Oui, il existe des solutions pour que l’Europe échappe à une décennie sans croissance !<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
L’Europe est-elle donc condamnée à une décennie sans croissance ?
L’Europe est-elle donc condamnée à une décennie sans croissance ?
©Reuters

Une prochaine décennie sans croissance ?

Sous l'emprise de la crise, l'Europe est menacée de récession. Pour y échapper, il est nécessaire de relancer la croissance par des politiques en rupture avec le modèle économique conventionnel. Deuxième et dernière partie de notre série en deux volets sur les remèdes à la crise européenne.

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser est ancien député européen apparenté RN.

Voir la bio »

Lire la 1ère partie de notre série en deux volets
sur les remèdes à la crise européenne :

Les pièges de la rigueur

Atlantico : L’Europe est-elle donc condamnée à une décennie sans croissance comme on a pu le lire ici ou là, le temps d’apurer ses problèmes de dette ?

Jean-Luc Schaffhauser : Non ! Il pourrait être parfaitement possible de ne pas étrangler la croissance européenne à condition toutefois de changer de politique comme le défend d’ailleurs la France en limitant la charge de la dette en la soustrayant à la pression des marchés d’une part et en générant un plan de relance d’autre part.

La première mesure à prendre consiste donc à sortir des marchés pour le remboursement de la dette. La proposition française visant à ce que le Fonds européen de stabilité financière (FESF) devienne une véritable banque pouvant s’alimenter auprès de la Banque centrale européenne (BCE) au taux de 1,25 % va dans ce sens. Elle permettrait en effet de reprêter aux États à des taux quasi nuls compte tenu de l’inflation et surtout de réduire l’exposition aux marchés financiers. Cela changerait totalement la donne ! Prenons le cas de la Grèce qui est pourtant, comme chacun sait, l’un des cas les plus dramatiques en Europe. Si le FESF lui prêtait à des taux quasi nuls, alors son besoin de  financement de capitaux internationaux serait réduit de l’ordre de moitié, son déficit de la balance des paiements diminuerait de moitié.

La deuxième mesure serait de combler ce déficit, ce qui est possible, par des investissements productifs permettant de créer plus de richesse au niveau national. Cela signifie que le fondement d’un plan de sauvetage efficace doit consister à doper la croissance nationale !

Mais est-il vraiment possible de mener une politique de relance sans aggraver encore l’endettement ?

Oui ! A la condition que cette politique s’appuie sur des dépenses d’investissement dans des secteurs susceptibles de créer durablement de la valeur ajoutée.

En revanche, il ne faut évidemment pas doper la croissance par la consommation. C’est ce qu’ont fait précédemment les gouvernements de l’Europe du Sud de manière absurde puisque leur problème vient précisément du fait qu’ils consomment plus qu’ils ne produisent sur leur territoire.

Il faut toutefois souligner que leur situation d’étranglement résulte aussi de l’interdiction qui leur est faite – dans le système de monnaie unique – de dévaluer. En effet, la dévaluation est le moyen naturel de retrouver l’équilibre avec des partenaires plus compétitifs en renchérissant le coût des importations et en renforçant la compétitivité des productions nationales. En revanche, grâce à la monnaie unique, le Sud de l’Europe pouvait continuer à s’endetter à des taux peu élevés pour maintenir et même augmenter son niveau de vie de façon artificielle.

Quels sont les secteurs où des investissements pourraient réellement produire de nouvelles richesses ?

L’énergie en premier lieu. La Grèce importe actuellement la quasi totalité de la sienne. Un plan d’investissement dans l’énergie solaire et l’efficacité énergétique pourrait facilement permettre de diminuer de 20 à 30 % sa facture d’énergie qui doit se situer autour de 5 points de PIB, on gagnerait déjà ainsi au moins 1 point de PIB.

Autre exemple : la Grèce dispose de ports de commerce et d’un système de distribution à fort potentiel que l’on pourrait moderniser et développer. La Grèce a aussi augmenté ses exportations depuis qu’elle est dans la zone euro ; il faut donc soutenir les secteurs industriels compétitifs et exportateurs.

Plutôt que de payer pour rembourser une dette qui ne cesse de se renchérir, nos propositions visent à créer les sources de richesses dans l’avenir. Il ne s’agit donc pas, comme on veut parfois le faire croire, d’abandonner la rigueur pour retomber dans l’écueil de l’assistanat. Il s’agit de créer une dynamique vertueuse, tant en Grèce que dans les autres pays européens.

Dans le cas de la France, y-a-t-il vraiment des marges de manœuvre au regard des jugements négatifs émis par les agences de notation ?

La France a aujourd’hui, en valeur, le premier déficit commercial et budgétaire de la zone euro. Mais, globalement, la moitié des déficits de la balance des paiements résulte déjà du règlement des intérêts de la dette aux étrangers qui la détiennent… Si bien qu’en bénéficiant de prêt à taux nul, l’effort à fournir pour retrouver une balance des paiements équilibrée serait, sinon dérisoire, du moins parfaitement atteignable.

Si par ailleurs, on procédait à une réduction de nos importations d’énergie, ce qui est également parfaitement possible par un programme d’investissement en faveurs des économies d’énergie et des énergies nouvelles, le niveau d’exposition de la France aux besoins de financement internationaux serait nul.

Et encore, je ne prends pas en compte, dans ce calcul, les bénéfices qui pourraient résulter du développement de nouvelles filières industrielles positionnées sur des marchés porteurs au niveau mondial, puisque la raréfaction de l’énergie fossile va constituer dans les années à venir un formidable défi pour l’humanité tout entière. Dans le même esprit, le développement du ferroutage permettrait de substituer au pétrole importé de l’énergie électrique produite nationalement.

Mais n’est-il pas illusoire de former de tels projets dans la mesure où les Allemands refusent catégoriquement ces pistes de réflexion ?

Je pense effectivement qu’aujourd’hui l’Allemagne commet une grave erreur en autorisant les banques à se fournir à la banque centrale au taux de 1,25 % tout en refusant aux États de se fournir aux mêmes taux.

Pour des raisons historiques, les Allemands ont une sainte horreur de l’inflation… Ont-ils tort ?

La réponse est oui ! Au niveau mondial, le niveau moyen d’émission monétaire se situe à 24 % du PIB. Or, la zone euro est, elle, à 12 % ! Elle peut donc, via la BCE, émettre encore 1000 milliards d’euros à un taux de 1,25 % ou inférieur (pour mémoire, le taux américain est actuellement de 0,2 %) sans cesser d’être dans la moyenne mondiale.

Avec ces 1000 milliards, elle serait en mesure d’acheter la totalité des dettes grecques et portugaises et la moitié de la dette espagnole. Par ailleurs, cette crainte est d’autant moins justifiée que les marchés restent largement ouverts aux importations venant des pays à bas coût qui pèsent sur les prix et sur les salaires.

Propos recueillis par Franck Michel

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !