté dans leur région une nouvelle cinquantaine de cépages (grecs, portugais, californiens...). Cela permet de faire de la veille technologique, pour voir si ces nouveaux cépages pourraient éventuellement se marier avec des cépages bordelais classiques. En Languedoc, le cépage de Galice (l’Alvarinho) donne par exemple des choses très intéressantes.

Pour des projets de plantation à venir, il y aussi l'idée d'utiliser des "porte-greffes", qui peuvent pour certains avoir une meilleure tolérance à la contrainte hydrique ou qui supportent mieux la sécheresse. En effet, suite à l’arrivée du phylloxera dans la moitié du 19ème siècle, le vignoble français dans son immense majorité est greffé. Avec des porte-greffes d’origine américaine. Ces porte-greffes (une trentaine sont utilisables en France), confèrent de la résistance au calcaire, à la sécheresse mais également de la vigueur ou influent sur le cycle de végétation du cépage "qu’ils portent". Ainsi, utiliser des porte-greffes qui confèrent de la tardiveté ou qui résistent mieux à la sécheresse estivale est un levier important dans le cadre de l’adaptation au changement climatique.

Les viticulteurs français sont-ils réceptifs à ces possibles changements ?

Oui, ils sont réceptifs.

Mais changer un cépage se fait sur une génération, soit au minimum sur une vingtaine d'années. Donc ce ne sont pas des décisions qu'ils sont encore prêts à prendre. Cela demande une validation et une adhésion collectives.

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