Quand la frénésie de coups de menton de Manuel Valls l'expose à des retours de flamme de plus en plus dangereux <!-- --> | Atlantico.fr
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Manuel Valls est devenu l'homme à abattre pour certains parce qu'il violente les valeurs de la gauche, les grands principes auxquels beaucoup comme Pierre Joxe sont très attachés.
Manuel Valls est devenu l'homme à abattre pour certains parce qu'il violente les valeurs de la gauche, les grands principes auxquels beaucoup comme Pierre Joxe sont très attachés.
©Reuters

Agitation d'avant noyade

Attaqué alors qu'il assure le service après vente du texte sur la déchéance de nationalité, vivement critiqué après ses propos sur la Corse, montrer du doigt par Ségolène Royal, le premier ministre est la cible de son propre camps. Une mauvaise passe qui ne devrait pas lui coûter Matignon.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Atlantico : Manuel Valls a été très critiqué à la suite de ses violents propos sur la Corse, il l'a aussi été par Pierre Joxe à propos de la déchéance de nationalité. Pourquoi est-il devenu l'homme à abattre?

Christelle Bertand : Il n'est pas devenu l'homme à abattre pour tout le monde car nombre d'élus socialistes pensent encore qu'il est peut-être en train d'offrir une chance au PS de rester au pouvoir. En effet, les Français ont majoritairement approuvé l'action du gouvernement après les attentats du 26 novembre, 91% d'entre eux approuvent la prolongation de l'Etat d'urgence et 95% la déchéance de nationalité. Manuel Valls est devenu l'homme à abattre pour certains parce qu'il violente les valeurs de la gauche, les grands principes auxquels beaucoup comme Pierre Joxe sont très attachés. Dans Médiapart, l'ancien ministre de la Défense n'y va pas de main morte lorsqu'il parle d'un " Premier ministre feignant d’ignorer que, bien au contraire, c’est en oubliant leurs valeurs que de vieux socialistes « égarés » ont jadis déconsidéré la gauche, détruit pour dix ans leur Parti et abattu la IVe République". Une partie des élus de la gauche de la gauche sont, comme lui, très remontés. C'est le cas de Benoît Hamon, figure de l'aile gauche du PS, qui a estimé que « ce qui distingue Bertrand, Estrosi et Valls ne tient qu'à des nuances ». De plus, il est plus facile de taper sur Manuel Valls que sur François Hollande d'autant que l'émotion post attentats est aujourd'hui un peu retombée.

En revanche dans l'affaire Corse les choses sont bien différentes. Ce que dit Manuel Valls fait écho à toute une pensée de gauche républicaine profondément jacobine c’est-à-dire attachée à l'unité du pays et à ses contours. Ce sont d'ailleurs les élus nationalistes qui, cette fois, ont conspué Manuel Valls alors que le Premier ministre a été soutenu par Jean-Pierre Chevènement qui a affirmé: "Quand on est républicain, on ne l'est pas à moitié, on doit combattre le FN comme les nationalistes." Une déclaration qui n'a pas du déplaire au locataire de Matignon. Sur la Corse, ce que les socialistes ont reproché à Manuel Valls c'est le ton employé. Un proche de l'Elysée expliquait hier: " Pourquoi provoquer ? Les Corses, ça se manie avec précaution. Il faut savoir leur parler, flatter leur histoire… ». Bernard Cazeneuve a même dû inviter chacun, lors de sa visite en Corse, au "respect des adversaires politiques auxquels il est toujours légitime de s’opposer, mais qu’il n’est jamais utile de blesser". Car si Manuel Valls n'est pas vraiment devenu l'homme à abattre, pour les hollandais il est devenu l'homme à affaiblir. Les proches du Président ne voudraient pas, en effet, le voir prendre trop de liberté à moins d'un an du début de la campagne présidentielle.

Cette volonté de le contenir, explique-t-elle une certaine nervosité de la part du Premier ministre?

Evidemment. Durant toute la séquence qui a suivi les attentats de novembre, Manuel Valls a piaffé d'impatience. Alors qu'en janvier il avait brillé lors de son discours à l'Assemblée nationale, cette fois c'est François Hollande que l'on a vu et entendu, lui qui était aux commandes. Le Congrès a remplacé l'Assemblée et Manuel Valls s'est trouvé cantonné à un rôle subalterne. Son entourage a bien tenté d'expliquer, dans les salons parisiens, que le Premier ministre avait dû pousser François Hollande, tétanisé par la gravité des évènements, à agir fortement. A les entendre l'état d'urgence c'est lui, la réforme constitutionnelle aussi tout comme la déchéance de nationalisé. On voit bien que la lutte entre les deux têtes de l'exécutif devient plus intense 2017 approchant. Mais s'ils tentent de se neutraliser, ils ont aussi besoin l'un de l'autre. Hollande ne peut se permettre d'avoir un Premier ministre qui s'égare car il sera le premier à en payer les pots cassé et Valls ne peut apparaitre comme l'artisan de l'échec de Hollande car la gauche entière le lui reprocherait. Leurs destins sont liés, ils ne peuvent que se marquer à la culotte, rien de plus.

Les tensions avec Ségolène Royal, qui accuse le Premier ministre d'avoir donné l'ordre de poursuivre le déversement des boues rouges dans le parc national des Calanques, sont-elles aussi à mettre sur le compte de cette atmosphère tendue avec le chef de l'Etat?

Ca n'est pas impossible car Ségolène Royal prend toujours fait et cause pour François Hollande. Certes les relations entre le Premier ministre et la ministre de l'environnement n'ont jamais été simples. Durant la campagne présidentielle, Manuel Valls était très proche de Valérie Trierweiler ce que Ségolène Royal a mis longtemps à lui pardonner. Puis ils se sont opposés lorsque Ségolène Royal a imaginé rendre les autoroutes gratuites le week-end, Manuels Valls affirmant que c'était «une éventualité qu'il ne (fallait) pas envisager». Sur Sivens ensuite, le Premier ministre étant favorable au barrage alors que Ségolène Royal y était opposé. Mais leur plus gros différent a porté sur le chantier de  Notre Dame des Landes autorisé par Valls à l'insu de la ministre de l'environnement qui était furieuse. Il y a donc un historique. Mais Ségolène Royal a rarement attaqué aussi directement qu'aujourd'hui. Il faut dire qu'il est plus facile de s'opposer à un Manuel Valls affaibli, sachant que cette opposition peut servir le chef de l'Etat envers qui Ségolène Royal a toujours été loyal. Elle ne cache pas vouloir être l'un des artisans de sa victoire en 2017.

Cette omniprésence est-elle de nature à lui permettre d'exister alors que François Hollande tente de l'étouffer?

Pour l'instant, l'exercice n'est pas franchement réussi ni sur la déchéance de nationalité ni sur la Corse. Sur la déchéance même si la décision a été, au finale, prise par François Hollande et défendue par lui dans son discours lors du Congrès, c'est Manuel Valls qui est attaqué par les socialistes qui ne veulent pas s'en prendre frontalement à leur futur candidat à la présentielle. De plus, le Premier Ministre, qui n'a fait preuve d'aucune diplomatie, a tendu le bâton pour se faire battre comme s'il cherchait une rupture avec la gauche du PS. Il faut dire que François Hollande, en demandant à son premier ministre d'assurer le service après-vente du projet sur la déchéance de nationalité alors que l'émotion post attentat est retombée ne lui a pas offert le meilleur rôle qui soit. Les évènements Corses auraient pu lui permettre de rebondir mais c'est encore raté car le ton n'y est pas. Décidément, Manuel Valls traverse un bien mauvaise passe.

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